Les souches de levures commercialisées sont de plus en plus nombreuses et adaptées à l'objectif recherché. Elles sont sélectionnées en fonction de leur bon comportement fermentaire, et de leur incidence organoleptique sur le vin.
Toutes les souches de levures n'ont pas les mêmes exigences en termes de croissance et de viabilité. Elles se développent différemment suivant le milieu dans lequel elles évoluent. Elles s'implantent plus ou moins facilement en fonction des conditions de fermentation, tels le degré potentiel, la température, ou la composition nutritive et azotée du moût.
Deux possibilités se présentent au vinificateur : laisser les levures indigènes réaliser la fermentation alcoolique, ou bien levurer le moût avec une souche déterminée. Cette dernière opération permet de mieux maîtriser la fermentation. En effet, on choisit une levure, d'une part, adaptée au moût et, d'autre part, qui permet d'exalter les caractéristiques du type de vin que l'on souhaite produire.
Les progrès réalisés en biotechnologie ont permis de sélectionner des souches de levures de plus en plus performantes en terme de sécurité fermentaire. Cette sélection est basée sur l'étude de différents critères. Ainsi, les aptitudes de fermentation des souches sont évaluées selon leur résistance à l'alcool, au pH et à la température. Le temps de latence entre ensemencement et départ en fermentation, leur vitesse de fermentation, ou encore leur rendement sucres/éthanol sont également des points importants. Parallèlement à cela, des mesures sont réalisées sur vin, afin d'apprécier leur incidence qualitative. De plus, les teneurs en acidité volatile, thiols volatils, sucres résiduels, ou encore SO 2 après fermentation sont analysées. A cela s'ajoute, depuis peu, la quantification des besoins en azote et en oxygène spécifiques à chaque souche, pour mieux contrôler leur adaptation au moût.
Cependant, depuis quelques années, la sélection a pris une orientation différente. Les souches ne sont pas uniquement choisies pour leurs aptitudes fermentaires, mais aussi pour leur incidence organoleptique (production de glycérol, enrobage des tanins, activité démalicante...) : on voit émerger des souches recommandées pour des applications précises.
Ainsi, pour les reprises de fermentation, la sélection est orientée vers des souches adaptées à des degrés alcooliques élevés et à des milieux appauvris en nutriments comme, par exemple, la DV 10. Les souches pour la prise de mousse ont les mêmes caractéristiques, et sont en plus agglomérantes et neutres vis-à-vis des arômes. A l'inverse, les levures recommandées pour un type de cépage ou pour la production de vins aromatiques permettent de révéler et d'exalter les arômes. Certaines souches comme la EG 8, par exemple, présentent une activité bêtaglucosidasique qui permet de révéler les arômes glycosylés (terpénols, phénols volatils et norisoprénoïdes).
Les souches sélectionnées pour les vins primeurs favorisent, quant à elles, la production d'arômes fermentaires permettant d'accentuer les caractères fruités. Pour les vins de garde, on privilégie des souches comme la BM 45, produisant du glycérol et des polysaccharides pariétaux, favorisant l'enrobage des tanins, et stabilisant la couleur. Si le vin est soumis à un élevage sur lies, on peut également choisir des souches produisant des mannoprotéines, comme la ICV GRE.
En ce qui concerne les vins destinés à la production d'eaux-de-vie, les souches sélectionnées produisent peu d'éthanal et d'alcools supérieurs. Pour les vins doux, moelleux ou liquoreux, on utilise plutôt des souches présentant une forte sensibilité au SO 2, ce qui permet de faciliter les opérations de mutage. Enfin, on trouve aussi des levures, dites de base, sélectionnées essentiellement pour leur aptitude fermentaire et leur neutralité vis-à-vis du vin : c'est le cas de la 522 Davis.
Il existe aussi des souches polyvalentes : utilisables pour tout type de vin, elles sont en général capables de fermenter dans n'importe quelles conditions, même difficiles. Certaines souches sont adaptées à des itinéraires de vinification bien spécifiques. Elles peuvent, par exemple, être recommandées pour la macération préfermentaire à froid, ou les fermentations à basse température. Dans ce cas, ce sont des levures dites cryophiles, comme la S 6 U.
La diversité des souches permet de réaliser un choix en fonction du produit que l'on souhaite élaborer. Les caractéristiques de la vendange (teneur en sucres, acidité, composition phénolique et nutritive, état sanitaire...) et la technique de vinification employée (macération préfermentaire à froid, thermovinification, aération du moût) doivent aussi être prises en compte.
Une fois choisie la souche de levure, il convient de bien réussir son implantation dans le moût. Pour cela, il est nécessaire d'assurer sa compétitivité vis-à-vis des levures indigènes. Si le caractère killer a longtemps été présenté comme un gage de l'implantation des levures sélectionnées, il s'avère qu'il ne la garantit en rien.
En effet, il semble que ce caractère soit plus un outil de défense contre les levures indigènes qu'un réel moyen de domination. Ainsi, entre deux levures, la compétition se base davantage sur le rapport entre leur niveau de population et leur adaptation aux caractéristiques physico-chimiques du moût que sur leur caractère killer. Celui-ci apparaît alors plus comme une sécurité supplémentaire qui vient s'ajouter à l'ensemencement lui-même. En effet, ce dernier constitue un apport massif destiné à donner un avantage décisif à la souche sélectionnée.
Pour déterminer la dose à ajouter, il faut prendre en compte différents paramètres. Dans un premier temps, il convient de l'adapter au niveau de population des levures indigènes, lequel dépend principalement des conditions d'hygiène de la cave. On peut alors considérer que le taux de microflore indigène tend à augmenter au cours des vendanges. Ainsi, un même taux de levurage n'aura pas la même efficacité en début ou en fin de vendanges. Si, dans certains cas, une dose de 10 g/hl est suffisante au début des vendanges, son efficacité est largement discutable dès la deuxième semaine.
De même, si on peut agir sur la compétitivité des levures sélectionnées en adaptant leur dose, il est impératif de contrôler le taux de levures indigènes par de bonnes pratiques d'hygiène. Enfin, il est nécessaire de levurer le plus tôt possible. Dans un second temps, on doit considérer les conditions de fermentation déjà évoquées, pour adapter la dose à la capacité d'adaptation de la souche.
Un autre point déterminant pour réussir l'implantation des levures sélectionnées porte sur la phase de réhydratation. En effet, les levures sont vendues sous forme de LSA (levures sèches actives) qu'il est nécessaire de réactiver en respectant le protocole conseillé par le distributeur.
En général, ce protocole consiste à verser les levures dans de l'eau sucrée ou non à une température de 37 à 40°C. Après avoir attendu environ 20 à 30 min, on peut choisir soit de verser du moût dans la préparation, soit de verser directement celle-ci dans la cuve. En principe, on utilise ce protocole individuellement pour chaque cuve. Cependant, certaines caves pratiquent le repiquage.
Cette technique consiste à levurer une première cuve dont le moût est ensuite inoculé aux autres cuves à fermenter, et ainsi de suite, d'une cuve à une autre. Il semble pourtant que cette pratique ait des limites : dans certains cas, la population de levures sélectionnées ainsi inoculée est insuffisante pour dominer la microflore indigène. Dans le cas des reprises de fermentation, le protocole de réhydratation passe par une phase d'acclimatation des levures qu'il convient également de respecter.
D'une manière générale, pour assurer la bonne implantation de la levure sélectionnée, il convient de bien suivre les recommandations des distributeurs concernant la dose à appliquer, et le protocole de réhydratation.