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Le non-levurage, une surveillance de tous les instants

La vigne - n°146 - septembre 2003 - page 0

Les levures indigènes semblent connaître un regain d'intérêt. Les viticulteurs qui comptent sur elles prennent de multiples précautions pour éviter ou repérer à temps toute déviation. Quant aux oenologues, ils prônent l'emploi des levures sélectionnées, plus sûres.

Les pratiques naturelles et les tendances bio sont à la mode ; le non-levurage est sur le devant de la scène. De plus en plus de viticulteurs font confiance aux levures indigènes présentes sur leurs baies ou sur leur matériel. Pierre-Luc Alla, gérant du château de Saint-Pey, à Saint-Pey-d'Armens (Gironde), ne levure pas pour des questions de philosophie : ' Je travaille en écodynamie. Je n'utilise pas de produits de traitements systémiques, ni de désherbants, et je fabrique mon engrais vert. Ne pas levurer est dans la continuité de ce travail. C'est une pratique naturelle qui permet une meilleure expression du terroir. '
Avec des techniques de vinification adaptées, Pierre-Luc Alla n'a pas de problème de départ en fermentation et très peu d'arrêts.
Une semaine avant les vendanges, il récolte la quantité nécessaire pour constituer un pied de cuve de 30 hl. La cuve part lentement en fermentation alcoolique et, après une semaine, elle en a effectué environ 20 %.
Les vendanges ont lieu lorsque les baies ont atteint 12 à 12,5 degrés d'alcool potentiel. Les raisins sont récoltés le matin et en fin de journée pour pouvoir être rentrés ' froids '. La récolte est transvasée dans des cuves en béton revêtu, où elle est sulfitée à raison de 5 g/hl. Les cuves étant thermo-régulées, la vendange est maintenue à 15°C pendant deux à trois jours. Cette macération préfermentaire à froid permet ensuite une meilleure gestion de la fermentation.

Après cette phase, Pierre-Luc Alla ensemence ses cuves avec son pied de cuve. Les premières effectuent leur fermentation en dix jours, les dernières en trois jours. Tout au long de la transformation alcoolique, le viticulteur suit ses cuves toutes les quatre heures afin d'éviter les arrêts. Il effectue des remontages, allant de la moitié du volume au volume total. Lorsque le chapeau de marc est trop dur, il recourt au délestage des deux tiers du volume, ou casse le chapeau à coups d'injection d'azote. Après la fermentation, ' afin de développer la structure du vin ', Pierre-Luc Alla prolonge la macération, à chaud cette fois : deux semaines à 35 °C.
' Avec les levures naturelles , témoigne Pierre-Luc Alla, le goût du vin est beaucoup plus minéral. D'un point de vue technique, les cuves démarrent mieux qu'avec des levures industrielles. La poursuite de la fermentation s'effectue de la même façon avec les deux types de levures. L'utilisation de ma flore indigène permet la création d'un équilibre. Le vin n'a pas de problème lié aux levures, comme en témoigne la volatile finale, généralement comprise entre 0,39 et 0,45. J'obtiens un vin équilibré, qui retranscrit l'esprit de son terroir d'origine. '
En Côtes du Rhône, à Châteauneuf-du-Pape, de plus en plus de viticulteurs ont recours à la flore de leur terroir. Daniel Coulon, du domaine de Beaurenard, est l'un d'eux. ' Au départ, je voulais utiliser mes levures indigènes pour avoir un goût de terroir plus marqué . ' Pour cela, il a reconstruit son chai en 1988 et l'a équipé de cuves en Inox. ' L'hygiène y est parfaite, ce qui me permet de travailler avec mes levures naturelles. ' L'utilisation de flore indigène est dans la continuité du travail effectué dans les vignes. ' Nous sommes en viticulture raisonnée , argumente Daniel Coulon. Nous vendangeons et trions nos raisins à la main. Les levures naturelles permettent de respecter ce travail ; elles amènent davantage de typicité . '

Avant de choisir ce mode de vinification, il a effectué des essais avec des LSA d'un côté, et des levures naturelles de l'autre. ' Je n'ai jamais remarqué un plus analytique ou gustatif avec les LSA , dévoile-t-il. Comme tout se déroule bien avec les indigènes, je ne vois pas d'intérêt à ne pas les employer . ' Pour ce viticulteur, utiliser ses propres levures comporte un autre avantage. ' Je cherche à avoir une fermentation alcoolique assez lente pour obtenir une bonne complexité aromatique, ce qui est le cas avec la flore indigène . '
Les raisins sont récoltés à un degré d'alcool potentiel de 12,5 à 16,5. Les premiers rentrés macèrent quatre à cinq jours à 25°C avant leur départ en fermentation, dans des cuves sulfitées à 4 g/hl. La fermentation dure environ huit jours à 28 °C. Pour être certain d'avoir extrait tout le sucre contenu dans le marc, Daniel Coulon laisse encore ses raisins cinq à six jours en cuve. En règle générale, il n'a pas besoin d'apporter de nutriments à ses levures. Sinon, il utiliserait un mélange de thiamine et d'azote.
Tout comme chez Pierre-Luc Alla, les vins du domaine de Beaurenard ont une bonne volatile finale, à savoir de 0,40 à 0,45, pour un degré naturel de 14,5 en moyenne.
Mais ne pas levurer implique un bon sulfitage, une hygiène rigoureuse et de nombreux contrôles. ' Avec des levures indigènes, on ne maîtrise pas grand-chose , témoigne Sylvie Colas, du laboratoire Inter-Rhône. On prend le risque que la fermentation alcoolique ne se termine pas ou soit irrégulière, si le pouvoir alcoogène des levures n'est pas bon. En outre, des souches peuvent se développer et donner de faux goûts. Mais une bonne hygiène et de la rigueur permettent d'obtenir de bons résultats avec ce type de levures . '
De l'avis des oenologues, l'utilisation des LSA reste tout de même plus sûre. Leur action est connue, tout comme leur impact sur le goût du vin, elles sont faciles à contrôler et elles assurent un bon déroulement de la fermentation.



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