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Les arômes de la malo

La vigne - n°147 - octobre 2003 - page 0

La fermentation malolactique a une incidence remarquable sur le plan aromatique. Le vin acquiert d'abord des notes beurrées, puis grillées, en vieillissant. Par ailleurs, les bactéries lactiques accélèrent la prise du bois.

En même temps qu'elle consomme l'acide malique, OEnococcus oeni, la bactérie de la malo, absorbe d'autres éléments du vin. Elle les dégrade en composés plus ou moins odorants. Le plus connu est le diacétyle, issu de la dégradation de l'acide citrique. Son odeur de beurre frais est bien reconnaissable dans le vin blanc, où le seuil d'identification est plus bas que dans le vin rouge : 2 mg/l contre 8 mg/l. Par la suite, cet arôme peut diminuer, voire disparaître, ce qui est parfois recherché. Les dégustateurs y sont plus ou moins sensibles. De ce fait, ils l'apprécient ou non. Certains d'entre eux perçoivent même du beurre rance...
L'importance du diacétyle est telle qu'on le soupçonne de cacher d'autres arômes. Ce masquage olfactif pourrait expliquer la diminution du caractère végétal après la malo. Malheureusement, il serait également souvent responsable d'une légère perte de perception fruitée. Notons que la baisse d'acidité due à la malo contribue, elle aussi, à diminuer l'impression de fruité. A ce titre, la sélection de bactéries exprimant davantage de fruit intéresse les vinificateurs.

En fait, le diacétyle est loin d'être le seul responsable de la complexité aromatique résultant de la malo. Il aura fallu plusieurs thèses au laboratoire de chimie analytique de la faculté d'oenologie de Bordeaux pour démontrer comment la bactérie ingère des acides aminés soufrés et excrète des composés soufrés odorants, notamment celui qui rappelle le rancio ou la prune : l'acide 3 méthylsulfanyl propionique. ' Le mécanisme mis en jeu est très proche de ce qui se passe lors de l'affinage des fromages. Il aboutit à la formation d'odeurs lactiques plus ou moins agréables, évoquant parfois certains fruits ou même le chocolat ! ', constate Gilles de Revel, maître de conférences.
Et le travail des micro-organismes ne s'arrête pas là. Alors que la fermentation malolactique affaiblit souvent le fruité des vins, les dégustations ont montré qu'au contraire, elle révèle, dans certains cas, les arômes primaires de sauvignon, de cabernet-sauvignon et de merlot. ' Ce mécanisme d'ex- pression des arômes variétaux par les bactéries lactiques existe, mais il n'a pas encore été expliqué dans le vin. C'est une nouvelle piste de recherche. '
On ne fait pas la malo en barriques pour le plaisir, car c'est beaucoup plus compliqué que de descendre le vin en fût après la seconde fermentation. En fait, si on observe un net retour de cette technique, c'est que le boisage est plus rapide et que les vins sont prêts dès février-mars pour les dégustations en primeurs. Ils ont alors des arômes flatteurs de bois, de vanille, de noix de coco. Au cours du passage du vin en barriques, il y a transformation des précurseurs, les phénols du chêne, en molécules beaucoup plus petites, donc volatiles, qui sont les arômes du bois de chêne. ' Le métabolisme des bactéries lactiques permet de concentrer la vanilline (vanille), la whiskylactone (coco) et l'eugénol (épices) ', explique Gilles de Revel.

Les notes grillées, torréfiées et toastées apparaissent plus tard, lorsque les composés carbonylés (diacétyle notamment) produits par la malo réagissent avec des acides aminés. La seconde fermentation génère donc des précurseurs d'arômes de vieillissement qui, par réaction chimique, donnent ensuite des odeurs caramélisées. Si elle est systématique pour l'élaboration des rouges, en revanche, elle ne fait pas partie intégrante du schéma de vinification de tous les blancs ou des rosés. En Alsace, par exemple, ' on ne veut pas des goûts lactés et fermentaires de la malo qui masqueraient les arômes du cépage ', explique Arnaud Immelé, oenologue à Westhalten (Haut-Rhin).
Mais en Bourgogne, depuis fort longtemps, la malo fait des merveilles sur le chardonnay et elle est généralisée. ' La plupart de nos chablis ne passent pas en tonneaux, malgré ce que croient certains dégustateurs. C'est vrai qu'au bout d'un an ou deux, ils développent des notes de beurre, de vanille, de fruits exotiques ou d'agrumes. Il faut attendre quatre à cinq ans avant que le toasté apparaisse ', observe Sylvain Mosnier, vigneron à Beines (Yonne). A coup sûr, la trace du passage d'une population d' OEnococcus oeni.

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