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La sensibilité au gel

La vigne - n°141 - mars 2003 - page 0

Selon l'avancement de la végétation et certains facteurs environnants, la vigne est plus ou moins sensible au gel. Certaines pratiques culturales permettent de diminuer sa gélivité.

La vigne est confrontée à deux sortes de gel, celui d'hiver ou celui de printemps. Avant le débourrement, c'est-à-dire jusqu'au stade phénologique 02 (B, gonflement du bourgeon), on parle de gelées d'hiver. Elles peuvent détruire les bourgeons, voire les ceps, sur d'importantes surfaces, car un bourgeon dormant ne peut pas supporter des températures inférieures à - 14°C. En deçà, et si cette basse température se maintient plus d'une heure, le bourgeon sera affecté. Si le gel persiste, le bois d'un an et les charpentes seront également détruits. Il est difficile de s'en apercevoir et impossible de s'y opposer.
A partir du moment où le bourgeon gonfle (stade 02), les gelées sont dites ' de printemps '. Il en existe deux sortes : blanche ou noire. Lorsqu'il s'agit d'une gelée blanche, l'air est humide, frais (- 3 à - 5°C) et il n'y a pas, ou peu, de vent. Ce phénomène a généralement lieu en fin de nuit. A ce moment-là, toute l'eau contenue dans l'air se condense et se transforme en cristaux de glace. Un ' manteau ' de givre blanc s'étend sur la vigne. Ce genre de gelée touche surtout les plaines, où l'air froid peut stagner et la glace se déposer. La plupart du temps, la glace atténue les dégâts du gel, puisque sa formation s'accompagne d'un dégagement de chaleur.

Par opposition, les gelées noires arrivent lorsque l'air est sec, froid (- 7 à - 9°C) et qu'il y a du vent. Une chape de froid s'abat sur les vignes, aussi bien sur les fonds qu'en hauteur, et la brûle. Ce sont des gelées massives, uniformes et qui se propagent sur de grandes surfaces. François Langellier, du CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne), témoigne des dégâts : ' Entre le stade 02 et le stade 09 (E, deux à trois feuilles étalées), les tissus des bourgeons sont riches en eau et ne sont pas encore lignifiés. Par temps de gel, la pousse est donc détruite et se liquéfie. A sa place, le contre-bourgeon se développe. En conséquence, la récolte est un peu diminuée, mais elle n'est pas complètement détruite. ' De plus, suivant s'il est humide ou sec, un bourgeon ne gèle pas à la même température.
A partir du stade 12 (F, cinq à six feuilles étalées), la tige est lignifiée. En cas de gel, seules les feuilles du haut sont détruites. La base reste intacte et l'entre-coeur démarre, ce qui entraînera de faibles récoltes.
' Le moment où la vigne est la plus endommagée par le gel est l'automne, suivi de près par les gelées tardives de juin ', estime François Langellier. Il argumente : ' En automne, on ne se rend pas compte des gelées, mais la vigne n'a pas encore tout son bois de lignifié, et peut donc être assez atteinte. De même, les gelées de juin sont mauvaises, car les feuilles sont détruites. Le contre-bourgeon ne redémarrera pas, mais un entre-coeur se développera. Cela provoquera des chutes de rendement, car l'entre-coeur n'est pas fertile, et il y aura des problèmes de taille l'hiver suivant. '
Pour lutter contre cet aléa climatique, plusieurs techniques culturales peuvent être employées. Tout d'abord, le choix du cépage est très important. Plus il débourre tard, mieux il résistera au gel. En Champagne, le pinot meunier (débourrement vers le 13 avril) est plus résistant que le pinot noir (8 avril), lui-même plus résistant que le chardonnay (6 avril). Dans les zones gélives, le pinot meunier est donc à privilégier.
Il est aussi moins risqué d'amender en automne. Ainsi, les mulchs organiques ont eu le temps de se désagréger. Si, au contraire, ils sont apportés durant l'hiver, ils n'ont pas eu le temps d'évoluer. Ils couvrent le sol d'une couche isolante, qui empêche la chaleur emmagasinée en profondeur de remonter à la surface pour atténuer le gel. Tout comme les amendements, la présence d'herbe ou le travail du sol accentuent la gelée, bloquant eux aussi la conduction du sol. Le désherbage est donc un moyen de lutter contre le gel.
Un autre mode de lutte est la taille tardive. Les plaies de taille accélèrant le débourrement, plus une vigne est taillée tard, plus le risque de gelée est diminué. Pour la Champagne, le moment optimal se situe en mars.

Le mode de conduite est lui aussi important : une vigne haute résistera mieux au gel qu'une vigne basse, car elle est plus éloignée du sol ; et une vigne jeune résistera mieux qu'une vieille vigne. En effet, sur une vigne âgée, il y a beaucoup de cônes de bois mort (anciennes plaies de taille) où la sève ne circule plus. Ces parties n'ont donc pas de réserves et sont plus sensibles au froid.
Enfin, le non-liage des sarments permet de maintenir les yeux du bois en position haute, et donc de diminuer leur exposition au gel.
Ces techniques ne nécessitent pas d'investissement dans du matériel de lutte. Cependant, pour une protection optimale, d'autres méthodes de lutte s'imposent.
A la suite d'une décision de l'Inao, le bâchage permanent pour la protection contre le gel est interdit. Par conséquent, les protections autorisées sont maintenant au nombre de six. Selon Thierry Bidaut, de l'entreprise Mumm-Perrier-Jouët vignobles et recherches, ' le meilleur système contre tous les gels de printemps est l'aspersion d'eau sur la vigne ', qui maintient une température nulle autour des bourgeons. Bien employée, cela donne d'excellents résultats. Le fuel pulvérisé, quant à lui, sert à réchauffer l'air. Cette pratique fonctionne bien et son coût est faible, mais elle pollue. La combustion solide réchauffe également l'air par le biais de chaufferettes, tout comme la combustion de gaz. Enfin, on peut utiliser des fils électriques chauffants ou des hélices, mais ces procédés sont moins efficaces que les précédents.



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