Spécifique à la vigne, l'acide tartrique est le plus important des acides fixes du vin. C'est le seul produit autorisé pour acidifier les moûts et les vins.
Un petit nombre d'espèces végétales synthétise de l'acide tartrique. La vigne est l'une des rares plantes à en produire en grandes quantités. Il est fabriqué plutôt dans les organes en croissance, notamment les baies vertes, mais aussi les jeunes feuilles. Sa teneur diminue au cours de la maturation pour arriver, lors de la récolte, à des niveaux variant de 3 à 9 g/l selon les cépages et les conditions extérieures, comme l'alimentation en eau de la vigne. En période de température supérieure à 35°C, son taux dans les raisins diminue par combustion respiratoire. Il est dégradé par Botrytis cinerea, ce qui explique que sa teneur puisse être divisée par six dans les raisins atteints de pourriture noble par rapport aux raisins sains.
L'acide tartrique possède deux fonctions acide et deux fonctions alcool. La seule forme naturelle est l'isomère droit (acide tartrique L +). C'est le plus important, le plus fort et le plus dissocié des acides fixes (acides non volatiles) du vin, qui doit en renfermer au minimum 0,99 g/l. En général, les vins en contiennent 1,5 à 5 g/l.
A une concentration un peu trop élevée, il donne de la dureté et exacerbe l'astringeance. Il est plus solide et plus résistant à l'action des bactéries que les acides citrique et malique, mais il peut être dégradé par les bactéries lactiques : c'est la maladie de la tourne. Elle donne des vins aigrelets, qui dégagent une odeur de choucroute en fermentation. Certaines levures (genres candida, cryptococcus et rhodotorula ) peuvent décomposer l'acide tartrique.
Celui-ci joue un rôle primordial dans les réactions d'oxydoréduction. En présence de sels ferreux et d'oxygène, il engendre des composés réducteurs comme l'acide dihydroxymaléique, l'acide dihydroxytartrique et l'acide glyoxylcarbonique. Attention également aux traitements thermiques des vins qui ont un potentiel redox élevé. Il peut conduire à des goûts d'oxydation et à leur altération.
L'acide tartrique (abrégé TH2) se trouve en tant que tel dans les vins et sous la forme de deux de ses sels : le bitartrate de potassium et le tartrate neutre de calcium. Le premier est connu depuis l'Antiquité : c'est la crème de tartre, encore appelée tartrate acide de potassium ou hydrogénotartrate. Il résulte de la réaction entre l'ion bitartrate (TH -) et le potassium. Le second provient de la réaction entre l'ion tartrate (T 2-) et le calcium. Les teneurs dans les vins de ces composés sont variables. Ceux-ci sont en équilibre, mais le pH, la teneur en alcool, la température, les colloïdes ou la présence de germes de cristallisation peuvent provoquer la précipitation cristalline du bitartrate de potassium et du tartrate de calcium excédentaires. Cet incident est fréquent dans les vins nouveaux, sursaturés en acide tartrique : ils en contiennent plus qu'il n'en peut, théoriquement, se dissoudre. Un traitement au froid pendant l'élevage est nécessaire pour provoquer la précipitation de cet excès et l'éviter dans les bouteilles.
L'acide tartrique pur, sous forme de cristaux ou de poudre, est le seul à pouvoir être ajouté pour acidifier les vins. La correction ne peut se faire que dans la limite de 1,5 g/l d'acide tartrique sur raisin frais, moût ou vin nouveau. Dans les vins, elle est limitée à 2,5 g/l exprimé en acide tartrique. Le moment idéal de l'ajout est difficile à apprécier, mais il semblerait que le mieux soit d'intervenir avant la fin de la fermentation alcoolique. La quantité à apporter est aussi à réfléchir, sous peine de donner de la dureté aux vins traités et de conduire ultérieurement à la précipitation de l'acide tartrique ajouté en excès.
L'acide tartrique à 2 % permet de neutraliser la soude utilisée lors des détartrages chimiques des cuves. C'est ce même tartre, récupéré manuellement ou chimiquement par des sociétés spécialisées, qui sert de matière première à la fabrication de l'acide tartrique. ' A partir de 100 t de tartre, on fabrique 60 à 70 t d'acide tartrique ', explique Benjamin Margnat, directeur adjoint de la société Legré-Mante, à Marseille (Bouches-du-Rhône), seule productrice d'acide tartrique en France.
Le tartre est broyé, torréfié, puis traité avec du chlorure de calcium, du nitrate de calcium ou du sulfate de calcium pour former du tartrate de calcium. Celui-ci peut être généré par des distilleries traitant les lies et les marcs. Le tartrate de calcium est lavé et attaqué à l'acide sulfurique. La solution obtenue, de couleur rouge, contenant environ 200 g/l d'acide tartrique, est purifiée et concentrée au cours de différentes étapes. Elle passe d'abord sur une résine échangeuse d'ions, afin d'éliminer les métaux lourds. Elle subit une première phase de concentration grâce à un échangeur thermique pour arriver à 600 g/l, suivie d'une deuxième phase de concentration sous vide pour arriver à plus de 1 000 g/l. Le sirop épais obtenu est coulé dans un granulateur qui forme des grains. Le produit passe ensuite sur un filtre et des terres pour l'élimination des colorants organiques. Enfin, il subit une dernière concentration, suivie d'une centrifugation. Les granulés obtenus sont séchés, puis ils sont tamisés et emballés.
L'acide tartrique est commercialisé par la société Legré-Mante sous différentes formes granulométriques : cristaux, granulés de 2 000 à 125 microns, poudre, poudre ultra-fine, poudres avec antimottant. Ce produit se conserve assez longtemps, mais a tendance à durcir. Le stockage doit donc se faire dans un local sec, à l'abri de l'humidité.