ImprimerUn clos planté à 1 286 m d'altitude redonne vie à une tradition viticole disparue. Il produit un blanc aromatique que les amateurs s'arrachent.
Fin août, alors que les vendanges ont commencé dans la plaine du Roussillon, la vigne du clos Cal Mateu, à Sainte-Léocadie (Cerdagne), arrive au stade véraison. ' Elle n'a pas souffert de la sécheresse. En montagne, il y a souvent des orages l'été ', souligne Marc Guisset, l'un des techniciens qui en prend soin.
Installée à 1 286 m d'altitude sur un terroir de schistes et de granite, la parcelle appartient à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales. Plantée en 1984, elle compte 450 pieds de riesling, de chasselas et de muscat à petits grains. ' Au début des années 80, la plus haute vigne d'Europe continentale se situait en Suisse. Lorsqu'elle a été arrachée pour construire une station de ski, nous avons décidé de reprendre le flambeau. Pas pour détenir un record, mais pour réussir le défi de produire un vin de qualité en montagne ', raconte Jean-René Camo, président de la chambre d'agriculture à cette époque.
Le plateau cerdan, froid l'hiver et chaud l'été, est très ensoleillé. ' Les cépages sont à cycle court, le raisin a le temps de bien mûrir. Nous vendangeons début novembre, avant les premières gelées. La vinification se fait à la station expérimentale de Tressere, dans la plaine du Roussillon, à 152 m d'altitude. Les vins obtenus font entre 11 et 12° sans chaptalisation, et présentent une acidité supérieure à 4 g/l. La vigne manque un peu de chaleur pour produire beaucoup, et le rendement ne dépasse pas 20 hl/ha. Mais le vin est excellent ', explique Marc Guichet, responsable de cette vigne à la chambre d'agriculture.
La période la plus délicate se situe au printemps, car le gel peut sévir jusqu'en mai. ' Le site est abrité des coulées d'air froid et bien exposé. Sur les jeunes plants, nous avons constaté un peu de mortalité. Mais une fois installée, la vigne résiste bien. Pour limiter les risques, nous retardons la taille jusqu'en mars . '
Les parasites spécifiques étant absents, les risques phytosanitaires sont réduits. Les ravageurs les plus redoutables sont les lapins et les oiseaux.
Ce vin de Cerdagne est commercialisé tous les ans en août, lors d'une vente publique. En 2003, les 340 bouteilles du millésime 2002 se sont arrachées à 15 euros/col, un bon prix pour un vin de table. Les amateurs ne manquent pas. Les Cerdans sont fiers de leur vin. Les restaurateurs locaux aimeraient en avoir plus. Mais l'objectif n'est pas de développer la production. ' En créant ce clos, nous avons simplement voulu redonner vie à un vignoble ancien ', affirme Jean-René Camo.
En Cerdagne, les vignes cultivées dans un but commercial ont disparu depuis plus de trois siècles. Mais des écrits attestent de la présence de la vigne depuis le VII e siècle. ' L'évêché d'Elne, dans la plaine, possédait des terres en montagne, dont le fermage était payé en vin. A cette époque, le climat, plus chaud, convenait mieux à la vigne. ' Aujourd'hui, de cette histoire, il reste des noms de lieux-dits, comme Prat Vignal, et quelques treilles dans les cours des mas. Adossées à des murs bien exposés, elles produisaient le vin de la famille, une tradition qui pourrait, elle aussi, se réveiller.