Le château de l'Aubrade, situé en AOC Bordeaux, Bordeaux supérieur et Entre-deux-Mers, est la propriété du Gaec Lobre. Forte d'une gestion très serrée, la famille fait face à la crise.
Lorsque Jean-Pierre et Paulette Lobre s'installent à Rimons (Gironde) en 1974, ils achètent leurs 14 ha à crédit. Plus de trente ans après, la bonne santé financière de leur exploitation leur a permis d'y accueillir deux de leurs fils et de transformer le domaine en Gaec. Cette évolution est le fruit des diverses stratégies de développement mises en place par le couple, et surtout de leur grande rigueur financière.
' Dès le départ, explique Jean-Pierre Lobre, nous nous sommes fixés une ligne stratégique, et nous nous y sommes toujours tenus . '
Ainsi, dès son arrivée sur la propriété, le couple choisit de se dédier uniquement à la viticulture, malgré la tendance régionale à la polyculture. Lors de la restructuration du vignoble de 1981, il en profite pour mettre en place de grandes parcelles homogènes et d'un seul tenant. ' Nous avons planté environ 8 ha, se souvient Jean-Pierre Lobre. Nous avons choisi d'avoir des parcelles étendues, d'un espacement interrang constant de 3 m et constituées d'un seul cépage. Cette disposition est plus pratique et plus rentable que des parcelles hétérogènes. Depuis, nous avons conservé cette orientation, en dépit des différentes modes relatives à la densité . ' Les parcelles sont faciles à gérer, ce qui permet de réaliser des économies.
Un autre choix stratégique de départ a consisté à conserver la répartition initiale des couleurs. La famille possède actuellement 16 ha en AOC Bordeaux blancs et Entre-deux-Mers, et 48 ha de Bordeaux rouge, de Bordeaux supérieur et de rosé. Elle a toujours conservé ses blancs malgré les cours. Quand ils ont chuté, la famille n'a pas arraché, car ' lorsqu'on plante de la vigne, c'est pour cinquante ans, constate Jean-Pierre Lobre. C'est un lourd investissement auquel il faut se tenir. ' Grâce à des subventions, les Lobre ont même choisi ce moment-là pour investir dans un appareil de filtration et un groupe de froid. Cela leur a permis de bien maîtriser les températures de vinification des blancs, et donc d'obtenir des vins de qualité. De ce fait, même au plus fort de la crise des blancs, ils les ont toujours vendus au-dessus de 760 euros/tonneau de 900 l. Lorsque les cours sont remontés, ils en ont profité, contrairement à beaucoup de leurs voisins.
Sur le plan commercial, leur stratégie est celle de la diversification. Paulette Lobre est responsable des ventes du Gaec. Sur une production de 3 800 hl/an, elle vend une partie en bouteilles et l'autre en vrac. Lorsque les cours du vrac sont trop bas, la famille le stocke, la trésorerie étant assurée par les ventes en bouteilles. ' Cette diversité permet de ne pas trop peiner quand l'un ou l'autre des circuits va moins bien ', indique Paulette Lobre.
Mais le principal facteur de réussite de cette famille est leur grande rigueur financière. La philosophie de Jean-Pierre Lobre étant d'' éviter d'aller trop vite afin de ne pas avoir à revenir en arrière ', la croissance de l'exploitation s'est faite doucement, mais régulièrement. Chaque compte est passé au crible et chaque achat ou investissement est mûrement réfléchi.
Le partage des tâches entre les fils est clair : Jean-Christophe est à la cave et Gérard à la vigne. Ainsi, l'un des deux est toujours là pour encadrer les ouvriers, d'où une meilleure productivité. La main-d'oeuvre est employée moins de cent jours par an, afin de bénéficier de charges sociales allégées.
Par ailleurs, la famille essaie au maximum de ' faire les travaux à temps, confie Jean-Pierre, sinon, on perd plus de temps et d'argent '. De plus, le Gaec limite au maximum les interventions extérieures : Jean-Pierre a construit lui-même ses chais et entretient le matériel.
Quant aux investissements, ils sont souvent étalés sur plusieurs années et autofinancés, afin de ne pas trop peiner si les cours s'effondrent subitement. L'autofinancement est possible grâce à la gestion raisonnable du couple.
Autre force : le Gaec a toujours été suivi par l'Enita pour la comptabilité. Par exemple, l'Enita réalise des comparaisons entre plusieurs exploitations viticoles de la région.
Une année, la famille Lobre s'est ainsi rendue compte qu'elle dépensait beaucoup plus que ses voisins dans l'embouteillage. Elle a ainsi décidé de ne plus laisser le soin à l'embouteilleur d'acheter bouchons, bouteilles et capsules, mais de le faire elle-même. Une économie importante ! Aujourd'hui, ses coûts de production sont inférieurs de 25 % à ceux des voisins.
Autre bénéfice : la connaissance approfondie que le comptable a de l'exploitation leur a permis, au bon moment, de passer en EARL in extremis afin de payer moins d'impôts. Puis, avec leurs deux fils, les Lobre ont constitué un Gaec. ' Nous avons toujours été bien conseillés ', résume Paulette Lobre.
Pour le futur, Paulette Lobre estime qu'' il faudra continuer à améliorer l'équilibre économique de l'exploitation, bien maîtriser les ventes au négoce et développer les ventes en bouteilles '.