Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2003

Des vignerons réimplantent des haies

La vigne - n°141 - mars 2003 - page 0

La plantation de haies champêtres, dans les vignes, est une pratique qui émerge. L'objectif est de maintenir, voire de stimuler la biodiversité, de lutter contre l'érosion et de limiter les transferts de phytos. Toutefois, le choix des espèces et le lieu d'implantation sont à raisonner.

'La réimplantation de haies dans le milieu viticole est une véritable révolution ', estime Jérôme Berruyer, des services techniques de la Fédération départementale des chasseurs du Rhône. En effet, il y a quelques années, la majeure partie des haies du Beaujolais a été arrachée au profit de la vigne. ' Il y a une mauvaise perception de la haie du fait des problèmes de concurrence ', poursuit notre interlocuteur. Cet inconvénient est compensé par de nombreux avantages.
En effet, la haie constitue des zones écologiques réservoirs (ZER). Les cahiers des charges de production intégrée précisent que les ZER doivent représenter, au moins, 5 % de la surface agricole utile (SAU). Elles permettent de maintenir, voire de stimuler une biodiversité fonctionnelle, c'est-à-dire de favoriser les auxiliaires pouvant jouer un rôle dans la régulation des populations de ravageurs de la vigne. ' La haie s'inscrit dans un contexte paysage. Elle permet le maintien des réseaux écologiques utilisés par les insectes pour se déplacer ', explique Marteen Van Helden, enseignant chercheur à l'Enita de Bordeaux.

La haie est également un excellent moyen de limiter l'érosion. Il faut savoir qu'en cas de gros orages, jusqu'à 40 tonnes de terre par hectare peuvent dévaler dans les cours d'eau. Or, d'après Syngenta, une haie assortie d'une bande enherbée de 2 m de chaque côté permet de réduire de 60 à 80 % la vitesse de ruissellement, et donc de 60 à 80 % l'érosion. Elle est aussi un bon filtre en bas de coteau pour capter les produits phytosanitaires. ' A partir du moment où le chevelu racinaire des essences est bien développé, la haie permet de retenir l'eau chargée en produits phytosanitaires et en fertilisants, peut-être de manière plus importante qu'une bande enherbée ', rapporte Caroline Le Roux, conseillère viticole au Comité de développement du Beaujolais (CDB). Ainsi, des études en Italie mettent-elles en évidence une fixation de 50 % des résidus par les haies.
Enfin, la haie est intéressante en tant que brise-vent. Cette propriété est surtout utilisée dans le Midi où sévit le mistral, mais Caroline Le Roux rapporte que ' dans le Beaujolais, au printemps, sur des vignes plantées en coteaux, taillées en gobelet et non palissées, le vent du nord peut être responsable de la casse de nombreux rameaux verts. Jusqu'à 50 % de rameaux peuvent ainsi être perdus, surtout si la vigne est atteinte d'excoriose. La présence d'une haie peut pallier ce problème . '
Forts de ces arguments, le CDB, les chasseurs du Rhône et la maison familiale rurale La petite Gonthière ont monté un projet sur la commune de Régnié-Durette (Rhône). Une première dans la région ! 520 m de haies seront ainsi plantés chez cinq vignerons d'ici à la fin de l'année, dont 315 m chez Marianne et Frédéric Sornin qui espèrent ' faire des émules '. Propriétaires d'une exploitation de 15 ha et adhérents Terra Vitis depuis deux ans, ils possèdent déjà 500 m de haies. ' Même sans le projet, nous en aurions replantées pour préserver l'environnement. Les 315 m supplémentaires s'intégreront dans le paysage à un endroit où nous sommes sûrs qu'elles ne gêneront pas le passage des tracteurs ', expliquent-ils. Le coût de l'opération a été estimé à environ 2 500 euros, dont 1 500 euros pour l'entretien sur quinze ans.

En Gironde, quelques vignerons précurseurs ont déjà réimplanté des haies. Ils en sont d'ailleurs très contents. Pour ce faire, Jean-Louis Roumage au château Lestrille, à Saint-Germain-du-Puch, n'a pas hésité à arracher un rang de vigne dans sa meilleure parcelle. Là aussi, c'est une première ! Une association, Arbres et paysages en Gironde, a même été créée en 1996, afin d'aider les vignerons, mais aussi les agriculteurs. ' Pour nous, la viticulture est un créneau porteur qui se développe ', constatent Eddy Renaud et Michel Grenier de l'association. Ainsi, ils élaborent les projets de plantation avec les vignerons en fonction des objectifs de la haie, du terrain et des essences naturellement présentes. Ils créent les séquences de haies, c'est-à-dire les mélanges d'espèces, apportent les plants, le paillage et le matériel, et assurent le suivi pendant trois ans. ' Dans le choix des espèces, il n'y a pas de règles bien définies, mais certaines essences comme les rosa (églantier), rubus (ronces) et le genévrier sont à éviter, car ils hébergent, en hiver, la cicadelle verte. De même que le cornouiller attire les vers de la grappe. Par contre, le figuier, le sureau et le saule marsault sont intéressants, car ils abritent les ennemis de la cicadelle verte. Le tilleul loge les ennemis des acariens et l'aubépine ceux des vers de la grappe. Toutefois, ces observations doivent être affinées. C'est pourquoi nous travaillons en collaboration avec Marteen Van Helden qui a mis en place, à l'Enita, une haie expérimentale de 25 essences, afin de sélectionner les plus intéressantes ', expliquent Eddy Renaud et Michel Grenier.
Autre élément à ne pas négliger : le lieu de l'implantation. Celui-ci nécessite un minimum de réflexion. En effet, il faut faire attention à l'ombre portée de la haie, des travaux australiens ayant montré que les pieds de vigne situés à l'ombre sont moins vigoureux et fructifères. ' La hauteur de la haie ne doit pas dépasser deux fois la hauteur de la vigne ', conseille Marteen Van Helden. Ensuite, il faut prendre en considération les risques de gelées. Dans les zones à risques, il est donc recommandé, soit de ne pas mettre de haie, soit de faire des trous dedans pour ne pas bloquer l'écoulement des masses d'air froid. Enfin, il faut penser à laisser de la place entre la vigne et la haie pour que les engins mécaniques puissent tourner sans difficultés. ' Comme ce sont les vignerons qui connaissent leurs parcelles, ils nous aiguillent pour l'emplacement ', explique Eddy Renaud. Planter une haie, c'est bien, l'entretenir, c'est mieux. ' Les vignerons peuvent utiliser la rogneuse ou l'épareuse en passant régulièrement pour couper les pousses de l'année ', conseille Eddy Renaud.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :