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Les vignes ne souffrent pas des effluents de cave

La vigne - n°141 - mars 2003 - page 0

L'épandage sur vigne permet l'élimination des effluents des petites caves. Il comporte peu de risques. Malgré cela, il suscite peu d'intérêt.

L'épandage est l'une des solutions les plus simples de traitement des effluents vinicoles, car il ne nécessite pas de compétence particulière. De plus, quand les volumes d'effluents sont faibles, c'est souvent la seule technique qui convienne. Il est réalisé sur des terres agricoles. Dans les régions seulement viticoles, la question se pose de la faisabilité de l'épandage sur vigne. Dès 1994, la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique l'a expérimenté, bientôt rejointe par l'Ecole supérieure d'agriculture d'Angers (Esa). La chambre d'agriculture de Bordeaux mène des essais depuis 2000, l'Union viticole du Beaujolais (UVB) envisage des expérimentations pour les prochaines vendanges.

En Val de Loire, l'examen des risques de ruissellement a permis de fixer à 20 m³/ha la quantité maximale qu'il est possible d'épandre. Les expérimentations menées par l'Esa depuis 1997 montrent, par ailleurs, que l'épandage n'a pas d'impact sur la vie biologique et microbienne du sol, ni sur la vigne, que ce soit en termes de vigueur, de pathologie ou de qualité de la vendange. La chimie du sol est également peu affectée, à l'exception des teneurs en potassium et en cuivre.
Les apports de potassium sont à prendre en compte dans le raisonnement de la fertilisation, pour ne pas créer de déséquilibre avec le magnésium. Cet enrichissement peut être un obstacle. Il est à la source des réserves émises par Pierre Magnaud, responsable du dossier effluents de l'UVB : ' Dans le sud du Beaujolais, où les terrains sont argilo-calcaires et enherbés, l'épandage pourrait être réalisé, les apports de potasse ne devant pas excéder les exportations de la vigne. Mais dans le nord, les terrains de sable granitique sont désherbés et riches en potasse, donc sensibles à tout enrichissement. '
Quant au cuivre, il faut compter des apports pouvant atteindre plusieurs dizaines de milligrammes par kilo de sol, à des doses de 40 m³ d'effluents par hectare, selon les travaux angevins. ' Cela peut provenir de résidus sur les raisins non lessivés avant vendange, mais aussi de matériels vinaires en laiton, explique Frédérique Jourjon, même si ces équipements tendent à disparaître. ' Autre hypothèse : l'enrichissement proviendrait des eaux de lavage des machines à vendanger, souvent mélangées avec les effluents de la cave. Pour Frédérique Jourjon, l'épandage des effluents sur la vigne peut être un moyen ' de responsabiliser le producteur quant à la qualité de ses effluents en l'incitant, par exemple, à bien séparer les eaux de lavage des machines ou de détartrage, pour ne pas les épandre sur sa vigne '. Des risques sont identifiés, des précautions s'imposent : par exemple, réaliser quelques analyses avant l'épandage.

Malgré ces données rassurantes sur l'innocuité de la méthode, l'épandage sur vigne n'est pas officiellement autorisé, ni interdit, hormis pendant la période végétative, sous peine d'être assimilé à de l'irrigation. Pour les vignes d'appellation, l'Inao ne s'est prononcé ni pour, ni contre la technique. Les différentes régions d'expérimentation ont entamé des discussions, qui sont restées infructueuses à ce jour.
L'avis de l'Inao pourrait d'ailleurs s'appuyer sur le risque de refus du consommateur, et pas seulement sur des considérations techniques. Selon Pierre Magnaud, une bonne communication désamorcerait cette réaction. Frédérique Jourjon est d'avis contraire. Elle redoute ' qu'une telle communication n'induise, chez le consommateur, une notion de risque qu'il ne soupçonnait pas. Pour lui, le vin est un produit totalement naturel. Le fait de traiter ses déchets peut donner une image positive à un industriel, mais pas à un viticulteur '.
Pour des raisons équivalentes, Catherine Brangeon, de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, voit peu d'avenir à l'épandage. ' Cela peut être une solution temporaire, mais pas à une échéance de quinze à vingt ans, car la réglementation risque d'évoluer, notamment en réponse à l'acceptation qu'en aura le consommateur ' , estime-t-elle.
Pour l'instant, l'intérêt est mitigé. En Val de Loire, peu de viticulteurs semblent intéressés, alors que les producteurs du Beaujolais attendent beaucoup des travaux à venir. Par ailleurs, la mise en oeuvre de l'épandage présente des contraintes techniques, notamment en terme de matériel. A Vallet (Loire-Atlantique), la société Guérin a adapté une tonne à lisier sur un châssis de machine à vendanger pour réaliser les épandages expérimentaux. N'ayant pas été contactée depuis par des utilisateurs, l'entreprise n'a pas établi de tarif précis pour cette prestation, que la chambre d'agriculture nantaise évalue entre 9 et 12 euros/m³ épandu.

De plus, l'épandage devant être réalisé en hiver, la production des effluents doit être concentrée pendant cette période. Mais certaines structures produisent les volumes les plus importants au printemps, lors des soutirages et des embouteillages.
Enfin, l'épandage doit être effectué sur une vigne enherbée pour permettre l'épuration et limiter le ruissellement, car le désherbage a tendance à tasser les sols et à gêner la pénétration de l'effluent. ' Sur des sols désherbés dont la pente n'excède pas 3 %, nous avons constaté un ruissellement dès 20 m³/ha ', note Frédérique Jourjon. Pour autant, si l'enherbement n'est pas adapté à une parcelle, il ne faut pas l'implanter dans le seul but de permettre l'épandage. L'effluent ne résout aucun problème de concurrence.
D'autres conséquences restent à envisager. Les métaux lourds, autres que le cuivre, n'ont pas été examinés ; l'aspect microbiologique n'a été pris en compte que du point de vue de la vie des sols et de la pathologie de la vigne. Mais il est possible qu'il y ait également une dissémination de microorganismes issus de la cave, comme des levures sélectionnées ou des Brettanomyces.

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