Le versement d'une aide nationale, pour convertir des parcelles de cognac en vins de pays, a été jugée illégale. L'Europe y a vu un moyen d'accroître le potentiel viticole, ce qui est interdit.
Bien que contribuant à l'excédent de notre balance commerciale, le cognac est en crise de surproduction, faute d'avoir réussi à remplacer le whisky dans les habitudes de consommation. Cette boisson bien française, élaborée avec des raisins d'ugni blanc, est issue de terrains aptes à produire des vins de pays, dès lors que l'on utilise d'autres cépages que l'ugni blanc. Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi ne pas reconvertir la production ?
C'est en ce sens que le 3 février 1999, la France a informé la Commission des Communautés européennes d'un projet d'aide financière aux viticulteurs producteurs de cognac, pour les inciter à remplacer les ugnis blancs par des cépages permettant la production de vins de pays de qualité. En réponse, la Commission a adopté une décision d'opposition ainsi rédigée : ' La mesure mise à exécution par la France, qui consiste en un complément à l'aide nationale à l'amélioration de l'encépagement des exploitations viticoles dans la région délimitée Cognac, est une aide illégale, incompatible avec les articles 87 à 89 du traité, et ne peut pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87 § 3 du Traité. La France est tenue de supprimer les régimes d'aide visés dans son projet '. La France a soumis cette décision à la Cour de justice du Luxembourg.
Dans le débat qui va s'instaurer, il doit être tenu compte de l'article 14 du règlement n° 822/87, modifié le 19 juillet 1988, et de l'article 2 du règlement n° 1 493/99, datant du 17 mai 1999, portant sur l'OCM (organisation commune de marché) vitivinicole. Le premier de ces textes édicte que toute aide nationale à la plantation de superficies destinées à la production de vins de pays est interdite. Le second, dans son § 1, pose le principe que ' la plantation de vignes avec des variétés classées c...s, en tant que variétés à raisins de cuve est interdite jusqu'au 31 juillet 2010 '.
Ainsi, par la mesure prise, la France a incité les vignerons de Cognac à remplacer l'ugni blanc par des variétés à raisins de cuve propres à faire des vins de pays. A l'encontre de la réglementation, qu'a-t-elle fait valoir pour défendre son initiative ?
La France a soutenu que la reconversion des superficies plantées en ugni blanc, au rendement moyen de 150 hl/ha, par des vignes destinées à produire des raisins de cuve, soumis à un plafond de rendement de 80 hl/ha, a généré une réduction des volumes produits. Selon le gouvernement français, la mesure préconisée a abouti à une réduction de la production de vin et, en aucune manière, il n'y a d'augmentation de production de vin, interdite par l'OCM.
Sans entrer dans le détail, l'un des points essentiels retenus par la Cour est le suivant : le cognac constituant une eau-de-vie de vin est exclu de la catégorie des produits agricoles (arrêt Clair, 30 janvier 1985, recueil p. 391) et ne fait donc pas partie des produits réglementés dans le cadre de l'OCM. En conséquence, l'aide accordée n'a pas incité au remplacement d'une superficie de vignes produisant des vins de cognac par une surface équivalente en vins de pays. Pour la Cour de justice, il y a bien augmentation de la production viticole, ce qui contrarie l'un des objectifs de l'OCM.
Un autre argument avancé par la France a été d'invoquer l'article 87 du traité dans son paragraphe 3. Selon ce texte ' peuvent être compatibles avec le Marché commun, les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun '. La Cour de justice du Luxembourg a répondu que la procédure prévue par l'article 87 laisse une marge d'appréciation à la Commission pour juger la compatibilité d'aide d'Etat avec les exigences du Marché commun. De plus, il résulte de l'économie générale du traité que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat contraire aux dispositions spécifiques du traité.