Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2003

Vinifier des moûts blancs très limpides

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Pour obtenir des vins plus fins et plus aromatiques, certains vignerons n'hésitent pas à faire des débourbages sévères, quitte à avoir des fermentations plus difficiles.

Les caractéristiques des vins blancs sont étroitement liées à la qualité du débourbage. Trop de bourbes dans les moûts donnent des vins aux arômes lourds, herbacés et aux saveurs amères. Ils sont aussi plus colorés, plus riches en composés phénoliques et leur couleur est moins stable. En fin de fermentation, ils présentent souvent des défauts de réduction, difficiles à éliminer par soutirage à l'air. A l'inverse, des moûts très clairs donnent des vins aromatiques et fins.
Malheureusement, leur vinification n'est pas sans risque. ' Nous conseillons aux vignerons de travailler à des turbidités de l'ordre de 100 à 120 NTU. Des turbidités trop basses engendrent des problèmes en fin de fermentation. Il faut débourber tout en étant raisonnable ', explique Marilyne Bouix, du centre oenologique de Grézillac (Gironde). Ces ralentissements sont-ils systématiques ? Pas toujours. Chez Wolfberger, à Eguisheim (Haut-Rhin), Dominique Pinsun explique : ' Sur la plupart des vins courants, nous essayons d'avoir des turbidités inférieures à 50 NTU. Nous n'avons aucun problème de fin de fermentation, car nous faisons un levurage systématique, utilisons la thermorégulation et aérons le vin pour bien l'oxygéner. En cas de problème, il est toujours possible de rajouter de la thiamine . ' Les ralentissements pénalisent-ils les vins ? Les avis sont partagés. Selon Marilyne Bouix, ' un blanc qui traîne reste sans protection par le SO 2. Ce n'est pas l'idéal sur le plan aromatique. On est obligé de brasser les lies pour les remettre en suspension, sous peine d'avoir des goûts de lies '.

Au contraire, Arnaud Immelé, du laboratoire Immelé, à Westhalten, explique que les moûts très limpides donnent de meilleurs vins, même après une fermentation difficile. ' Cela demande plus de travail et coûte plus cher. Il y a davantage de risques de déviation, mais les vins sont supérieurs. ' Pour preuve, il a comparé la vinification d'un tokay de 2001, débourbé à 150, 100 et un peu moins de 50 NTU. C'est cette dernière modalité qui a obtenu la meilleure note de dégustation, malgré une fermentation qui a duré jusqu'en janvier et a nécessité deux pieds de cuves. La moins bonne note a été attribuée à la modalité 150 NTU, dont la fermentation s'est déroulée en trois à quatre semaines sans difficulté. Certains vignerons n'hésitent pas à travailler avec des moûts dont les turbidités sont égales, voire inférieures à 50 NTU. ' C'est une mode qui circule ', constate Marilyne Bouix. Deux raisons peuvent les motiver : ' Soit parce que leurs moûts présentent un état sanitaire médiocre, soit parce qu'ils veulent faire une vinification type australienne afin d'obtenir des vins plus aromatiques et plus fins. C'est l'une des solutions pour extraire les arômes difficiles ', cite un oenologue de Loire-Atlantique. Lorsque l'on travaille des moûts très clarifiés, un certain nombre de précautions sont à prendre. ' Il faut intervenir en préventif ', précise Arnaud Immelé.
Selon lui, la première chose à faire est de choisir des souches de levures qui supportent une faible turbidité et exigent peu d'azote. Puis, il faut éventuellement compenser les manques par des apports d'azote assimilable ou d'écorces de levure, et bien oxygéner en début de fermentation. Par contre, Arnaud Immelé déconseille le rajout de bourbes fines. ' A chaque fois, les résultats sont mauvais, car soit les vignerons rajoutent trop de bourbes, soit elles ne sont pas assez fines. La fermentescibilité s'améliore, mais l'effet gustatif est négatif . '
Un vigneron du Haut-Rhin explique sa démarche : ' Je travaille avec des moûts les plus clairs possibles. Pour les obtenir, j'utilise des enzymes et le froid. Je laisse décanter pendant un jour ou deux, puis je levure. Selon les moûts et les levures, je rajoute soit de l'azote, soit de l'air, soit les deux. Parfois, je pratique une micro-oxygénation en milieu de fermentation pour aider un peu les levures. Enfin, si nécessaire, je fais un remontage en fin de fermentation. En général, mes vinifications durent de trois à quatre mois. Ce sont toujours des moûts difficiles à fermenter, mais il faut prendre le risque . '

En Loire-Atlantique, un oenologue plaide pour le rajout du filtrat des bourbes, riche en acides gras. Il préconise également de doser l'azote assimilable et d'apporter des supports pour les levures ou des activateurs de fermentation. Pour sécuriser l'ensemble, il conseille l'ajout de levures finisseuses à la densité de 1 030. ' Si l'on a des fins de fermentation languissantes, on perd tout le bénéfice du débourbage ', rappelle-t-il.
Marilyne Bouix conseille de rajouter un peu de bourbes fines et, si la fermentation se ralentit ou devient languissante, d'incorporer du sulfate d'ammonium et de la thiamine. A toutes ces recommandations pourrait s'en ajouter une autre : le levurage massif. Des essais récents montrent qu'il vient à bout des situations fermentaires les plus difficiles. S'ils se confirment, les vignerons disposeraient d'une solution supplémentaire pour vinifier les moûts très limpides.



Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :