ImprimerLancés à la fin des années 90 sur vigne, les QoI ont rapidement développé des résistances. Les restrictions d'emploi émises par les services officiels devraient se transformer par des retraits d'homologation de plusieurs produits. Décision officielle attendue courant avril.
'Le plan de surveillance de la lutte antimildiou conduit par la Protection des végétaux (PV) a montré, dès la campagne 2000, des dérives d'efficacité des QoI (Quinone outside Inhibitors, en français : inhibiteurs du coenzyme Q) , ce qui laisse supposer des résistances apparues dès 1999. En 2001, on notait 15 à 20 % de résistance. En 2002, nous étions, en moyenne, entre 80 % et 100 % en fin de campagne ', déclare Claude Magnien, de la PV de Bourgogne. Des chiffres inquiétants ? Oui et non. Comme le décrit le Frac (Fungicide Resistance Action Committee, un groupe de travail de CropLife, le représentant des firmes phytosanitaires à l'échelon mondial), les résistances ont toujours existé et se sont révélées dès les années 60, en même temps que l'utilisation intensive des fongicides... Cependant, la campagne s'annonce quelque peu agitée. Dans la note nationale ' Mildiou de la vigne 2003 ', rédigée par les services officiels (1), certains fongicides contenant des QoI sont en effet déconseillés, quoique demeurant homologués, et donc autorisés à la vente. Littéralement, le document énonce que ' dans l'attente des résultats d'études complémentaires (...), nous recommandons de ne pas utiliser les spécialités à base de QoI dans lesquelles la molécule est seule ou associée au cymoxanil et/ou au fosétyl Al '. Cette restriction concerne 15 fongicides contenant l'une des matières actives suivantes : fénamidone (Bayer CropScience), famoxadone (DuPont), ou azoxystrobine ou Az (Syngenta).
Seuls les QoI en mélange avec du folpel, du mancozèbe ou du cuivre demeurent conseillés avec les restrictions suivantes : 2 à 3 applications maximum par an, de préférence non consécutives, pas d'emploi en dernière application, ni sur une attaque déclarée de mildiou.
Par la voix de son expert national vigne, Benoît Herlemont, la PV laisse entendre qu'en avril, la décision de suspendre l'homologation des produits à base de QoI + cymoxanil sera prise. ' Cette orientation a été donnée lors du comité de février et sera débattue lors de celui d'avril. Devant la généralisation de la résistance, les produits à base de QoI et de cymoxanil ne donnent plus une efficacité suffisante dans la lutte antimildiou ', explique-t-il. Quant aux associations de QoI et de fosétyl Al, elles seront réexaminées à l'automne 2003, à la lumière des informations techniques complémentaires demandées par la PV aux firmes.
La sanction est sévère et certaines firmes soulignent que les essais dont elle découle ne sont pas représentatifs de la pratique agricole, mais menés avec des applications de QoI sur toute la campagne. ' Si on augmente la pression de sélection artificiellement, les résistances apparaissent ', souligne Guy Lacroix, chef produit international fénamidone chez Bayer CropScience.
Quant aux distributeurs, c'est bien le côté ' compliqué ' des nouvelles recommandations qu'ils décrient. Malgré cela et malgré les adaptations qu'ils ont dû faire tardivement dans leurs programmes antimildiou, tous déclarent qu'ils suivront les conseils des services officiels. Certains avaient même anticipé les restrictions et ont carrément retiré les QoI de leur gamme.
' Les plus ennuyés demeurent les firmes ', souligne Jean-François Perrot-Minot, d'Appro Champagne. Certains, comme Soufflet Vigne, ont prévu de fournir une copie de la note aux viticulteurs qui insisteraient pour utiliser des QoI déconseillés. Chez Unice, Alain Fleureau souligne que tout le monde a une responsabilité dans l'arrivée des résistances et qu'il faut, dorénavant, ' suivre les doses conseillées et les délais entre deux traitements '.
Quant aux firmes, elles adaptent leur gamme et prennent des mesures radicales. Ainsi, Bayer Crop-Science arrête la commercialisation de Arte et Duofast (fénamidone + cymoxanil), mais continue de conseiller les mélanges à base de fénamidone + fosétyl Al (Verita/Elicio et Tertio) qui ne devraient pas être utilisés, selon les services officiels. Pourtant, ' nous recommandons trois applications maximum, sans dépasser le stade nouaison. L'ensemble de nos travaux montre qu'en suivant un programme adapté, l'efficacité demeure ', explique Dominique Steiger, de Bayer CropScience. Chez DuPont, le conseil est au mélange extemporané avec du folpel. ' Impressario (famoxadone + fosétyl Al) peut être appliqué tel quel, mais pour aller dans le même sens que la PV, nous conseillons de le mélanger avec 500 g/ha de folpel. De même, nous recommandons ce mélange avec Equation Pro (famoxadone + cymoxanil) ', explique Philippe Cagneul. La firme a obtenu une autorisation provisoire pour le mélange Equation Pro + 500 g/ha de folpel dans le cadre de la nouvelle réglementation concernant les mélanges.
Quant à Syngenta, elle se concentre sur Quadris Max, une association d'Az et folpel qui réalise sa première vraie commercialisation (homologation en février 2002).
Les autres QoI (Quadris et Quadris Duo) ne seront plus développés et la firme conseille également le mélange avec du folpel pour les derniers stocks.
Autre produit qui arrive en pleine tourmente, la pyraclostrobine (F500) de BASF. Elle vient tout juste d'obtenir l'homologation de Cabrio Star (F500 + folpel) qui fera l'objet d'une précommercialisation cette année. Il sera suivi de Cabrio Top (F500 + métiram), dont l'homologation est escomptée pour fin 2003.
Les mesures draconiennes de l'année 2003, dans la lutte antimildiou, s'annoncent déterminantes pour l'avenir des QoI sur vigne. La note mildiou 2004 sera sans doute, elle aussi, très attendue par la profession...
Produits déconseillés
Arte, Duo-fast, Elicio, Equation pro, Equation system, Impresario, Itéral, Quadris, Quadris duo, Quadris Xpress, Quateris, Solution disperses, Tertio, Twin +, et Vérita.