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Goût de moisi, le retour

La vigne - n°151 - février 2004 - page 0

Comme les chloroanisoles, le tribromoanisole peut donner des goûts de moisi souvent identifiés comme des goûts de bouchons. Il dérive de produits employés comme fongicides ou ignifugeants. Le risque d'une contamination à grande échelle doit être envisagé.

Pour éviter le développement de goûts de moisi, dénommés à tort goûts de bouchon, les chloroanisoles (TCA), dérivés des chlorophénols, ont été bannis des chais. Ils ont été remplacés par des bromophénols, qui ont les mêmes propriétés ignifugeantes et fongicides, pour le traitement des bois, cartons...
En 2002, Francis Hesford, de l'Institut de recherche de Wädenswil (Suisse), jetait un pavé dans la mare, en démontrant que le tribromoanisole (TBA), dérivé du tripbomophénol (TBP), peut causer des goûts de moisi. Il avait fait cette découverte en analysant des vins ' bouchonnés ', alors qu'ils étaient bouchés par capsules à vis et ne contenaient pas de chloroanisoles.
Il fallait donc poursuivre les investigations. Au laboratoire Excell, à Mérignac (Gironde), Pascal Chatonnet a mis en évidence les seuils de détection du TBA : ' A partir de 4 ng/l de TBA dans un vin tranquille, un défaut de moisi devient perceptible à l'olfaction. En dégustation, une altération significative pourrait être discernable en deçà, car la rétro-olfaction abaisse les seuils de détection. Compte tenu des seuils de perception de cette molécule et de ses caractéristiques physico-chimiques, son potentiel de nuisance peut être assimilé à celui du TCA. ' Des traces de TBA peuvent donc suffire à contaminer sensiblement un vin.

La possibilité d'une contamination atmosphérique, comme avec le TCA, a été démontrée. ' Dans certains cas, malgré l'élimination de la source polluante, il subsiste une pollution résiduelle adsorbée, qui peut entretenir une ambiance incompatible avec la conservation des vins ', insiste Pascal Chatonnet. Les palettes en bois, les barriques, les bouchons en liège et les matières plastiques peuvent durablement s'imprégner de ces composés. De plus, contrairement aux chlorophénols qui sont uniquement des précurseurs de molécules odorantes, le tribromophénol est lui-même odorant, ' avec une forte odeur médicinale ', indique Francis Hesford.
Pascal Chatonnet tire la sonnette d'alarme : ' L'usage du TBP est très répandu sur le continent américain, notamment en Amérique du Sud . ' En Europe, le TBP semble peu employé, mais ses dérivés le sont. ' Cela laisse craindre un risque de pollution de l'environnement relativement répandu. Les matériaux recyclés, à base de bois ou de plastique, peuvent avoir fait l'objet d'imprégnation plus ou moins importante par du TBP ou ses dérivés. Leur utilisation croissante représente une source latente susceptible de polluer les produits alimentaires sensibles, mais aussi les nappes phréatiques en cas de stockages inconsidérés. ' Pour l'instant, il n'est pas démontré que les autres bromophénols sont également polluants, mais le doute plane. S'ils s'avéraient aussi polluants que le TBP, les risques de recontamination des chais seraient énormes.
Le laboratoire Excell propose un diagnostic de pollution des caves, qui consiste en un kit d'adsorption placé dans le local à examiner.

' Nous affinons actuellement le seuil critique de pollution de l'environnement par le TBA, explique Pascal Chatonnet. Il serait équivalent à celui du TCA, soit 4 à 5 ng/g d'adsorbant. Cette technique de piégeage mesure la présence de TBP, lui aussi odorant. De plus, nous travaillons sur la détermination d'un seuil sur une mesure volumétrique ', c'est-à-dire exprimant la pollution par litre d'air. Par contre, la cinétique de transformation des bromophénols en bromoanisoles n'étant pas connue, il est difficile de déterminer le seuil critique de TBP pour un risque de pollution.
Une fois le chai diagnostiqué, on peut le décontaminer. ' Les techniques dépendent du niveau de contami- nation , précise Pascal Chatonnet. Pour le bois, on peut raboter ou sabler si la pollution est superficielle ; sinon, il faudra remplacer ou confiner les éléments polluants... ou vivre avec. Dans ce cas, on peut augmenter la ventilation du local ou filtrer l'air... Pour la maçonnerie, on peut exercer une abrasion superficielle, ou effectuer une décontamination chimique, selon un procédé que nous avons élaboré, si la pollution est plus profonde . '

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