La vigne est peu visitée par les abeilles, mais des accidents ont déjà eu lieu, notamment avec le parathion-méthyl en Alsace. Son interdiction résout une partie du problème, mais d'autres précautions sont nécessaires.
Il n'est pas un agriculteur qui n'ait entendu parler de la polémique ' Gaucho ', insecticide utilisé pour enrober les semences de tournesol, qui serait toxique pour les abeilles. Eh bien, même si la viticulture est à 100 lieues d'un problème d'une telle ampleur, elle connaît, elle aussi, ' des affaires abeilles '. C'est le cas en Alsace, où depuis deux à trois ans, les apiculteurs constatent des mortalités d'abeilles en secteur viticole. L'année 2001 a été particulièrement meurtrière, 2002 beaucoup moins. Verdict des analyses officielles : le coupable serait le parathion-méthyl, ce qui ne veut pas dire que d'autres substances ne sont pas également incriminées.
Son interdiction est donc bienvenue pour nos amies les abeilles, la date limite de commercialisation étant le 30 avril 2003, et celle d'utilisation le 31 décembre 2003. En Lorraine, dans les Côtes de Moselle, où a lieu le même phénomène, une décision politique régionale a même anticipé cette décision, puisqu'un arrêté préfectoral interdisant immédiatement le parathion-méthyl sur cinq communes a été signé le 4 mars dernier par le préfet.
D'autres textes protègent légalement les abeilles. Il s'agit de l'arrêté du 25 février 1975, modifié par ceux du 5 juillet 1985 et du 24 septembre 1996. Ils interdisent les applications d'insecticides et d'acaricides pendant les périodes de floraison, sauf si ceux-ci portent la mention suivante : ' Emploi autorisé durant la floraison, ou au cours des périodes d'exsudation du miellat consécutif aux attaques de pucerons, à condition de respecter les doses, modes d'emploi et précautions fixés dans l'autorisation de vente . '
En outre, tous les insecticides et acaricides reconnus dangereux pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs doivent porter la mention : ' Produit dangereux pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs. ' Ce texte précise aussi que lorsque des plantes mellifères en fleurs se trouvent au milieu de la culture devant recevoir le traitement, elles doivent être arrachées ou fauchées préalablement. Ce point est particulièrement important en vigne où l'enherbement est bien développé. ' Les abeilles visitent peu les fleurs de vigne. L'essentiel des intoxications, suite à des traitements, sont liées au fait qu'elles butinent les adventices situées entre les rangs, notamment le trèfle blanc, ou la rouquette en Languedoc-Roussillon ', explique Joël Schiro, président du Syndicat des apiculteurs professionnels de Midi-Pyrénées. L'effet sera d'autant plus néfaste que la température et l'heure seront favorables au butinage.
La formulation des insecticides et leur mode d'application sont également à prendre en compte. ' La microencapsulation cause une vraie panique chez les apiculteurs. Les abeilles confondent les microcapsules avec les grains de pollen et les ramènent à la ruche . ' Les traitements par hélicoptères peuvent aussi faire plus de dégâts que les traitements terrestres, car les insectes butineurs sont touchés de plein fouet, leur possibilité de fuite étant réduite. Cependant, en Alsace, la relation entre les traitements par hélicoptères et la mortalité des abeilles n'a pas été mise en évidence. Quant aux mélanges, ils peuvent avoir une action de synergie toxicologique à l'image de ceux à base de triazoles et de pyréthrinoïdes. Leur évaluation est là aussi bénéfique. La préservation des abeilles passe par l'utilisation de produits possédant le label abeille.
Toutefois, Joël Schiro explique que certains produits possédant ce label peuvent quand même s'avérer toxiques. ' Les applications de deltaméthrine (Décis) peuvent s'avérer dangereuses, car elles provoquent un endormissement des abeilles pendant quelques minutes. Lorsqu'elles se réveillent, elles ne retrouvent plus la ruche et elles meurent. De plus, la deltaméthrine se conserve très bien dans le pollen. Mieux vaut alors utiliser de la lambda-cyhalothrine (Karaté Zéon). Dans la Drôme, en 2002, des traitements massifs au Karaté Zéon microencapsulés ont été effectués par hélicoptère. Les apiculteurs ont eu peur qu'il y ait des problèmes, mais il n'y a eu aucun dégât. On peut penser que comme les traitements ont été effectués en pleine chaleur, la molécule s'est très vite dégradée ', conclut-il.