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Revoir le mode de taille en appellation

La vigne - n°140 - février 2003 - page 0

En changeant de mode de conduite de la vigne, on peut faciliter la mécanisation et diminuer les coûts de production. Mais avant d'envisager une révision du décret d'AOC, il faut vérifier dans la durée, si la typicité des vins est préservée. Beaujolais et Champagne en font l'expérience.

Changer de mode de conduite ne s'improvise pas. Dans le Beaujolais, une demande de révision des décrets des Beaujolais villages et des crus est actuellement en cours. Les syndicats de ces appellations souhaitent autoriser toutes les tailles courtes, et pas seulement celles pratiquées sur gobelet ou éventail. La commission de l'Inao est venue sur place plusieurs fois en 2002, et elle doit revenir en 2003 avant de rendre son avis. La décision finale sera ensuite prise par le comité national.
Les essais ont démarré dès 1986. Une première parcelle a été plantée dans le cru Brouilly pour comparer le gobelet traditionnel avec le gobelet monté, et le cordon de Royat simple ou double. Par la suite, deux parcelles, déjà conduites en gobelet, ont été transformées en cordon double, dans l'appellation Beaujolais villages et le cru Morgon.
Le rendement, le poids moyen des grappes et des baies, la fertilité des yeux et la maturation ont été suivis année après année. Des microvinifications ont été réalisées pour analyser et déguster les vins. ' Sur la première parcelle, nous disposons d'enregistrements depuis 1990, et sur les deux suivantes depuis 1995 ', précise Jean-Yves Cahurel, de la Sicarex Beaujolais.

Sur dix ans, le rendement n'est pas modifié par le mode de conduite, même s'il y a de légères variations en fonction des années. A rendement égal, la maturité et le degré restent équivalents. Au niveau des vins, l'acidité est légèrement supérieure avec la conduite en cordon. L'intensité colorante est également plus importante, de même que la teneur en polyphénols totaux. A la dégustation, les différences, variables d'une année à l'autre, restent très peu marquées.
Compte tenu de ces résultats, les vignerons espèrent que l'avis de la commission sera favorable. En adoptant le cordon de Royat, ils pourraient mécaniser une partie des opérations et diminuer les coûts. Dans une période de difficultés économiques, ce serait une évolution bienvenue. ' Dans une vigne comptant 8 000 ceps/ha, conduits en gobelet et palissés individuellement sur échalas, les interventions sont nombreuses et doivent se faire manuellement. Les temps de travaux sont élevés, et les coûts aussi ', souligne Jean-Yves Cahurel.
Ce mode de conduite faciliterait également l'adoption de techniques en phase avec les nouvelles contraintes environnementales. ' Avec le gobelet bas, la végétation démarre très près du sol. L'usage d'herbicides en postlevée, pourtant moins polluants, est difficilement envisageable, et la mise en oeuvre du travail du sol entre les ceps ou de l'enherbement reste délicate . '
Le palissage entraînerait une augmentation de la surface foliaire qui permettrait d'envisager une baisse de la densité. Une demande de révision de ce point a également été formulée. ' Nous avons réalisé des essais de lyre à 3 330 ceps/ha, et de cordon de Royat à 5 550 ceps/ha. Mais nous n'avons, pour l'instant, que deux années de résultats. ' En diminuant la densité, il serait possible d'abandonner les enjambeurs pour revenir aux tracteurs interlignes, nettement plus sûrs dans les pentes.

En Champagne, les premiers essais de lyre datent de 1986. ' Nous voulions voir ce que donnait ce mode de conduite dans notre région. Les grandes maisons, de leur côté, souhaitaient explorer les possibilités de diminuer les temps de travaux. Nous avons installé trois sites dans leurs vignes, en transformant des parcelles existantes ', explique François Langellier, du CIVC.
Des plantations expérimentales ont ensuite été réalisées au début des années 90, avec l'accord de la commission technique de l'Inao. Un protocole de dix ans a été signé. ' Nous avons un réseau d'une dizaine de sites, qui couvre les grandes zones climatiques et pédologiques de l'aire. Chaque parcelle en lyre est associée à une parcelle témoin. Depuis 1996, nous enregistrons les résultats agronomiques pour chaque couple et nous dégustons les vins. '
Des ajustements successifs du mode de taille ont permis d'arriver à des rendements satisfaisants avec la conduite en lyre. L'acidité, légèrement supérieure, a pu être rectifiée partiellement en introduisant l'enherbement. La maturité et le degré s'établissent à des niveaux très proches. ' Il nous reste à voir si cet équilibre se maintiendra durablement. '
Sur une parcelle du réseau, les temps de travaux ont été enregistrés. ' De la taille jusqu'au relevage, ils diminuent de 30 % avec la lyre. Mais le palissage des rameaux est complexe, et l'entretien de l'espace entre les deux plans inclinés n'est pas tout à fait solutionné. Nous testons une deuxième alternative, avec des vignes hautes et larges palissées sur un plan vertical. Elles ont été plantées en 1995. Cette formule pourrait se révéler plus intéressante que la lyre, mais nous devons poursuivre encore quelques années avant de conclure. '
Une fois le protocole expérimental mené à terme, les professionnels de la Champagne devront prendre position et décider ou non de demander une révision du décret. La commission technique devra en valider le principe, avant qu'une commission d'enquête ne soit formée. ' Plusieurs aspects doivent être pris en compte. Les gains en matière de coût ne sont pas à négliger. Sur le plan qualitatif, il ne doit pas y avoir de modification importante de la typicité. Et enfin, quel serait l'impact sur l'image de l'appellation d'un changement de mode de conduite ? C'est sans doute le point le plus délicat à évaluer ', souligne Philippe Beliard, de l'Inao d'Epernay.

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