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Des racines forcées de plonger

La vigne - n°149 - décembre 2003 - page 0

Contrairement à une idée reçue, la concurrence entre l'herbe et la vigne s'exerce pour l'azote, et non pour l'eau. Elle entraîne une baisse de vigueur dont bénéficient les grappes. Elle force les racines à explorer les horizons profonds.

L'enherbement concurrence la vigne. Les racines de l'herbe colonisent les horizons superficiels. Quand elle le peut, la vigne s'adapte en explorant les horizons profonds du sol. Bien des vignerons s'en réjouissent : ' Dans certaines parcelles, l'enherbement a favorisé l'enracinement profond de la vigne et l'a rendue plus résistante à la sécheresse ', déclare Didier Vazel, du domaine de Brize (Maine-et-Loire). Mais dans les sols superficiels, c'est impossible.
La première conséquence de cette concurrence est de réduire la vigueur de la vigne. Elle baisse dans des proportions qui dépendent de l'agressivité de l'espèce implantée et de la richesse du sol sur lequel la parcelle est établie. La plupart des espèces commercialisées sont des graminées. Parmi elles, on trouve, par ordre croissant de concurrence, la fétuque rouge, le pâturin des prés, le ray-grass anglais et la fétuque élevée. En sols lourds, l'effet du pâturin ou du ray-grass est proche de celui de la fétuque élevée. En général, ces variétés de graminées sont vendues en mélanges, de niveaux de concurrence variables.
Pour doser l'effet d'un engazonnement, on peut également jouer sur la surface enherbée. Pour Eric Chantelot, de l'ITV, ' l'enherbement un rang sur deux est une voie satisfaisante, qui permet d'avancer progressivement. C'est plus sûr vis-à-vis de la vigueur, et plus facile d'un point de vue économique '.

D'après l'ensemble des travaux réalisés par l'ITV et différentes chambres d'agriculture, l'effet dépressif de l'enherbement diminue quatre à cinq ans après son implantation. La vigne peine la première année, car elle utilise une grande partie de ses réserves pour la mise en place d'un système racinaire profond. Une fois adaptée, elle souffre moins de la présence de l'herbe. Une meilleure minéralisation de la matière organique explique également les regains de vigueur. Cependant, les horizons profonds étant moins fertiles, la vigueur reste inférieure au témoin entièrement désherbé.
Une baisse des rendements est corrélée au recul de la vigueur. Mais, précise Eric Chantelot, ' elle n'est pas proportionnelle. Dans un sol fertile, c'est-à-dire plutôt riche en azote et en eau, elle sera moins importante que dans un sol peu fertile. Une baisse de vigueur de 50 % provoquera une baisse de rendement de 10 à 20 % dans le premier, et de 40 % dans le second '. La réduction du rendement tient surtout à une baisse du nombre de grappes par souche. A cela s'ajoute une diminution de la végétation secondaire. Il y a moins d'entre-coeurs. Le feuillage est moins entassé. Les grappes, moins abondantes, sont mieux aérées et bénéficient d'un meilleur microclimat. Leur état sanitaire et leur maturité sont améliorés.

La concurrence exercée par le couvert est principalement azotée. Les travaux de l'ITV montrent qu'avec un enherbement correctement tondu, les potentiels hydriques foliaires de base, indicateurs du niveau d'alimentation en eau, sont les mêmes, que les parcelles soient enherbées ou nues. Eric Chantelot ajoute qu'' aucun symptôme supplémentaire de sécheresse n'est observé sur une parcelle enherbée '. Cela s'explique, d'une part, par la capacité de la vigne à coloniser les horizons profonds et, d'autre part, par la baisse de l'évapotranspiration induite par la réduction de la végétation. Mais de nombreux conseillers restent prudents. ' Bien qu'un équilibre s'installe au niveau de l'exploration racinaire, il faut continuer à limiter au maximum la hauteur du couvert végétal pour restreindre sa consommation en eau ', estime Nathalie Goma-Fortin, de la chambre d'agriculture de l'Hérault.
Comme la vigne et l'herbe ne se disputent pas l'eau, le conseil de destruction du couvert en cas d'année sèche est remis en cause : ' En début d'été, c'est inutile, il est trop tard. L'herbe ne pompe presque plus rien. Puisqu'il s'agit d'une concurrence azotée, la destruction n'aura d'effet que l'année suivante ', précise Eric Chantelot.
L'enherbement peut, bien sûr, provoquer une baisse de vigueur trop forte. Il est donc conseillé de l'installer progressivement. Mais si la vigne était mise en danger, il suffit de détruire le couvert pour faire disparaître, au plus tard l'année suivante, l'effet dépressif. ' Le flash d'azote consécutif à la destruction provoque un regain de vigueur ', dit Eric Chantelot.

L'enherbement joue un rôle sur la sensibilité des parcelles au gel printanier. Le couvert végétal crée une couche isolante, qui limite le transfert nocturne de chaleur depuis le sol vers la vigne. Mais l'ITV a démontré qu'il n'y avait plus aucune différence de température au-delà de 30 cm au-dessus du couvert. Si l'enherbement est correctement entretenu, notamment par la fauche avant débourrement, il n'y a aucun risque de gelée supplémentaire. Pour les cordons bas dont les bourgeons sont situés 20 à 30 cm au-dessus du sol, un risque existe. Ainsi, en Champagne, ' l'enherbement est déconseillé dans les situations gélives ', explique Xavier Delpuech, des services techniques de l'interprofession, dont les mesures montrent des écarts de 0,5 à 0,8°C entre la vigne enherbée et le témoin.

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