Après le retrait de nombreuses matières actives, le travail superficiel du sol est de retour. Mais son intérêt financier est fortement corrélé à la densité de plantation des vignes et à la topographie de l'exploitation.
Il y a environ trente-cinq ans, le désherbage mécanique était abandonné au profit du désherbage chimique, en grande partie à cause de son coût de revient trop élevé. Aujourd'hui, avec le retrait des matières actives les moins onéreuses, le travail du sol est à nouveau d'actualité. En effet, la simazine qui, associée au diuron, avait un coût de 40 à 50 euros/ha, a été interdite. Le diuron seul a également été prohibé.
Et récemment, la terbuthylazine, dont le coût avoisinait 40 à 50 euros/ha, a été retirée de la vente. Seuls ses stocks peuvent être utilisés jusqu'en juin. Du coup, les seuls herbicides de prélevée, capables d'assurer un contrôle de la flore en une seule application, sont des produits chers, tels que le Katana (157 euros/ha, tarifs firmes) ou le Pledge (188 euros/ha). Si l'on ajoute le désherbant postlevée, la main-d'oeuvre et l'amortissement du matériel, le prix du désherbage chimique devient vite exorbitant.
Les firmes planchent sur des produits de remplacement. Mais pour 2004, seuls les viticulteurs ayant encore des stocks de terbuthylazine s'en tireront à un coût modéré. Les autres devront soit acheter des produits chers, soit se tourner vers des méthodes alternatives, telles que le désherbage mécanique qui s'avère être plus économique dans certaines situations.
L'ITV de Nîmes a réalisé une évaluation de ce coût pour des vignes ayant un interrang de 2,50 m. Dans cette étude, les prix du matériel sont issus des estimations du Bureau de coordination du machinisme agricole (BCMA), et ceux des produits du Coût des fournitures en viticulture.
Selon cette étude, le désherbage chimique des vignes larges nécessite, en moyenne, un passage de deux heures douze par hectare, soit 16 euros en main-d'oeuvre et 18 euros en matériel (amortissement et fuel du tracteur, amortissement du pulvérisateur). Si l'on prend un désherbant postlevée moyen, de type glyphosate, cela rajoute environ 30 euros/ha, soit un total de 235 euros/ha.
Selon l'estimation de l'ITV pour des vignes larges (interrang de 2,50 m) et faciles d'accès, le travail superficiel du sol est plus économique que le désherbage chimique ! Six passages d'outils sont pris en compte : trois avec des griffes et des lames bineuses interceps, et trois autres avec un rotavator, lui aussi associé à des lames interceps. Le passage des griffes, tout comme celui du rotavator, nécessite, en moyenne, une heure quarante par hectare, soit 74 euros en main-d'oeuvre et 128 euros en matériel. Le montant global est donc de 202 euros/ha, soit une économie de 30 euros/ha par rapport au tout chimique !
Ces résultats surprenants s'expliquent, entre autres, par le développement de nouvelles gammes de matériel. Ces dernières années, de nombreux outils interceps, plus rapides et performants, ont vu le jour. Le temps de passage s'en trouve diminué. De même, les outils interrangs possèdent, souvent, une option de recentrage sur le rang. L'utilisateur n'a plus à redouter les écarts de conduite et peut rouler plus vite.
Malgré cela, l'étude de l'ITV précise que la technique la moins onéreuse reste le désherbage chimique de postlevée en plein (170 euros/ha, en deux passages). L'enherbement, associé au désherbage de prélevée sur le rang, revient à peu près au même prix qu'un désherbage de prélevée en plein (230 euros/ha). La technique la plus chère serait l'association du désherbage mécanique de l'interrang et du désherbage chimique de prélevée sur la ligne de plantation (255 euros/ha). Cette dernière solution est la moins intéressante, car on combine le coût élevé de la main-d'oeuvre nécessaire au travail du sol à celui des désherbants.
Néanmoins, cette évaluation n'est valable que pour des vignes larges et planes, où le travail du sol est aisé. Dès que la situation se complique (coteaux, vignes étroites...), le désherbage chimique de prélevée est plus économique.
Une estimation de la chambre du Haut-Rhin dans le cas de vignes alsaciennes d'un interrang de 1,90 m (à une densité de 4 400 pieds/ha), situées en coteaux, le confirme.
Le désherbage chimique intégral de 1 ha nécessite deux passages, de deux heures cinquante chacun. Ici, deux passages sont pris en compte, car la chambre part du principe qu'il vaut mieux éviter les mélanges d'herbicides de prélevée et de postlevée. Dans de telles conditions, entre Pledge (188 euros/ha) et l'herbicide postlevée (23 euros), le désherbage chimique intégral revient à 361 euros/ha.
En désherbage mécanique, cinq passages de griffes et de lames interceps, de six heures chacun, sont effectués. Le travail du sol superficiel revient donc à 1 050 euros/ha, soit trois fois plus cher que le désherbage mécanique. Cette différence vient de la topographie des vignes : dans les pentes, le travail du sol nécessite plus de puissance, et donc de temps, que le désherbage chimique. Dans ce type de situation, il est plus intéressant économiquement d'avoir recours au désherbage chimique.
De son côté, le Groupe régional d'action contre la pollution par les produits phytosanitaires dans l'environne- ment (Grappe) de Bourgogne a réalisé une étude de coûts pour sa région. Elle donne des résultats intermédiaires aux deux situations précédentes.
Elle a été réalisée pour des vignes étroites d'un interrang de 1 m. Dans ce cas, ce n'est plus un tracteur interligne qui est utilisé, mais un enjambeur. Le Grappe considère qu'avec ce matériel, il est possible de désherber chimiquement six rangs à la fois. Le temps de passage à l'hectare est donc d'une heure. Le coût d'un prélevée étant de 188 euros/ha, celui d'un postlevée de 23 euros et du passage de 31 euros, cela fait un montant global de désherbage chimique de 242 euros/ha.
Par contre, en dépit du lancement d'une nouvelle génération d'enjambeurs, particulièrement adaptés au travail du sol, on ne peut désherber mécaniquement que trois rangs à la fois. Du coup, le Grappe compte un temps de passage d'environ trois heures. En considérant cinq passages de griffes et d'interceps hydrauliques conjoints, cela revient à 505 euros/ha, soit deux fois plus cher que le désherbage chimique. S'il était possible de désherber autant de rangs à la fois en mécanique qu'en chimique, les deux méthodes seraient équivalentes d'un point de vue économique. Mais, pour l'instant, le désherbage chimique reste plus économique, tant en situation de pentes que dans des vignes de haute densité.