En respectant des protocoles précis, on peut estimer le rendement d'une parcelle à partir de la fermeture de la grappe ou de la véraison, avec une marge d'erreurs inférieure à 20 %.
Estimer la récolte d'une parcelle peut paraître simple au premier abord. Un rapide coup d'oeil pour évaluer le nombre de grappes et le tour est joué... Dans la réalité, l'évaluation du rendement doit faire l'objet d'un protocole précis pour limiter les erreurs. Depuis l'année 2000, l'ITV Midi-Pyrénées teste une méthode sur les vignobles du Gers, de Fronton et, plus récemment, de Gaillac. ' Nous comptons le nombre de grappes présentes sur quarante ceps, explique Eric Serrano, ingénieur viticole à l'ITV de Gaillac. Pour connaître le poids de la grappe moyenne à la vendange, nous avons créé un modèle fondé sur le volume de la grappe à la fermeture : nous mesurons sa hauteur et sa circonférence dans la partie supérieure, grâce à un outil qui ressemble à un cône, baptisé morandin, du nom de son concepteur. '
Avantage de cette méthode : les grappes ne sont pas détruites, contrairement à d'autres procédés. Baguées, elles seront pesées à la récolte pour vérifier la justesse des prévisions. Les essais ont montré que l'échantillonnage est représentatif à partir de quarante pieds et qu'au-delà de soixante pieds, le gain en précision est peu augmenté. Par ailleurs, la mesure de cinquante grappes, effectuée par neuf personnes différentes, indique une faible variabilité des résultats (5 %) entre les utilisateurs du morandin, ce qui laisse présager la possibilité d'une utilisation à plus grande échelle. Enfin, si les corrélations entre le volume et le poids final donnent des prévisions fiables (l'écart est inférieur à 7 %) au stade fermeture de la grappe et véraison, les résultats ne sont pas exploitables si la mesure est effectuée à la nouaison.
Dans le Beaujolais, la Sicarex a également développé une méthode d'évaluation du rendement. ' Le nombre de ceps à contrôler varie selon la régularité de la parcelle, précise Jean-Yves Cahurel, responsable des expérimentations viticoles. En général, vingt ceps suffisent mais, cette année, avec le gel, il est préférable de prendre un échantillon de quarante ceps. On choisit quelques rangs bien répartis au sein de la parcelle, en évitant les bordures souvent plus productives, et l'on se fixe, au préalable, un intervalle d'échan- tillonnage, par exemple un cep sur dix ou vingt. On compte le nombre de grappes par pied. Ensuite, une grappe moyenne est prélevée sur chaque cep en vue d'être pesée. ' On obtient ainsi un nombre moyen de grappes par cep et le poids moyen d'une grappe.
' Le prélèvement doit s'effectuer au début de la véraison , poursuit Jean-Yves Cahurel. C'est un stade phénologique facilement repérable, qui correspond à une phase de plateau dans la croissance de la baie. Cette période de stabilisation permet d'extrapoler et d'appliquer un coefficient de grossissement de 1,2 pour obtenir le poids moyen de la grappe à la vendange. De plus, à cette période, il est possible d'apporter des mesures correctives pour diminuer le rendement, si la charge est trop importante. '
Dans les parcelles homogènes, ce mode de calcul s'approche bien de la récolte réelle, avec des écarts maximaux de +/- 10 %. En revanche, dans les parcelles hétérogènes, l'écart se creuse logiquement et peut atteindre 20 %. Pour diminuer les risques d'erreurs, il faut alors procéder à un échantillonnage plus important.
En Champagne, le CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne) préconise de compter toutes les grappes de trois séries de dix souches, à des emplacements différents de la parcelle. Pour être représentatif, le comptage doit avoir lieu après la nouaison, les grappes comportant moins de vingt baies devant être écartées du dénombrement. Selon la qualité de la nouaison, le poids de la grappe varie de 60 à 170 g, avec une moyenne de 120 g à la vendange.
En complément de ces estimations, le CIVC travaille, depuis une vingtaine d'années, sur la modélisation du poids de la grappe en incluant les facteurs bioclimatiques. Serge Strizyk, fondateur de la société Sesma, en région parisienne, est le concepteur de ce modèle. ' Nous avons construit un système virtuel, qui représente le fonctionnement global de la plante , explique-t-il. Lors de la fermeture de la grappe, la plante programme un chemin qui l'emmène à la véraison. Ce chemin, qui reste toujours le même, est plus ou moins long selon le climat. ' Ce système inclut des données telles que la réserve d'assimilats de la plante ou son réservoir hydrique, pour établir une prévision du poids de la grappe avec une marge d'erreurs minime. L'estimation du poids de la grappe est divulguée aux vignerons deux mois avant la vendange. Ceux qui les ont comptées au moment de la nouaison peuvent alors estimer leur rendement.
Enfin, plus à l'est, l'Inra de Colmar (Alsace) s'appuie depuis vingt ans sur une méthode qui, elle aussi, a fait ses preuves. L'Institut travaille à l'échelle régionale, et non au niveau de la parcelle. ' Nous sélectionnons deux cents parcelles pour estimer neuf variétés différentes , expose Christophe Schneider, responsable de ce dossier. Il s'agit de l'optimum entre les exigences statistiques et ce qu'il est possible de réaliser sur le terrain. Cette méthode prend en compte trente parcelles pour chacun des cépages les plus importants, et quinze parcelles pour les cépages les moins plantés. Un mois après la floraison, nous comptons dans chaque parcelle les grappes de neuf pieds, tirés au sort par groupe de trois. Le nombre de grappes par pied fluctue assez peu, car la charge laissée par le vigneron est constante, à la différence du nombre de baies par grappe et de la taille des baies, éléments sur lesquels nous basons nos estimations. '
A l'échelle régionale, le pourcentage d'erreurs est de l'ordre de 5 %. Cette méthodologie a été adoptée par le BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne) depuis dix ans, avec des résultats similaires. Elle peut aussi servir à déterminer le rendement d'une parcelle, mais il faut réaliser ses observations sur trente pieds au minimum et la marge d'erreurs augmente pour s'établir entre 10 et 20 %.