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L'efficacité des dépôts-vente amateurs

La vigne - n°142 - avril 2003 - page 0

Stocker des bouteilles chez un ami qui regroupe les achats auprès de son réseau relationnel permet au vigneron de limiter le coût du transport. Cette démarche suppose néanmoins quelques formalités et un suivi régulier du dépôt.

Avec les difficultés croissantes liées au transport, tant en termes de coût que de logistique, le dépôt-vente apparaît comme l'une des solutions permettant de continuer à vendre son vin hors de sa région. Concrètement, il s'agit de confier à un ami, à un bon client ou à un membre de sa famille, une quantité plus ou moins importante de bouteilles. Ce dernier les stockera chez lui et les distribuera aux clients de sa zone géographique proche. De la part de ce relais, cela suppose de disposer d'un peu d'espace pour conserver le vin dans de bonnes conditions, d'accepter de recevoir des clients chez lui, de suivre son stock et surtout d'avoir un bon réseau relationnel. Les clients en question sont toujours des amis ou des collègues. En contrepartie, le vigneron lui fait une remise sur les bouteilles qu'il achète pour lui-même, ou il lui offre 4 à 6 bouteilles pour 100 bouteilles livrées, le coût du transport étant souvent assumé par le vigneron.
Ce système, qui peut sembler simple de prime abord, suppose tout de même de connaître certains points juridiques. Cette démarche étant bénévole - il s'agit là de rendre service à un ami ou à un frère vigneron -, tous les chèques doivent être libellés au nom du vigneron, et non pas à celui du relais qui pourrait alors être considéré comme un revendeur.

Outre le fait d'éviter des problèmes en cas de contrôle fiscal, cette organisation permet au dépositaire de ne pas avancer l'argent. De même, c'est le vigneron qui assumera, le cas échéant, un impayé. Enfin, la réception des chèques offre l'opportunité au viticulteur de connaître les coordonnées de tous ses clients finaux ainsi que les volumes commandés. Ce mode de fonctionnement, même s'il est couramment pratiqué par les vignerons alsaciens, champenois, bordelais et du Val de Loire, n'en reste pas moins illégal, tant qu'il n'est pas déclaré.
En effet, le dépôt exerce, aux yeux de l'administration fiscale, une activité rémunérée. Pour qu'il soit en règle, ' il est nécessaire de souscrire une 'petite licence à emporter' à la recette locale des impôts du lieu du dépôt, précise-t-on au Syndicat général des vignerons de Champagne. Cette petite licence, gratuite, doit être souscrite par le viticulteur. Celui-ci peut aussi donner procuration au dépositaire de la souscrire pour son compte. La procuration devra alors être signée à la fois du viticulteur et du dépositaire '.
Au niveau des douanes, les bouteilles doivent logiquement être inscrites en ' sorties ' sur le registre de cave, et sur la déclaration mensuelle récapitulative, dès qu'elles quittent le caveau pour aller chez le dépositaire, même si elles ne sont pas encore vendues. Les bouteilles non vendues au 31 juillet seront mentionnées sur la déclaration de stock à la case ' lieu d'entrepôt des vins '. Sur le plan administratif, il est également conseillé de souscrire une assurance-dépôt qui prendra en charge les vols perpétrés chez le dépositaire. Par ailleurs, il n'est pas inutile d'inviter le dépositaire à une certaine discrétion sur l'existence de son stock de vin, de façon à éviter d'être la cible privilégiée des voleurs.

Une fois les problèmes fiscaux et juridiques réglés, reste à gérer le dépôt sur le plan commercial. Les liens affectifs qui unissent le dépositaire au vigneron n'exonèrent pas ce dernier de certains efforts d'animation. ' Le vigneron doit considérer le dépositaire comme un intermédiaire professionnel , estime Isabelle Pfenninger, consultante et formatrice en conseil commercial chez Applicom à Muizon (Marne). Cela sous-entend de lui parler au téléphone au minimum quatre fois par an, pour s'assurer de la bonne réception des colis par exemple. Le vigneron reste ainsi en contact et peut connaître les changements dans la vie du dépositaire, lesquels ont souvent des répercussions sur l'efficacité du dépôt. Si le dépositaire part à la retraite, voudra-t-il conserver cette activité de relais ? S'il est muté, est-ce que l'un de ses collègues serait prêt à reprendre le flambeau au sein de l'entreprise ? ... '
Il est conseillé, dans la mesure du possible, d'aller voir une fois par an le dépositaire. Cela peut être l'occasion de l'inviter au restaurant pour le remercier de son aide et conforter la relation. Il est également important d'informer le dépositaire, en avant-première, de tous les changements de l'exploitation, comme le lancement d'une nouvelle cuvée ou la modification de l'habillage. Pour l'aider à vendre des bouteilles, on peut lui remettre un mini press-book, qui comprendra les commentaires parus dans les revues, une carte de la région viticole, quelques photos des vignes du domaine et une explication succincte du procédé de vinification.
Certains vignerons s'investissent encore davantage dans le suivi des dépôts en organisant, tous les ans ou tous les deux ans, une dégustation chez le dépositaire. C'est le cas de Dominique Schoenheitz, viticultrice à Wirh-au-Wal (Alsace) : ' Notre dépositaire nous a proposé de venir dans l'Aisne présenter nos vins à un club de dégustateurs dans un restaurant. Le lendemain, nous avons organisé une dégustation avec ses amis, et c'est lui qui s'est chargé des commandes. ' Dans la majorité des cas, l'initiative d'une telle dégustation revient au vigneron, qui doit présenter cette proposition avec habileté. ' Même si l'objectif final est de dynamiser les ventes, il est préférable de mettre en avant l'argument, véridique, que les clients aiment rencontrer le vigneron ', poursuit Isabelle Pfenninger.

L'invitation doit être cosignée par le dépositaire, qui fournira la liste des invités pour éviter la rencontre de deux personnes qui ne s'apprécient pas. La dégustation doit avoir lieu dans un endroit neutre, et non chez le dépositaire. On peut réserver une salle dans un hôtel, style Campanile, pour 100 euros l'après-midi. Une salle d'hôtel présente des avantages logistiques (réfrigérateur, lavage des verres) et signalétiques. L'invitation est envoyée trois à quatre semaines avant la dégustation, accompagnée d'un coupon réponse. Lors de la présentation, il est important de recréer une ambiance de caveau, en apportant des affiches, des photographies, des bocaux montrant le type de sol du domaine.
Pour la dégustation, il est judicieux de mettre en avant les cuvées les plus prestigieuses pour inciter les clients à monter dans la gamme. Il est essentiel d'associer le dépositaire qui a besoin de reconnaissance, à la fois du producteur mais aussi de la part des clients auprès desquels il a l'image de la personne capable de dénicher un bon vigneron. Enfin, les clients étant dans une ambiance favorable aux achats, il est indispensable d'avoir des caisses sur place.

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