A la fin du XIX siècle, le contrat de vigneronnage définit de manière très détaillée les obligations et la rémunération du propriétaire et de l'exploitant d'une vigne en Beaujolais.
Quand Jules Guyot explore le Beaujolais, juste après la crise de l'oïdium, il trouve un vignoble prospère. Sur des terres granitiques, schisteuses ou argileuses, le vignoble domine entre 300 et 600 m d'altitude. La densité est forte (15 000 souches/ha). On échalasse jusqu'à la huitième année, le temps de former une souche à trois ou quatrecornes taillées à crochets courts d'un à trois yeux. Les ceps sont groupés en planches de sept lignes séparées par un sentier. La vigne dure de vingt-cinq à quarante ans.
Lors de la vendange, on ne pratique ni foulage, ni égrappage, et on emplit une cuve par jour. La cuvaison dure de deux à six jours en cuve ouverte. Le vin est mis en tonneaux, rangés dans les avant-celliers pour laisser la fermentation se terminer. Après une dizaine de jours, les fûts sont placés dans les arrière-celliers, les caves souterraines étant rares.
La terre, la plupart du temps aux mains de gros propriétaires, est mise en valeur par contrat de vigneronnage, c'est-à-dire par métayage à mi-fruit. En moyenne, un vigneronnage - nom du contrat juridique, mais aussi du domaine exploité selon les termes de ce contrat -, compte de 3 à 5 ha de vigne, 2 ou 3 ha de prairies et de terres labourables et d'environ 10 ares de jardin. L'habitation comprend deux ou trois pièces, dont une à feu, un grenier, une écurie pour deux ou trois vaches, un cellier, des cuves, un toit à porcs, un poulailler, une cour, un puits ou une source à proximité. Le vigneron doit obligatoirement y résider.
Le propriétaire paie la moitié des impôts, des pailles et des échalas. Il doit réparer et entretenir les bâtiments, mais c'est le vigneron qui doit assurer le transport des matériaux. Il fournit cuves, pressoir et la moitié des tonneaux. Le vigneron doit les façons de la terre et de la vigne, le transport de la vendange, le pressurage, la mise en tonneaux.
Il possède les vaches (pas plus d'une par hectare de terre) et le matériel d'exploitation. Il doit tout le fumier à la terre. Il partage le premier foin, mais garde les secondes herbes ainsi que le produit de ses vaches, de ses porcs et de sa basse-cour. En plus de la moitié du vin, il doit verser une redevance dite de basse-cour en argent ou, le plus souvent, en beurre, fromages et poulets, ce qu'en d'autres régions on appelle les suffrages. On partage le vin fait mais, en réalité, le propriétaire, qui a souvent consenti des avances à son vigneron, récupère une partie de la récolte de celui-ci pour se rembourser. Disposant de fonds importants, il peut attendre la période favorable pour vendre alors que le vigneron doit généralement se débarrasser très vite de son vin. Si l'importance du vigneronnage requiert plus de travail qu'il ne peut en faire, c'est au vigneron de payer les domestiques qu'il engage. En moyenne, un vigneronnage de 6 à 12 ha, toutes terres comprises, permet d'entretenir de six à dix personnes.
Le vigneron a des contraintes : il doit tout son temps à l'exploitation et nombre de contrats lui interdisent d'exploiter un autre fonds. Généralement, il doit même louer ses propres parcelles. On tolère qu'il aille faire la moisson en Bresse, car il a besoin de grains, ses quelques parcelles de céréales ne produisant pas suffisamment. Le bail, passé pour une durée de trois à six ans, est souvent tacite, sans passage devant le notaire. Il peut être révoqué annuellement par l'une ou l'autre des parties. En fait, le colon, surveillé étroitement par le propriétaire, s'accroche à son vigneronnage qui lui donne la sécurité de l'emploi, lui permet de dégager quelques dots pour marier ses filles et même de transmettre son exploitation à son fils, car de véritables dynasties de colons se constituent, tant propriétaire et vigneron ont besoin l'un de l'autre.