La petite récolte 2003 occulte, pour un temps, les problèmes de marché. Reste que les opérateurs sont conscients de la nécessité de baisser les coûts de production et d'entamer une réorganisation commerciale au sein de la coopération.
'Le vignoble du Beaujolais est l'un des premiers à être rentré dans la crise. C'est sans doute l'effet primeur ! ' Michel Bosse-Platière, nouveau président de l'interprofession, ne manque pas d'humour. Ce chef d'entreprise, à la tête d'un négoce qui fait presque le quart du marché du vrac, préfère les analyses pragmatiques aux verbiages politiques : ' Les années difficiles que nous avons traversées se sont soldées par des départs. Nous devons nous restructurer. '
Et pour bien enfoncer le clou, le responsable enchaîne : ' Il nous faut sortir des schémas du XIX e siècle et aller vers une viticulture moderne. Dans certains crus, on cultive jusqu'à 13 000 pieds/ha ! On sait que d'ici deux ans, les prescriptions environnementales vont rendre impossible l'utilisation des désherbants de prélevée. On ne va pas revenir à la pioche ! '
Le constat est partagé par la production. Louis Pelletier, directeur de l'Union viticole du Beaujolais (UVB), explique : ' 30 % de nos surfaces ont des pentes supérieures à 20 %. Le travail dans ces lieux est pénible, les coûts de production élevés. Vu la mévente, les exploitations en coteaux ont plus de mal à trouver des repreneurs que celles en plaines. Si nous ne réduisons pas nos coûts, nous courons le risque d'une délocalisation défavorable à la qualité . '
L'UVB souhaite l'autorisation de tous les modes de taille courte et l'abaissement des densités. A l'appui de sa demande, le syndicat avance des arguments écologiques : ' Avec une taille en gobelet, la vigne est au ras du sol. Le désherbage mécanique est quasiment impossible. Quant au désherbage chimique, les vignerons ont de moins en moins de matières actives à leur disposition. Les atouts de l'enherbement sont connus, en particulier dans la lutte contre l'érosion, mais cela suppose un matériel qui n'est pas utilisable dans nos conditions de production ', analyse Louis Pelletier.
Pour pouvoir enherber, l'UVB souhaite abaisser la densité à 6 000 pieds/ha. Dans les vignes en place, elle demande l'autorisation de passer, à titre transitoire, à 5 000 pieds/ha, ce qui permettrait d'arracher un rang sur deux, vu que la plupart des vignes sont plantées à 10 000 pieds. ' En contrepartie, pour les parcelles comprises entre 5 000 et 6 000 pieds, il y aurait une réduction du rendement de 17 % par rapport aux décrets ', précise Louis Pelletier. L'abaissement de la densité minimale serait couplé avec l'obligation de créer un plan de palissage, d'une hauteur minimale de 0,6 fois l'écarte- ment. Ces demandes ont été présentées au Comité national de l'Inao de novembre, qui a souhaité certaines modifications. Un nouveau projet de décret devrait lui être soumis en février.
Pour procéder à sa mutation, le Beaujolais dispose d'un moyen de taille : son Pida (plan intégré de développement agricole), lancé par les professionnels, l'Etat et le département à l'automne 2003. L'ensemble des investissements à réaliser s'élève à 22 millions d'euros, dont un tiers devrait être financé par des aides publiques. Le premier axe de développement vise à améliorer la qualité et la prise en compte de l'environnement. Il comprend notamment la création d'un poste de suivi de l'agrément, le recrutement de techniciens destinés à appuyer les coopérateurs, des programmes de recherche en oenologie... Le deuxième axe est consacré à la commercialisation: étude de consommation, création de pôle de rapprochement entre coopératives, embauche de cadres commerciaux intercaves, formation à la vente directe, étude prévisionnelle des marchés...
' Près de la moitié du programme est consacrée à des caves coopératives ', explique un proche du dossier. Les dix-huit caves du vignoble beaujolais assurent un tiers de la production. Elles représentent 8 % de la vente directe, mais 92 % de la vente au négoce. Plusieurs d'entre elles sont appelées à se développer, car les contraintes technico-économiques poussent de plus en plus de vignerons vers la coopération.
Depuis plus d'un an, la coopération du Beaujolais travaille sur son avenir. ' Nous sommes conscients de nos faiblesses , explique Jacques Nove-Josserand, président de la fédération. Il y a trop de petites structures et pas assez d'organisations commerciales. ' Deux axes de développement se distinguent. En premier lieu, la vente directe. ' Ceux qui veulent se lancer dans cette voie, ont tout intérêt à prévoir des rapprochements de façon à présenter toute la gamme ', déclare Jacques Nove-Josserand.
La seconde stratégie vise le marché du vrac. Neuf coopératives envisagent de créer une union. Elle totaliserait environ 250 000 hl de beaujolais générique, soit la moitié des transactions. De quoi peser, en toute sérénité... ' Le marché en amont est très spéculatif, affirme un responsable. Cela se traduit par des comportements irrationnels. On sait par expérience, qu'en Beaujolais, lorsque les stocks à la production s'élèvent à 400 000 hl, soit à peine 30 % d'une récolte normale, la production s'affole et vend à la baisse. Inversement, il suffit d'une petite récolte, comme cette année, pour que les cours prennent 30 % ! ' La coopération espère éviter de tels dérapages en créant une union de poids.