Deux défauts sont imputés à l'acétate d'éthyle : l'odeur suffocante de la piqûre acétique et les notes de colle, qui peuvent apparaître au cours de macérations fermentaires.
L'ester le plus important du vin est bien l'acétate d'éthyle, substance très volatile encore appelée éther acétique. On en trouve entre 40 et 180 mg/l dans les rouges, quand les blancs en renferment 26 à 160 mg/l. Une petite quantité est libérée par la levure lors de la fermentation alcoolique : ' Environ 50 mg/l, précise Philippe Darriet, de la faculté d'oenologie de Bordeaux. La dose varie selon le métabolisme levurien. Il s'agit d'une acétylation qui n'est pas associée à la formation d'acide acétique. '
Lorsque l'acétate d'éthyle se rencontre à une teneur élevée, dans la plupart des cas, le vin est piqué. Il subit une attaque de bactéries acétiques ( Acetobacter aceti). L'acétate d'éthyle est un composé secondaire de leur métabolisme. Elles libèrent surtout de l'acide acétique, provoquant une augmentation de l'acidité volatile.
Dans de telles situations, le vin présente un caractère acescent. Le dégustateur perçoit une très mauvaise odeur, suffocante, liée au caractère irritant de l'acétate d'éthyle pour les muqueuses nasales. En bouche, dès 120 mg/l, le composé laisse une finale dure et brûlante qui renforce l'impression d'âpreté. Il commence à être perceptible autour de 100 mg/l. Il est reconnaissable dès 130 à 140 mg/l. En dessous de ces seuils, sans qu'il soit identifiable, il peut dénaturer le bouquet par une note piquante désagréable. Toutefois, à doses faibles, 80 mg/l maximum pense-t-on, il participerait favorablement à la complexité des vins en accentuant l'expression des arômes, en renforçant le caractère vineux. Comme divers composés odorants, il est plus ou moins apprécié selon sa concentration.
Les bactéries acétiques sont présentes partout : sur les raisins, sur les murs et les sols des chais, sur le matériel vinaire et surtout dans les fûts. Aussi, une hygiène générale est-elle indispensable pour les contrôler. Ces bactéries se multiplient dès lors qu'elles ont de l'oxygène. Au cours de l'élevage en fûts, elles prolifèrent après chaque soutirage à l'air, puis régressent sous l'effet de la privation d'oxygène. De ces inévitables mouvements de population, il résulte une hausse de l'acidité volatile de 0,3 à 0,5 g/l en équivalent H 2SO4 en cours d'élevage. La teneur en acétate d'éthyle peut augmenter aussi mais, en général, on en retrouve à peu près autant qu'en fin de fermentation alcoolique (un rouge élevé en fût pendant douze mois contient entre 40 et 50 mg/l d'acétate d'éthyle).
Le dioxyde de soufre, même à doses élevées, ne suffit pas à maîtriser totalement les bactéries acétiques. Ces dernières réussissent à se développer à la surface du vin, du marc ou du raisin qui est au contact de l'air, justement là où le SO 2 devient rapidement inefficace par oxydation. Pour cette raison, le remplissage ou l'inertage, dans le cas des cuves en vidange, doivent toujours être associés au sulfitage. ' Cela fait des années que l'on rappelle aux vinificateurs l'équation 'vidange = vinaigre'. Ils sont aujourd'hui attentifs aux risques. Les piqûres acétiques sont moins fréquentes qu'auparavant ', entend-on de la part d'oenologues de terrain.
Diverses levures peuvent également produire de l'acétate d'éthyle. Elles appartiennent aux genres Brettanomyces, Candida, Hanse- nula ou Pichia, dont des souches ont sévi l'an dernier à Cognac. Elles font partie de la flore spontanée qui peut se développer dans un moût non sulfité, non ensemencé, dans les premières heures suivant l'encuvage. En temps normal, elles sont rapidement supplantées par Saccharomyces cerevisiae, à pouvoir alcoogène supérieur.
Cependant, des accidents se sont produits lors de macérations préfermentaires à froid, volontaires ou subies, au cours desquelles le marc était resté à l'air et avait séché. Dans de tels cas, ce sont des odeurs de colle ou de vernis à ongle qui trahissent l'apparition d'acétate d'éthyle. Il semble qu'elles disparaissent facilement durant la fermentation. Plus rarement, on signale la survenue de défauts identiques durant la macération post-fermentaire.
Notons qu'il existe une voie purement chimique de formation du composé : par estérification de l'acide acétique par l'éthanol. Elle serait extrêmement lente. De ce fait, elle ne semble pas contribuer, de manière significative, aux teneurs élevées en acétate d'éthyle.
' Lorsqu'il n'est pas accompagné d'acidité volatile, l'acétate d'éthyle, très volatil, peut être assez bien éliminé par des aérations et par barbotage à l'azote ou au CO 2, qui entraînent les molécules odorantes en dehors de la cuve. En revanche, lorsqu'il y a de l'acidité volatile, c'est-à-dire dans 99 % des cas, aucun moyen curatif n'existe ', remarque une oenologue bordelaise.
Le vin piqué part tout simplement à la distillerie. A l'étranger, ce n'est pas toujours le cas. En effet, un constructeur californien a développé un appareil couplant l'osmose inverse et les résines échangeuses d'anions pour éliminer l'acidité volatile du vin. Autorisé aux Etats-Unis, en Australie, au Chili, en Argentine et, plus proche de nous, en Suisse et en Espagne, ce procédé (commercialisé par Michael Paetzold sous le nom de Vinovation) est interdit en France et par l'OIV.