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Huit conseils pour réussir des vendanges précoces

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Si la précocité se confirme, les raisins mûriront en période de jours longs et probablement chauds. Ils s'enrichiront vite en sucres. Ils risquent de rentrer à des températures et à des pH élevés. Voici huit conseils pour se préparer à cette situation inhabituelle.


Habituellement, on prévoit la date de récolte à partir de la date de floraison, en lui ajoutant cent jours. ' Cette règle donne une approximation assez fiable lorsque la floraison est homogène, comme cette année ', estime Arnaud Immelé, du laboratoire Immelé, à Westhalten (Haut-Rhin). Une méthode peu précise, mais elle permet de s'organiser et d'établir, à partir de cette date théorique, un rétroplanning. La priorité est de convoquer les saisonniers : l'équipe de vendangeurs doit se tenir prête pour le jour J théorique, sachant que la date exacte lui sera précisée une semaine avant. L'idéal est de terminer les contrats d'embauche avant le 15 juillet, ' surtout si le début des vendanges est prévu en août car, dans les esprits, c'est un mois de vacances et les vendanges ne commencent pas avant septembre ', prévient Olivier Roustang, d'Inter-Rhône. Il est également prudent de vérifier le fonctionnement des appareils et les stocks de produits oenologiques (levures, bisulfite...) avant de partir en congés. Cela laisse le temps de faire appel à un technicien s'il y a un souci, ou simplement de passer les commandes nécessaires. Enfin, le personnel de cave et les laborantins de ' renfort ' arriveront vers J - 7 afin de nettoyer et d'installer le matériel. Une cave bien organisée, avec des appareils désinfectés, un pressoir vérifié, est le préalable indispensable à toute vinification réussie.

Les premiers prélèvements pour le contrôle de la maturité commencent, en général, trois semaines après la véraison. Il est impératif de repérer ce stade qui précède, théoriquement, de 40 jours la vendange. On obtient un autre point de repère, en comptant le nombre de jours d'avance de la véraison, et en avançant d'autant la date du premier contrôle de maturité. Il s'agit de ne pas se faire surprendre. Certains oenologues conseillent également de resserrer l'intervalle entre deux prélèvements, car l'accumulation des sucres risque d'être rapide. Comme d'habitude, on suit l'indice sucres-acidité jusqu'à l'équilibre gustatif recherché, sachant que certains acides sont vite dégradés par la chaleur et qu'il convient de ne pas descendre en dessous d'un certain niveau d'acidité, gage de fraîcheur, pour l'élaboration des vins blancs et rosés. Pour les vins rouges, la dégustation des baies viendra compléter ces informations. ' En Alsace, il existe sept cépages de précocité différente, implantés dans des zones très diverses. Pour le suivi de la maturité, il faudra donc faire des prélèvements sérieux, parcelle par parcelle, et ne pas se fier au ban des vendanges ', prévient Arnaud Immelé.

Avec des vendanges chaudes et mûres, les thermomètres des cuves risquent de s'envoler. Pour s'en convaincre, Nicolas Constantin, oenologue à Inter-Rhône, rappelle une méthode empirique et simple pour calculer la température maximale, atteinte en pleine fermentation : c'est la somme de la température de la cuve homogénéisée avant fermentation et du titre alcoométrique volumique probable (TAVP), à laquelle on ajoute 2 à 3°C. Pour faire face aux éventuelles difficultés, ' le moyen le plus simple et le moins cher est de surdimensionner sa capacité de refroidissement ', conseille Arnaud Immelé. Lorsque ce n'est pas le cas, il faut trouver d'autres formules. La location d'un groupe de production d'eau glacée en est une. Elle est proposée par des sociétés comme Aggreko. Des oenologues conseillent d'utiliser la Carboglace pour refroidir la vendange au champ (voir page 40), de prévoir davantage de bennes et de les bâcher ' pour que le raisin n'attende pas et ne s'oxyde pas en plein soleil '. Certains font remarquer que les besoins en frigories sont corrélés au tonnage journalier. ' En étalant les apports de vendange, on réduit le besoin instantané en froid. On résout donc des problèmes sans que la cave ait à s'équiper davantage ', explique Alain Guittard, directeur de l'ICV de Brignoles (Var). Cependant, cet étalement ne doit pas se faire au détriment des objectifs de production.

