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Les CDOA ont l'oeil sur les baux

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Il est de plus en plus difficile d'exploiter une terre en location sans en avoir l'autorisation. Les autorités administratives et les organisations professionnelles veillent à l'application effective des décisions des CDOA.

La loi du 9 juillet 1999 a sérieusement renforcé le contrôle des structures, avec des conséquences palpables pour les exploitants. D'une part, l'autorisation d'exploiter fait l'objet d'une attention accrue et, d'autre part, la loi met fin à une certaine impunité des contrevenants.
Le non-respect du contrôle des structures consiste à exploiter une parcelle sans en avoir demandé l'autorisation à la CDOA (Commission départementale d'orientation agricole) ou à continuer à la cultiver après avoir reçu un refus d'exploiter. Le préfet met le fautif en demeure de respecter la loi, avant de prononcer des sanctions, qui sont diverses.
La sanction civile revient à prononcer la nullité du bail à la demande du préfet, du bailleur ou de la Safer, dans l'exercice de son droit de préemption. En effet, la validité du bail dépend de la délivrance de l'autorisation d'exploiter, comme cela est précisé, par écrit et par oral, par le notaire lors de chaque signature de bail rural.
En octobre 2002, la cour administrative de Nantes a ainsi débouté un preneur, qui avait conclu un bail à long terme sans l'obtention d'autorisation d'exploiter. Celui-ci, s'estimant preneur en place, avait attaqué une décision préfectorale accordant l'autorisation à un autre candidat sans l'en informer. La cour a estimé qu'il ne pouvait se prévaloir de la qualité de preneur.

La sanction économique, qui vise à annuler les aides publiques, touche peu le secteur viticole. Il en est autrement du troisième type de sanction, administrative cette fois. Le contrevenant doit alors payer une amende dont le montant est compris entre 305 et 915 euros/ha/an, auquel est appliqué un coefficient d'équivalence. Pour les vignes, le tarif se retrouve logiquement réévalué. Il est possible de faire appel à la commission régionale de recours un mois après avoir reçu la notification de l'amende. Celle-ci a six mois pour se prononcer. Si elle valide le jugement, le vigneron peut faire appel auprès du tribunal administratif.
Les amendes, relativement rares, ont surtout un rôle dissuasif. ' Dans les faits, de nombreuses personnes qui n'étaient pas en règle ont fait leur demande d'autorisation d'exploiter pour ne pas être soumis aux sanctions , précise un observateur. Le but est donc atteint dans les grandes lignes, même si certains exploitants téméraires font le calcul qu'il est plus intéressant pour eux de payer l'amende que de se plier aux décisions préfectorales. '
Tout le monde n'apprécie pas la mise en place des sanctions, à commencer par certains propriétaires qui aimeraient choisir leur fermier, et non subir celui qui a reçu l'autorisation d'exploiter. ' Si on tend de plus en plus à imposer un preneur à un bailleur, on va à l'encontre du droit civil ', estime Louis Durieu de la Carelle, président honoraire des propriétaires, à la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) du Rhône. Au début du mois de juin 2003, un propriétaire du Beaujolais s'est ainsi vu imposer un jeune viticulteur qui avait l'autorisation d'exploiter, plutôt que quatre autres vignerons qui souhaitaient s'agrandir en se partageant la location de ses 25 ha. Toute la philosophie du contrôle des structures est résumée dans cette affaire.

Où s'arrête la frontière entre l'exercice de son droit de propriété et le partage des terres pour maintenir un dynamisme rural ?
' Nous nous battons contre le fait que les propriétaires se tiennent détenteurs du droit de louer , affirme Yves Bonnet, président des bailleurs, à la FDSEA du Rhône. Avant la loi de 1999, il n'y avait pas de sanction possible quand l'autorisation d'exploiter n'était pas respectée. Maintenant, les moyens existent de faire appliquer la loi pour construire une véritable politique agricole départementale. Il faut raisonner au niveau de l'aménagement du territoire et du maintien des populations rurales. De plus, quand on cultive beaucoup d'hectares, il est difficile de le faire ' en bon père de famille ', comme cela est précisé dans les baux.

Un autre jugement est en cours en Gironde. Il concerne un vigneron qui se voit appliquer une amende de 12 000 euros : il exploite 3,67 ha, pour lesquels l'autorisation lui a été refusée. ' Dans la mesure où il n'y a pas de péril économique ni pour le vigneron jugé, ni pour les autres candidats à l'exploitation de cette parcelle, les professionnels ont souhaité aller au bout de la démarche administrative pour sanctionner ce non-respect de la loi. Ils ont voulu créer un précédent, sans avoir trop mauvaise conscience , plaide un proche du dossier. Le souhait de s'installer ou de s'agrandir fait l'objet de nombreuses convoitises et on assiste souvent à des combines, du copinage, ou même de l'intimidation pour arriver à ses fins. '
L'argument du copinage est également brandi par les opposants à cette organisation cadrée de l'agriculture, qui trouvent certaines décisions douteuses au regard des principes d'équité affichés.
Le ton se durcissant du côté des Commissions départementales d'orientation agricole, il est fort à parier que les procès vont se multiplier à l'initiative des déçus du contrôle des structures, qualifié de ' kolkhozien ' par ses plus farouches opposants.

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