Pour éviter de déguster systématiquement tous les vins présentés à l'agrément, la Fédération viticole de l'Anjou va expérimenter l'agrément des exploitations. Celles qui réussiraient leur examen obtiendraient un certificat d'aptitude à la production d'AOC.
La morosité ambiante a gagné l'Anjou et le Saumurois. Les chiffres les plus alarmistes sur la consommation et sur la concurrence y circulent, colportés de toute part. Sans parler des programmes antialcool qui provoquent l'ire collective. Pourtant, lorsqu'on regarde de près le bilan de campagne dressé par l'interprofession, l'Anjou-Saumur affiche des résultats convenables au regard des autres régions. Les rosés, qui représentent un tiers de la production, tirent l'ensemble du vignoble avec une progression de près de 8 % en volume. Les trois appellations de rosés (Rosé d'Anjou, Cabernet d'Anjou et Rosé de Loire) ont le vent en poupe.
Parce que cette morosité persiste, certains tentent de redonner espoir à des collègues mal à l'aise commercialement, submergés par les papiers et excédés par la rigidité du système. Ainsi, Pascal Delaunay, vigneron à La Pommeraye (Maine-et-Loire) et secrétaire général de la Fédération viticole de l'Anjou, s'est penché sur le dossier complexe de l'agrément des vins.
En effet, l'agrément tel qu'il est organisé connaît ses limites. Dans toutes les régions, le constat est le même. Les dégustations de suivi en aval de la qualité le prouvent tristement : certains vins passent entre les mailles du filet. Or, l'agrément occupe 50 % du temps des agents de l'Inao dans un centre comme celui d'Angers. Il coûte cher aux vignerons. Il nécessite une mobilisation des professionnels pour que les séances de dégustations se tiennent dans de bonnes conditions. Bref, un système qui s'use.
Le contrôle des conditions de production à la parcelle doit favoriser un assouplissement. Dans sa réflexion, Pascal Delaunay pose deux postulats : le système doit être plus simple et il doit responsabiliser le vigneron. Son idée tient en quelques mots, mais s'avère plus complexe à mettre en oeuvre : il s'agit d'agréer non plus les vins, mais l'exploitation ou, plus exactement, de lui délivrer un certificat d'aptitude à produire des vins d'appellation.
Séduite par la proposition, la commission permanente de l'Inao a accepté que l'appellation Anjou-Saumur lance une expérimentation en 2004 sur une vingtaine d'entreprises viticoles (vigneron indépendant ou coopérative). Ces entreprises devaient être sélectionnées au début de l'année. La procédure débutera, pour le vigneron, par un travail de caractérisation de ses terroirs. ' Ce n'est plus d'effet millésime dont veulent entendre parler les consommateurs pour justifier des disparités de qualité. Ils veulent entendre parler d'effet terroir ', souligne Pascal Delaunay. Le vigneron devra choisir ses appellations en fonction de ses terroirs.
En Anjou-Saumur, on peut produire trois, quatre, voire cinq AOC sur une même parcelle. Il faudra donc élaborer un itinéraire technique dès la taille et se déterminer entre deux appellations. Cependant, pour conserver de la souplesse, en cas de conditions climatiques difficiles, il sera possible de se replier sur une autre AOC. Ainsi, sur une parcelle de cabernet franc, on pourra décider de produire de l'anjou rouge ou du cabernet-d'anjou par exemple, dont les rendements autorisés sont proches. Chaque parcelle devra être consignée dans un cahier d'exploitation où apparaîtra son numéro, son encépagement, son âge, la densité, la hauteur de palissage, les réserves en eau... Tous ces paramètres détermineront l'appellation qu'un vigneron pourra produire. Les différents travaux effectués seront notés sur un document que les agents de l'Inao pourront consulter.
Le vigneron devra aussi s'engager à respecter l'environnement. Il s'agit de suivre le référentiel établi il y a quatre ans par l'Inao, l'ITV et l'Onivins, en clair d'adopter la lutte raisonnée. Enfin, il faudra satisfaire à un minimum d'exigence en cave : cuverie, norme hygiène... ' Toutes ces mesures seront bientôt obligatoires pour tous. Il vaut donc mieux les anticiper ', justifie Pascal Delaunay.
Une fois l'exploitation prête, elle sera contrôlée par l'Inao, qui lui délivrera un certificat d'aptitude à produire de l'AOC pour cinq ans. Si tout se passe comme prévu, les premiers certificats devraient être délivrés au cours de cette année.
Ensuite, les vins seront agréés sans être dégustés. Lorsque le vigneron souhaitera agréer une cuvée, il enverra une demande à l'Inao et un échantillon dans un laboratoire d'analyse agréé. Les résultats parviendront à l'Institut qui délivrera le certificat d'agrément rapidement, dès le millésime 2004. Par sondage, les agents de l'Inao viendront prélever un échantillon que la cave aura mis de côté, afin de vérifier qu'il est identique au lot agréé. ' Avec ce système, on responsabilise le vigneron, tout en conservant l'idée du contrôle qui deviendra alors aléatoire ', explique Pascal Delaunay. Bien entendu, la proposition devra être testée dans la durée, pour vérifier qu'elle va bien dans le sens d'une amélioration. Certains vignerons sont sceptiques, ils accordent à la dégustation systématique plus de sûreté dans la délivrance du certificat d'appellation. En tout cas, si le système devait donner satisfaction, il faudra revoir la législation européenne qui impose de déguster chaque AOC.