Un nom géographique ne peut figurer dans une marque viticole que s'il ne trompe pas le consommateur. C'est au juge national d'évaluer le risque de confusion.
Le choix de faire figurer un nom géographique dans une marque viticole pose des problèmes complexes. Un arrêt, rendu le 22 octobre 2002 par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), apporte des précisions sur le sujet.
Le litige est le suivant : une société Borie-Manoux, vendant du vin de la région de Bergerac, dépose la marque Cadets d'Aquitaine pour désigner des vins originaires de la région d'Aquitaine. L'Inpi (Institut national de la propriété industrielle) refuse de l'enregistrer, en considérant qu'elle inclut un nom géographique qui n'est pas prévu par la réglementation viticole. La cour d'appel de Bordeaux confirme cette analyse. Saisie, la Cour de cassation pose une question préjudicielle à la CJCE, pour savoir si la réglementation viticole communautaire interdit ou non à cette société de déposer cette marque.
Deux thèses s'affrontent. Pour l'Inpi et la cour d'appel de Bordeaux, le choix d'une marque pour désigner un vin tranquille est limité à l'un des termes figurant parmi les mentions facultatives autorisées par le règlement n° 2 392-89, texte réglementant à l'époque l'étiquetage des vins tranquilles, et aujourd'hui en cours d'abrogation. Pour la société de négoce, le choix est libre, à partir du moment où il ne crée aucune confusion.
Rappelons qu'au moment des faits, l'étiquetage des vins tranquilles était soumis à un principe de liste positive, selon lequel seules les mentions autorisées par la réglementation peuvent figurer sur l'étiquette : tout ce qui n'est pas autorisé est interdit.
Or, la marque Cadets d'Aquitaine inclut un nom géographique autre que ceux prévus par la réglementation. En effet, l'Aquitaine ne correspond à aucune région viticole définie. S'il ne s'agissait pas d'une marque, l'usage de ce terme serait interdit par ce principe de liste positive. Après analyse des textes, la Cour de justice estime que les termes utilisables à titre de marque ne sont pas soumis au principe de liste positive précitée.
Même si les nouvelles règles d'étiquetage (1) sont rédigées de manière différente des anciennes, notamment pour l'usage d'une marque, elles ne semblent pas avoir changé grand-chose aux conditions d'utilisation d'un nom géographique dans une marque viticole.
Dans les anciens et les nouveaux textes, un terme géographique ne peut figurer dans une marque que s'il ne crée aucune confusion et ne trompe pas l'acheteur.
Le seul risque de confusion ne suffit pas à interdire l'usage du terme géographique (CJCE 28-01-99, Sektkellerei Kessler) ; il faut une confusion réelle. Il n'est donc pas possible de rejeter la marque parce qu'elle tend à faire croire qu'il existe une région viticole (l'Aquitaine), alors que ce n'est pas le cas.
La confusion sera donc appréciée à partir d'une impression d'ensemble (CJCE 11-11-97, Sabel), en faisant application des critères généraux définis par le juge communautaire, qui se réfère à la notion de consommateur moyen raisonnablement avisé (CJCE 6-07-95, Mars).
Ces critères généraux feront l'objet d'une évaluation au cas par cas par le juge national (CJCE 26-11-96, Graffione ; CJCE 24-10-02). En effet, une mention peut être trompeuse pour les consommateurs d'un pays, et non pour ceux d'un autre.
Dans l'affaire Borie-Manoux, c'est au juge français de dire si l'usage du mot Aquitaine peut ou non être confondu avec les noms rencontrés dans la même région.
Cette affaire en rappelle une autre concernant l'utilisation de la désignation ' vin sans alcool ', que l'administration avait rejeté puisque la réglementation réserve l'usage du mot ' vin ' aux boissons qui ont un titre alcoométrique minimum. Il s'agissait là encore d'une invention par rapport à la réglementation. Les juges l'ont admise en considérant qu'il n'y avait aucune tromperie pour le consommateur (Crim 10-05-93).
La nouvelle liberté de choix des mentions d'étiquetage à caractère valorisant pour les vins tranquilles, instaurée par le règlement n° 1 493-99 amènera certainement un nouveau contentieux qui apportera des précisions sur le régime de la confusion et de la tromperie des mentions d'étiquetage.