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Bentonite gonflée : le collage coûte plus cher

La vigne - n°149 - décembre 2003 - page 0

Pour utiliser moins de bentonite, il est conseillé de la faire gonfler à l'eau. Elle réduit ainsi plus efficacement le risque de casse protéique. Cependant, elle génère plus de lies et donc de pertes de vins. Au final, elle coûte plus cher.

La centrifugation et la filtration ne protègent pas les vins de la casse protéique. Pour les blancs élaborés en cuve, le collage à la bentonite est le seul procédé peu onéreux et vraiment efficace. Dans la pratique, la bentonite peut être mélangée au vin à l'état sec. Elle peut également être mise à gonfler dans de l'eau avant son utilisation. Cette pratique courante lui confère une capacité d'élimination des protéines plus marquée, mais génère des lies plus volumineuses. Nous allons tenter de mieux comprendre son impact sur le vin et ses conséquences économiques.
Cette étude porte sur un sauvignon blanc sec d'AOC Touraine du millésime 2000. L'argile utilisée est la Volclay. Le vin est traité avec 20 à 100 g/hl de bentonite sèche et 10 à 80 g de bentonite gonflée, préparée à la concentration de 50 g/l d'eau du robinet, 24 h à l'avance.
La bentonite sèche est directement saupoudrée à la surface du vin, agité pour éviter les grumeaux. Les essais de collage sont réalisés au laboratoire, dans des éprouvettes en plastique graduées.
Quelle que soit la dose, on note une efficacité clarifiante plus marquée pour la bentonite gonflée. La comparaison des turbidités (NTU) montre que des traitements à 10 g/hl de bentonite gonflée et 100 g/hl de bentonite sèche donnent des clarifications quasiment identiques. En fin de clarification, les vins collés avec la bentonite sèche présentent des turbidités deux à trois fois plus élevées que les vins collés avec la bentonite gonflée. Les premiers présenteront donc une moindre filtrabilité.
La diminution régulière de la turbidité, lorsque la dose de bentonite augmente, répond à un modèle mathématique.

Dans la pratique, après 41 h de collage, on observe que la turbidité du vin chute de seulement 17 % quand on double la dose de bentonite non gonflée. Que l'on passe de 20 à 40 g/hl ou de 40 à 80 g, la chute de turbidité est toujours de 17 %. Pour la bentonite gonflée, après 41 h, le doublement de la dose provoque une diminution de la turbidité de 27 %. Pour clarifier le vin, la bentonite gonflée est nettement plus intéressante. Toutefois, le temps permet de compenser ces écarts. A doses égales, pour obtenir une même turbidité, il faut deux fois plus de temps avec la sèche.
Après collage, les vins sont centrifugés, puis filtrés. Les risques de casse protéique sont estimés par un test à la chaleur (deux jours à 55°C). La chute du risque de casse protéique est beaucoup plus rapide avec la bentonite gonflée qu'avec la bentonite sèche. D'après ce test, le vin étudié doit être traité avec 30 g/hl de l'une ou 60 g/hl de l'autre pour être stable sur le plan colloïdal.
La relation entre la stabilité protéique et la dose de bentonite répond également à une logique mathématique. Dans la pratique, chaque fois que la dose est augmentée de 10 g/hl, le risque de casse diminue d'environ 75 % avec la bentonite gonflée, et de seulement 30 % avec la sèche. Cela montre bien que la réduction du risque de casse protéique, critère capital pour le vinificateur, est beaucoup plus rapide que la chute de la turbidité.
La hauteur de lies est un paramètre important dans le choix d'une colle, puisqu'il traduit les pertes en vin, si les lies ne subissent pas de traitement ultérieur. Les collages ont été menés dans des bouteilles de 0,75 l donnant des valeurs plus précises que les éprouvettes. Les hauteurs de lies sont alors estimées au moyen d'une règle et converties en l/hl. Après trois semaines en bouteille à 12°C, le vin non collé reste trouble. Le volume de lies est donc normalement faible.
Pour obtenir un vin sans risque de trouble protéique, il faut 60 g/hl de bentonite sèche ou 30 g/hl de bentonite gonflée. Dans le premier cas, on obtient 0,83 l de lies par hectolitre, dans le second, 2,45 l. Ces chiffres sont probablement supérieurs à ceux qu'on aurait mesurés en cuve. Cependant, les écarts seraient les mêmes. Quel que soit le contenant, le volume de lies est trois fois plus faible avec la bentonite sèche.

Ces résultats permettent aussi d'étudier la relation entre la réduction du risque de casse colloïdale et le volume de lies. Pour la bentonite gonflée, le volume de lies augmente de 0,1 % quand ce risque diminue de 22 %. Pour la sèche, le volume de lies augmente de 0,1 % quand le vin diminue de 44 %. Pour une même perte de vin, le risque de casse protéique chute donc deux fois plus avec la bentonite sèche.
Sur la base de ces résultats, nous pouvons comparer le prix de revient d'un collage selon la préparation de la bentonite. Pour cela, nous avons considéré qu'elle coûte 0,69 euros/kg. Nous avons également tenu compte de l'augmentation du volume, du vin perdu dans les lies et du temps de travail. Pour des cuves de 200 à 300 hl, les lies sont de 50 à 60 % inférieures aux valeurs relevées en bouteilles. Avec 30 g/hl de bentonite gonflée et 60 g/hl de sèche, nous considèrerons avoir, respectivement, 1,22 l et 0,41 l/hl de lies. Le sauvignon de Touraine traité vaut 1,07 euros/l, en vrac. Le supplément de travail est estimé à 15 % lorsqu'on colle avec une bentonite gonflée, soit 2 h pour six cuves de 300 hl.

Pour 1 000 hl de vin collé et vendu en vrac, le coût du collage est de 700 euros avec la bentonite gonflée et de 413 euros avec la bentonite sèche. En utilisant cette bentonite non gonflée, on gagne donc 287 euros. Bien entendu, ce gain dépend du pouvoir gonflant de la bentonite. Celui de la Volclay est élevé. Si l'on employait une bentonite calcique, au pouvoir de gonflement plus faible, l'écart serait moindre. Nos comparaisons se poursuivent, car nous nous intéresserons également à l'influence du mode de préparation des bentonites sur les propriétés organoleptiques des vins, et sur leur filtrabilité après collage. Ces résultats seront disponibles fin 2004.

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