Des parcelles peuvent être totalement contaminées par la nécrose bactérienne, mais ne pas exprimer, ou peu, de symptômes. Les vignerons doivent rester vigilants.
La nécrose bactérienne menace. Depuis quelques années, cette maladie progresse à Cognac, en Armagnac et dans le Diois. Mais selon les résultats d'une thèse, soutenue en mars dernier par Sophie Grall, à l'Inra d'Angers, sous la direction de Charles Manceau, les symptômes observés ne seraient que la face visible de l'iceberg. ' Une parcelle peut être très contaminée et n'exprimer que peu ou pas de symptômes ', résume Sophie Grall. Avec, pour objectif, de mieux appréhender l'écologie de la bactérie, elle a travaillé en deux temps, cherchant d'abord à comprendre comment le pathogène colonise la vigne, puis à préciser le rôle des pleurs.
Pour suivre la colonisation, Sophie Grall a fabriqué des mutants de la bactérie qui deviennent fluorescents, ce qui lui a permis de les localiser dans les tissus. Elle a ainsi montré qu'elle colonise la vigne en deux temps et à deux périodes distinctes.
Au printemps a lieu la contamination. La bactérie, transportée par les pleurs, est apportée sur les bourgeons, les jeunes pousses et le feuillage. Elle pénètre par les voies naturelles sans qu'il y ait forcément de blessures. ' Les plaies de taille ne sont pas nécessairement la source de contamination la plus importante, mais il ne faut pas la négliger ', explique Sophie Grall. La bactérie emprunte ensuite les vaisseaux du xylème et descend dans le tronc, qui va servir de réservoir. Une fois dans le tronc, la bactérie s'y multiplie. Lors du repos hivernal, la sève brute la véhicule dans les sarments aoûtés. C'est la deuxième phase de la colonisation. A la reprise d'activité, les sarments émettent des pleurs contaminés, source de nouvelles infections si le climat printanier est favorable.
Pour en savoir un peu plus sur le rôle des pleurs, Sophie Grall a analysé leur contenu dans deux parcelles situées à Cognac, de 2000 à 2002. Elle a montré que la quantité de bactéries émises par ce biais est ' irrégulière et hétérogène lors du débourrement '. Mais surtout, elle s'est aperçue que pratiquement 100 % des pleurs étaient contaminés, alors que moins de 10 % des ceps extériorisaient la maladie.
Ces résultats ont été confirmés à Die, en 2001 et 2002, sur une parcelle de muscat petit grain, d'apparence saine, et une parcelle de clairette, présentant seulement deux à trois ceps malades. L'analyse des pleurs a montré que 100 % du muscat étaient contaminés et presque autant de clairette.
Pourquoi y a-t-il autant de porteurs sains de la maladie ? Pourquoi certains ceps expriment-ils des symptômes et d'autres pas ? Le mystère demeure. Selon Charles Manceau, ' les variations des conditions climatiques et environnementales font que l'extériorisation de la maladie est indépendante de la contamination. Tant qu'elles restent défavorables à l'expression des symptômes, le cep continue à produire des raisins et à se développer normalement '.
Mais tout reste à découvrir quant aux conditions favorables à l'apparition des symptômes. ' Les vignerons doivent se montrer vigilants, appliquer les règles de bonne conduite et traiter lors de la reprise d'activité de la vigne dans les zones à risques. La poursuite des travaux, en collaboration avec le BNIC, aura pour objectif de mieux comprendre les paramètres importants de l'émission des bactéries par les pleurs, ce qui permettrait de définir une fenêtre de protection ', conclut-il.