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Crète : le réveil d'une île

La vigne - n°139 - janvier 2003 - page 0

Pour s'adapter au marché, les coopératives et les entreprises privées crétoises modernisent leurs chais et construisent des vendangeoirs. Certaines misent sur les cépages locaux, d'autres sur les variétés internationales.

Réputée depuis des temps immémoriaux, la production crétoise de vin tourne autour de 600 000 hl par an, soit 15 % du total de la Grèce. Les raisins de cuve couvrent 11 800 ha pour un vignoble de 50 000 ha. Le premier de ces chiffres est approximatif, car la plupart des viticulteurs vinifient pour leur propre consommation. De plus, ils vendent leur surplus en raisins de table si les cours sont intéressants. Ces 20 000 viticulteurs possèdent, en moyenne, 0,5 ha.
On ne compte que dix-sept caves au sens commercial du terme. Onze caves sont implantées dans le massif montagneux, au sud d'Héraklion. Leurs vignes poussent à une altitude de 300 à 800 m. Là se trouvent quatre des six AOC de l'île de Crète : Peza blanc, Peza, Dafnes et Arhanes rouge. Vient ensuite la région de Sitia, à l'est, avec les appellations blanc et rouge du même nom, puis La Canée et Rethymnon, à l'ouest. Les sept coopératives dominent toujours. Celles situées à Peza ou Arhanes produisent de 100 000 à 200 000 hl par an. Elles vendent beaucoup en vrac. Mais, à l'instar du secteur privé, la coopération connaît, depuis quelques années, une mutation rapide, se préoccupant de plus en plus du marketing.

Ces changements sont la conséquence d'une nécessaire adaptation au marché mondial et de l'apparition récente du phylloxéra. Le parasite n'est arrivé que dans les années 70. Son développement progressif a laissé le temps à la filière de se retourner. ' Mais on en paie encore le prix car, lors des replantations, des viticulteurs ont utilisé des porte-greffes non certifiés. De ce fait, des viroses subsistent. De plus, cela a entraîné la disparition de bon nombre des cinquante cépages qui étaient cultivés dans l'île ', explique Niki Tavernaraki, responsable des vignes et de l'approvisionnement en raisins chez Creta Olympias, cave viticole à Kounavi, à 20 km au sud d'Héraklion.
Fondée en 1974, cette entreprise de trente-quatre personnes, au chiffre d'affaires voisin des 2,3 Meuros, illustre bien les évolutions en cours. Elle a été rachetée en 1998 par le plus grand exportateur grec d'huile d'olive qui, depuis, a massivement investi dans sa modernisation. Il a construit deux lignes de vinification où la vendange progresse par gravité, qui sont équipées de cuves en Inox thermorégulées. A cela, il a ajouté un chai de vieillissement de 300 fûts moitié français, moitié américains. 30 % des vins sont des AOC, 35 % des VDP et 35 % des VDT. ' A terme, notre objectif est de ne plus faire de VDT, ni de retsina, difficile à rentabiliser ', affirme Sophoklis Panagiotou, l'oenologue.
45 % des vins sont vendus à l'étranger. Les prix au départ de la cave se situent entre 2,5 et 7 euros/col pour des coûts de production de 1 à 4,5 euros. ' Les bouchons et les bouteilles doivent être importés, ce qui renchérit nos coûts ', précise Sophoklis Panagiotou.
Son entreprise mise sur les cépages locaux. 95 % de la récolte proviennent de variétés crétoises : le vilana, un blanc, le kotsifali et le mandilaria, deux noirs. Les raisins sont achetés, dans leur totalité, au prix de 0,3 à 0,5 euros/kg. La quantité acquise avoisine 1 400 tonnes par an, soit la production de 140 ha.

' Pour les AOC, on ne dépasse pas 5 à 10 t/ha en rouge, 10 à 15 t/ha en blanc et on interdit l'irrigation ', souligne Sophoklis Panagiotou. Pour que la qualité progresse, près de la moitié des raisins provient d'une quarantaine de viticulteurs sous contrats très stricts quant aux conditions de productions ' avec, en contrepartie, une rémunération supérieure de 20 à 25 % au prix du marché ', révèle Niki Tavernaraki.
Etape suivante, Creta Olympias prévoit de se doter de son propre vignoble d'ici quatre à cinq ans. La construction d'un vendangeoir est aussi programmée. La coopérative de Peza a déjà franchi ce pas et il le sera bientôt par Fantaxometocho, le domaine crétois de Boutari, premier producteur de vin grec. Situé près d'Arhanes, il disposera bientôt d'une winery à l'anglo-saxonne avec visite des installations, salle de projection, restaurant, magasin de souvenirs... ' Nous espérons accueillir rapidement des milliers de visiteurs tous les ans , déclare son manager Dimitris Tsichlakis. Cela constituera une vitrine et un débouché pour tous nos vins, dont ceux de Crète seront, par leur qualité, les fers de lance.
En effet, nous bénéficions d'un climat favorable, sec mais avec une pluviosité satisfaisante. Nos vignes sont exposées à une brise marine qui rafraîchit les grappes, même au plus fort de l'été. '
Pour tirer le meilleur parti de ces conditions, Boutari a décidé, dès son implantation en 1990, de se doter de son propre vignoble, qui réunit variétés locales et internationales utilisées pour produire des vins de cépages et des VDP haut de gamme. Le domaine produit 100 000 cols par an, vendus exclusivement en Grèce, dans les grands hôtels, les restaurants et chez les cavistes, entre 10 et 15 euros la bouteille.
Lyrarakis et Douloufakis, deux autres domaines réputés, s'orientent aussi vers les variétés internationales. A l'inverse, chez Minos, on privilégie les cépages locaux, comme chez Creta Olympias. Quels que soient leurs choix, tous ont en commun la volonté de conserver leur taille actuelle. ' La quantité se fait toujours au détriment de la qualité ', affirme Dimitris Tsichlakis. Guidée par ce principe, la Crète ambitionne de retrouver son antique réputation.

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