2003 a balayé toutes les références en terme de précocité. Selon les spécialistes du climat, ce pourrait être l'illustre exemple de ce qu'il adviendra dans le futur avec l'effet de serre. A moins que cela ne reste une exception.
Démarrer les vendanges début août, de mémoire de vignerons, on n'avait jamais vu ça. Quant aux températures caniculaires de plus de 40°C, elles resteront aussi dans les annales. Bref, pour tous les professionnels, 2003 fut exceptionnelle. Le restera-t-elle ? Plusieurs spécialistes planchent sur le sujet. Leurs constats sont là. ' Ces dix à quinze dernières années, en France métropolitaine, la température a augmenté de 0,5 à 1°C selon la région et la période ', avance Bernard Seguin, directeur de recherches à l'Inra d'Avignon. Et ces changements ont des conséquences sur les cultures. ' Ils se traduisent par des avancées des stades phénologiques. Les dates de floraison ont progressé de deux à trois semaines en trente ans, aussi bien pour la vigne que pour les arbres fruitiers. Les dates de vendanges ont aussi avancé : de presque un mois en cinquante ans, dans le Médoc et les Côtes du Rhône ', poursuit-il. Ces changements annoncent-ils un réchauffement climatique, ou sont-ils le reflet de fluctuations normales des températures ? Difficile de répondre, car tout le monde se souvient de 1976, année de sécheresse. Et si on remonte dans le temps, on s'aperçoit que bon nombre d'étés chauds ont marqué l'histoire. Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur au collège de France, les a même recensés dans un livre (1). Il y évoque l'été 1351 où les vendanges furent précoces, le vin en faible quantité, mais excellent, ou encore les canicules de 1718 et 1719 qui firent 700 000 morts. ' Il y a toujours eu des fluctuations de températures, mais l'ampleur et la rapidité des changements de ces dernières années n'ont pas d'équivalent ', déclare Bernard Seguin. Les spécialistes du climat proposent plusieurs scénarios d'évolution. Le plus pessimiste prévoit, pour la fin de siècle, une augmentation de 3 à 4°C sur l'ensemble de la France en raison de l'effet de serre. Pure science-fiction ? Selon Bernard Seguin, ' 2003 répond presque aux projections futures. C'est l'illustration même de ce que prévoient les spécialistes pour la fin de ce siècle '.
Le réchauffement serait donc en marche, car ' depuis quelque temps, rien ne va à l'encontre de nos inquiétudes par rapport à l'effet de serre : la température moyenne augmente, les étés sont plus chauds et associés à une sécheresse, les orages d'automne sont plus dévastateurs ', prévient Bernard Seguin. ' Malgré cela, on survit et la vigne aussi . ' Et de fait, les vignerons se sont adaptés à la précocité et la sécheresse : réorganisation des équipes en urgence, modification des circuits et des horaires de récolte, recherche de froid, adaptation des vinifications... Comme le signale un oenologue des Côtes du Rhône, ' en 2003, réactivité, oubli des habitudes et adaptation furent les maîtres mots. '