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Ni excès, ni manque

La vigne - n°144 - juin 2003 - page 0

La vigne doit souffrir pour produire ses meilleurs raisins, selon un ancien proverbe. Mais elle doit disposer d'une quantité d'eau suffisante pour permettre à ses baies de mûrir.

'L'eau est l'un des facteurs clés du terroir ', déclare sans ambage Alain Deloire, professeur à l'Ensa de Montpellier, puisque les développements végétatif de la vigne et qualitatif de ses baies sont étroitement liés aux contraintes hydriques qui vont s'appliquer sur la plante. En effet, une alimentation en eau trop importante favorise le développement de la surface foliaire, la production d'une vendange peu sucrée et peu colorée, alors qu'une sécheresse provoque le flétrissement des baies, un blocage de maturation et une défoliation précoce. La recherche d'un optimum hydrique est donc nécessaire pour l'obtention d'une récolte de qualité.
Les répercussions de l'alimentation en eau de la vigne vont cependant être différentes suivant son cycle. On distingue trois périodes : avant la floraison, de la floraison à la véraison, de la véraison à la maturité. Lors de la première phase, un déficit hydrique a peu d'impact sur la vigne. Elle provoque juste un ralentissement de la croissance des rameaux, mais n'a pas d'effet sur les grappes qui ne sont pas encore formées. Une bonne alimentation en eau à ce stade est donc bénéfique.

Par contre, lors de la prévéraison, l'influence de la quantité d'eau disponible dans le sol est fondamentale. Du point de vue végétatif, une contrainte progressive et modérée favorise le développement racinaire de la vigne, ce qui lui permet ensuite de mieux résister à la sécheresse estivale. De plus, elle se protège naturellement : ses racines et ses feuilles âgées synthétisent de l'acide abscissique, qui migre dans les feuilles et commande la fermeture des stomates. Cela entraîne une diminution de l'évapotranspiration et un ralentissement de la croissance des rameaux, pouvant aller jusqu'à la chute de l'apex. La surface foliaire est ainsi diminuée. Durant cette phase, les baies sont en multiplication et en développement cellulaire. Elles sont alors riches en acides organiques et ne possèdent que peu de sucres. ' Un déficit hydrique modéré et progressif diminue la taille des baies, donc le rendement, ce qui est synonyme de qualité ', explique Xavier Choné, consultant spécialisé dans l'expertise de terroirs viticoles. Jean-Christophe Payan, de l'ITV de Montpellier, ajoute qu'' une contrainte trop intense est néfaste, car elle empêche le bon développement des baies '. Durant cette phase, le but est d'obtenir une contrainte hydrique modérée et progressive, permettant d'arriver à un équilibre entre la surface foliaire et le volume des baies, en compétition pour l'absorption de carbone, à la véraison. Un nombre suffisant de feuilles en photosynthèse est nécessaire, en même temps qu'une faible quantité de feuilles consommatrices de sucres. Ainsi, les flux nutritifs ne sont plus dirigés vers les feuilles en croissance, mais plutôt vers les baies.
En période de post-véraison, la multiplication cellulaire des grains cesse, mais les baies continuent leur extension : c'est la phase d'accroissement cellulaire. Leur taux d'acide malique diminue, contrairement aux taux de sucres et de polyphénols qui augmentent.

' En présence d'un déficit hydrique modéré, le métabolisme des anthocyanes et des tanins est favorisé, et la teneur en sucres augmente. Le taux d'acide malique, quant à lui, diminue, et le rapport marc/jus est amélioré. Enfin, la vitesse de maturation augmente. Tous ces phénomènes mis bout à bout ont pour effet de favoriser l'élaboration d'un grand millésime ', témoigne Xavier Choné.
Par contre, une forte contrainte hydrique est à éviter, car elle provoque ' le dessèchement et la chute des feuilles, le flétrissement des raisins, et une diminution importante de la production de sucres réducteurs, pouvant aller jusqu'à un blocage de la maturation ', déclare Jean-Christophe Payan.
Une gestion du potentiel hydrique de la vigne est donc nécessaire. Le schéma optimal consiste à ne pas avoir de déficit jusqu'à la floraison. A partir de ce stade, il faut rechercher une contrainte hydrique progressive, afin d'obtenir un arrêt de croissance au moment de la véraison. De la véraison à la vendange, il faut conserver cette contrainte modérée. Les conditions sont alors idéales pour récolter un raisin de qualité.

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