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Liquoreux : trois mesures pour réduire l'acidité volatile

La vigne - n°146 - septembre 2003 - page 0

La fermentation des moûts issus de pourriture noble est souvent difficile et aboutit à la formation d'importantes quantités d'acidité volatile. On peut les réduire en utilisant des bourbes fines de jus destinés à faire des vins secs, en réalisant un pied de cuve et en ajoutant de l'azote.

'Près de 80 % de la qualité des vins liquoreux se fait à la cueillette ', estime Jean-Christophe Barbe, enseignant-chercheur à l'Enita de Bordeaux (Gironde). Effectivement, les tries sont capitales pour obtenir une matière première saine et suffisamment concentrée. Toutefois, la vinification des moûts issus de pourriture noble est délicate. D'importantes quantités d'acide acétique peuvent être générées par les levures en réaction à l'hostilité du milieu. Pour ne pas perdre le bénéfice du travail réalisé à la parcelle, des précautions sont à prendre.
Le sulfitage des moûts liquoreux revêt une importance moindre que celui des moûts destinés à produire des vins secs, car ils sont peu oxydables. Lors de la réception de la vendange, une bonne hygiène permet de limiter les doses. ' Je déconseille le non-sulfitage et je préconise des doses modérées de 2 à 3 g/hl en général. Il ne faut pas exagérer. Sinon, le SO 2 aura tendance à combiner. Mais tout dépend de l'état sanitaire de la vendange ', explique Henri Ducourneau, oenologue-conseil au centre oenologique de Cadillac (Gironde).
Le débourbage est lui aussi moins capital. ' En général, on travaille à des turbidités comprises entre 200 et 600 NTU. Il faut se méfier des moûts très clairs, qui favorisent une poussée de volatile. Après avoir pressé des grappes entières et débourbé statiquement, on peut parfois rajouter, dans le moût, le floc pectique situé à la surface des bourbes. C'est intéressant pour la fermentescibilité et les arômes ', rapporte Gérard Cayrel, du laboratoire OEno France à Eguisheim (Haut-Rhin). De même, des travaux de Denis Dubourdieu, professeur à la faculté d'oenologie de Bordeaux, rapportés dans le Traité d'oenologie montrent que l'ajout de 1 à 2 % de bourbes issues de moûts de raisins sains améliore la fermentescibilité des moûts de pourriture noble, et diminue la formation d'acidité volatile. Mais cette technique n'est applicable que dans les caves où sont vinifiés des blancs secs et des liquoreux.

C'est le déroulement de la fermentation alcoolique qui constitue la phase la plus délicate de la vinification des liquoreux. Les moûts riches en sucre exercent une forte pression osmotique. Pour éviter d'éclater, les levures vont contrebalancer cette pression en produisant du glycérol et de l'acétate. La pauvreté des moûts en éléments nutritifs et la présence d'une substance antifongique de nature polysaccharidique vont affecter la marche de la fermentation. L'objectif va donc être d'aider les levures en leur procurant des conditions les moins stressantes possibles.
Le levurage est fortement conseillé, même si, en pratique, cela reste un phénomène récent pour les liquoreux. ' Les levures indigènes donnent parfois de meilleurs résultats, mais comme on n'est pas maître du cocktail de souches, on peut avoir de gros problèmes ', constate Jean-Christophe Barbe. Le choix de la souche doit prendre en compte plusieurs critères : elle doit bien fermenter, arriver au degré souhaité et produire peu d'acide acétique et de composés combinant le SO 2.
Pour acclimater les levures, Marina Bely, maître de conférences à la faculté d'oenologie de Bordeaux, préconise de faire un pied de cuve avec un moût destiné à faire un vin sec, conservé au froid, contenant environ 200 g/l de sucre, et d'un volume équivalent à 5 % du volume de la cuve à ensemencer. Après 24 heures, ce levain est ajouté dans la cuve. Selon elle, cette technique permet de réduire de 20 % la production d'acidité volatile. Marina Bely a aussi montré qu'un apport d'azote, en même temps que les levures, permet de réduire de 40 % l'acidité volatile sur des moûts contenant 350 g/l de sucre. Mais attention, cet effet azote sera moins marqué dans les moûts très sucrés. Une addition plus tardive est moins efficace et peut conduire à un effet inverse.
Selon Marina Bely, la concentration optimale des moûts en azote est de 190 mg/l. Elle conseille aussi l'ajout de thiamine, toujours avant le départ en fermentation, et la chaptalisation le plus tard possible. Quant aux températures optimales de fermentation, elles se situent entre 20 et 22 °C.
Dernière opération spécifique des vins liquoreux : le mutage pour stopper la fermentation. En général, il se fait après refroidissement et soutirage. Le moment est décidé en fonction de l'équilibre sucre-alcool et la dégustation. Le test de mutage permet de déterminer la dose de SO 2 à rajouter. S'il met en évidence une forte combinaison, il est conseillé de filtrer avant de muter. S'il n'y a pas de combinaison, le vigneron pourra envisager un élevage sur lies, surtout si elles sont fines. Cette pratique, qui se développe dans le Bordelais, augmente le gras et le volume en bouche.



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