Le black-rot se manifeste à l'est, la cicadelle de la flavescence dorée s'étend vers le nord et Metcalfa pruinosa vers l'ouest. Le climat, les pratiques phytosanitaires ou les échanges de matériel végétal expliquent ces phénomènes.
'Le changement est la règle. Rien n'est figé. Demain comme hier, il nous faudra composer avec de nouvelles réalités ', s'est exprimé Laurent Panigai, du CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne), lors de la journée Vignoble et qualité, le 25 mars dernier à Chouilly (Marne). Ces dernières années ont été marquées par l'extension géographique de certaines maladies et ravageurs. Les vignerons se sont parfois laissé surprendre.
C'est le cas pour le black-rot. ' Cette année, nous observons une généralisation, en faible quantité, de la présence de black-rot alors qu'avant, il était pratiquement inexistant. C'est un phénomène un peu nouveau depuis deux à trois ans. Nous devons sensibiliser les vignerons à sa reconnaissance ', constate Hervé Joulain, du Groupement départemental de développement viticole d'Anjou.
Les Champenois devront également apprendre à l'identifier. Apparu dans leur région en 2002, il reste localisé sur une commune de l'Aube. En Gironde, dans le Beaujolais et dans le Centre, il progresse. Dans le Muscadet, de grosses sorties ont été notées entre le 29 mai et le 8 juin 2003.
A Cognac, Patrice Rétaud, de la Protection des végétaux, confirme la remontée du black-rot. Selon lui, plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Il y a d'abord la climatologie. ' Les mois de mai pluvieux favorisent les contaminations. ' Puis le fait que le black-rot est capable de contaminer la vigne avant le mildiou. Or, ' les vignerons n'ont pas l'habitude d'entamer une protection spécifique black-rot avant celle contre le mildiou '. Il y a également l'apparition de nouvelles matières actives antioïdium déficientes sur black-rot. ' Avant, les vignerons utilisaient des IBS, très actifs sur le black-rot pendant l'été. Maintenant, ils ont à leur disposition d'autres produits, comme la spiroxamine ou le quinoxyfen, excellents sur oïdium, mais laissant passer le black-rot . ' Enfin, certains négligent la prophylaxie.
Les viroses font également parler d'elles. Le court-noué et l'enroulement progressent au fil des ans dans l'ensemble des vignobles. ' Les viroses sont présentes depuis longtemps mais, ces dernières années, les symptômes ont été très marqués ', constate Marc Fuchs, de l'Inra de Colmar. Plusieurs facteurs en sont la cause. La lutte contre les nématodes du court-noué reste d'une efficacité aléatoire. Les cochenilles qui transmettent l'enroulement étaient éliminées par les traitements d'hiver. Or, ces produits ne sont plus homologués. ' Y a-t-il une relation de cause à effet ? C'est possible ', remarque Marc Fuchs. Bois et plants sont l'autre voie de dissémination , ' non négligeable malgré les efforts de certification '. Elle est renforcée par la sélection massale, qui connaît un nouvel engouement. Lorsqu'elle n'est pas suivie par une sélection sanitaire, elle peut favoriser la dissémination des viroses.
N'oublions pas que les conditions climatiques et l'encépagement jouent un rôle sur l'extériorisation des maladies virales et accentuent l'impression de progression. Les printemps pluvieux, suivis d'automnes avec des températures douces le jour et fraîches la nuit, sont favorables à l'expression de l'enroulement. Quant au court-noué, les printemps pluvieux et frais le favorisent.
La flavescence dorée n'est pas en reste. Elle s'étend géographiquement en Savoie, dans le sud de la Drôme et dans la région Midi-Pyrénées, à Cahors et à Moissac. Depuis la mise en place de la lutte obligatoire, elle est maîtrisée à l'intérieur des périmètres où la lutte s'applique. Là, les taux de contamination régressent. La cicadelle qui la dissémine progresse vers le nord. ' Elle parcourt, en moyenne, 10 km par an ', admet Jean-Michel Trespaillé-Barrau, de la Protection des végétaux du Languedoc-Roussillon.
Il y a dix ans, elle se cantonnait au sud d'une ligne allant de Cognac (Charente) à Tain-l'Hermitage (Drôme). Aujourd'hui, on la retrouve en Bourgogne, dans le Jura, de manière sporadique dans les vignobles de la région Centre et dans le sud des Pays de la Loire. Sa présence a été confirmée en 2002 en Anjou, mais elle n'a pas été détectée dans le Muscadet et en Vendée. Elle est absente en Champagne, en Alsace et dans le nord des Pays de la Loire. Cette progression de la cicadelle de la flavescence dorée peut être due à son introduction accidentelle par le matériel végétal, dans des régions où le réchauffement climatique lui procure des conditions d'implantation plus favorables.
Le bois noir, autre jaunisse à phytoplasmes, évolue également. En 2002, il a été détecté dans toutes les régions de manière parfois importante. Depuis 2001, il progresse en Aquitaine et en Charentes, au détriment de la flavescence dorée.
Du côté des ravageurs, ' la cicadelle verte est de plus en plus fréquente ', signale Benoît Herlemont, expert vigne à la Protection des végétaux. En 2002, des infestations tardives occasionnant des grillures importantes ont été notées en Champagne, dans le Bordelais, en Bourgogne, en Auvergne et en Cognaçais. En Anjou-Touraine, elle est devenue le deuxième ravageur le plus important, après la cochylis. Si le réchauffement climatique est l'une des causes de cette extension, l'utilisation d'insecticides à moins large spectre dans la lutte contre les vers de la grappe ou contre la cicadelle de la flavescence dorée en est une autre. Au cours de l'année 2002 s'est ajouté un autre phénomène : l'absence de traitements contre les tordeuses dans certaines situations au vu de leur discrétion.
Une autre cicadelle colonise de nouveaux horizons, Metcalfa pruinosa. Elle est apparue pour la première fois, en France, en 1986 du côté de Marseille. Depuis, elle a investi l'ensemble des départements de l'arc méditerranéen et progresse en vallée du Rhône, dans le Sud-Ouest. En 2001, elle s'est installée en Gironde où elle s'étend. ' Il s'agit d'une progression naturelle et Metcalfa s'implante là où les températures lui conviennent ', précise Benoît Herlemont.
' Si certains parasites de la vigne sont effectivement en extension géographique, il est encore trop tôt pour savoir s'il s'agit d'une tendance de fond qui se poursuivra dans les années à venir, poursuit-il. Nous disposons souvent d'une stratégie de lutte adaptée contre ces nuisibles et bien qu'ils progressent, leur pression reste, en général, contenue dans les zones déjà atteintes . ' Reste à ne pas retomber dans la lutte d'assurance, comme le rappelle Laurent Panigai.