Evidemment, le must est de faire appel à un frigoriste. Certains, comme Frical à Avignon, proposent une étude gratuite. Ils distinguent les besoins ponctuels en froid (débourbage...) de ceux qui sont permanents (climatisation...). ' On ne raisonne pas sur des quantités de vendange, mais sur le débit de travail à la cave ', explique M. Cadet, directeur de Frical. Les vignerons qui n'ont pas l'occasion de faire appel à un spécialiste peuvent toutefois se faire une idée de leurs besoins, en sachant qu'il faut 1,1 frigorie pour refroidir 1 l de moût de 1°C et que les levures réchauffent le moût de 1,3°C en produisant 1 % vol. d'alcool. Les oenologues d'Inter-Rhône utilisent ces deux données pour établir des estimations, qui permettent de savoir rapidement si l'on risque d'être en sous-capacité.

Certains vignerons n'hésitent pas à récolter en pleine nuit ou, plus souvent, à l'aube. Ils profitent ainsi de la fraîcheur du petit matin. Encuver des raisins à 15°C permet une économie de refroidissement évidente.
Toutefois, la principale motivation de ces vendangeurs de l'aube est qualitative : les jus s'oxydent moins lors- qu'ils sont frais. La cave des hautes côtes de Beaune pense vendanger avec quinze jours d'avance par rapport à la normale, et envisage la récolte mécanique de nuit. En revanche, pour les crémants, ' c'est difficile de faire travailler des saisonniers de nuit, pour des raisons de sécurité ', estime M. Pittraye, directeur technique. ' Fin août, il ne fait pas jour avant 7 h du matin. Or, le problème de visibilité a des inconvénients majeurs en récolte manuelle : les ven- dangeurs risquent de se couper et de ne pas bien trier les raisins mûrs du reste , estime Sylviane Leplâtre, du laboratoire OEnoconseil (Hérault). La récolte de nuit est surtout un argument commercial. A ce moment-là, le sol restitue la chaleur emmagasinée au cours de la journée. Le gain de fraîcheur n'est donc réel qu'au petit matin . '

' Lorsqu'il fait chaud, la machine à vendanger, les bennes et le pressoir peuvent rapidement devenir des pieds de cuve ', prévient Arnaud Immelé. La flore indigène se développe dans les résidus de jus sucré. On craint alors un départ en fermentation prématuré, rendant impossible le débourbage. ' Un débourbage compromis est une catastrophe pour les blancs ! ' Par ailleurs, les moûts récoltés à température élevée sont plus fermentescibles et des levures de contamination risquent de s'y développer. Aussi, une hygiène rigoureuse est-elle indispensable. On préconise, par exemple, deux désinfections quotidiennes de la machine à vendanger, une à la pause de midi et une en fin de journée.

Aussitôt ajouté au moût, le SO2 se transforme partiellement en ions bisulfites HSO3 -. Tous deux constituent le SO 2 libre, mais seul le SO2 lui-même, dit moléculaire, est actif. Or, les proportions en SO 2 et HSO3 - dépendent des paramètres du milieu. En particulier, plus le pH est élevé, plus la proportion en HSO3 - est importante, et donc moins il y a de SO 2 actif pour un même ajout. Il est donc conseillé de sulfiter davantage lorsque le moût et le vin ont un pH élevé, afin de compenser la faible activité du SO 2. On trouve certains partisans des sulfitages espacés et à fortes doses. D'autres, comme Alain Guittard, recommandent de fractionner le sulfitage des vins rosés et des vins blancs aromatiques, ' en apportant des petites doses, au bon moment et au bon endroit pour réduire le taux de combinaison. On préconise entre 1 et 3 g/hl à la vigne, puis à la réception, après le débourbage, après la fermentation... '.

Une fois le vin fait, rien n'est encore joué. La période d'élevage est propice à de nombreuses altérations. Divers types de bactéries et de levures sont susceptibles de se développer dès que les conditions du milieu leur sont favorables. Or, plus le pH est élevé, plus on observe une flore variée et nombreuse. Il faut donc renforcer les précautions habituelles. En particulier, le taux de SO 2 libre doit être régulièrement analysé et ajusté si besoin, de sorte qu'un minimum soit maintenu aux environs de 20 à 25 mg/l (25 à 30 mg/l pour les blancs, plus fragiles). A chaque soutirage, la population de bactéries acétiques croît et produit de l'acide acétique. Le taux d'acidité volatile doit donc être surveillé quelques jours après, pour pouvoir réagir au plus vite si l'on suspecte un début de piqûre. Cela est d'autant plus vrai lors d'élevage sous bois, car les fûts et autres vieux foudres hébergent souvent des micro-organismes. L'entretien des barriques par une désinfection annuelle efficace est de mise.

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