De nombreux viticulteurs travaillent leurs vignes dans le but d'obtenir un vin de meilleure qualité et une expression du terroir. Cependant, jusqu'à présent, aucune expérimentation n'a réussi à mettre en évidence les bienfaits de cette méthode par rapport à la non-culture.
A la question ' Pourquoi travaillez-vous le sol de vos vignes ? ', de nombreux viticulteurs répliquent que c'est pour des raisons de qualité du vin et d'expression du terroir.
Christophe Denis, viticulteur au domaine Denis, à Pernand-Vergelesses (Côte-d'Or), fait partie de cette catégorie. Pour lui, le désherbage mécanique des vignes a des répercussions positives sur son vin : ' Le travail du sol détruit les racines de surface , explique-t-il. Ainsi, en cas de pluie juste avant les vendanges, les raisins ne gonflent pas, car la vigne ne peut pas capter l'eau . ' Cela donne un meilleur produit fini.
Jean-Louis Poudou, viticulteur au domaine La Tour Boisée, à Laure-Minervois (Aude), apprécie également le travail du sol. Lorsqu'il a acquis son exploitation en 1982, toutes les parcelles étaient désherbées chimiquement. ' Les grenaches avaient de faibles degrés, n'arrivaient pas à maturité. De plus, leur acidité était faible ', se souvient-il. Depuis qu'il travaille son sol, son vin s'est modifié et a acquis un bon équilibre acide. ' Les racines de la vigne explorent plus loin. Elles puisent l'eau en été, et les raisins mûrissent mieux ' , et avant ceux de ses voisins.
Au château Pontet-Chappaze, à Arsac (Gironde), Fabien Boiteau explique son choix : ' Avec le travail du sol, nous avons une meilleure expression du terroir. Les grappes sont plus vigoureuses, car elles sont mieux nourries. Leur qualité est meilleure grâce à un enracinement des ceps plus profond . ' Par conséquent, le vin ainsi obtenu est plus concentré. Les arômes sont plus intenses, tout comme la couleur.
Pour Sylvain Pitiot, régisseur du domaine du Clos de Tart, à Morey-Saint-Denis (Côte-d'Or), le travail du sol permet de faire passer les caractéristiques du sol, et donc du terroir, dans le vin. ' Je veux faire vivre ma vigne pour qu'elle s'exprime. Je veux que mon vin soit en équilibre avec mon terroir, qu'il soit original et de qualité, différent de celui de mon voisin . '
Olivier Lecomte, du château de Passavant, à Passavant-sur-Layon (Maine-et-Loire) a lui aussi opté pour le travail du sol pour des raisons de qualité. ' J'ai des terres qui sont très sèches en été. Or, du cabernet franc, qui n'aime pas avoir soif, est planté dessus. Par conséquent, les raisins que j'obtenais étaient petits, avec peu de pulpe et très concentrés en acides ', analyse-t-il. Du coup, ses vins rouges, très frais, étaient souvent qualifiés d'acides par ses clients. Depuis qu'il travaille son sol, et donc que l'eau estivale est mieux captée par la vigne, Olivier Lecomte obtient des raisins beaucoup plus charnus, ce qui rééquilibre l'acidité du vin. ' Mes vins sont beaucoup plus ronds et souples qu'avant , constate-t-il. Ils correspondent à la demande des consommateurs. '
Vin de qualité, expression du terroir, autant d'arguments qui reviennent dans ces conversations de terrain. Néanmoins, dans les années 1970-1980, de nombreuses expérimentations ont été menées afin d'évaluer l'impact d'une nouvelle technique, le désherbage chimique intégral, sur la vigne et le vin. Le témoin était alors le travail du sol. Ces études n'ont démontré ' aucune différence significative au niveau du potentiel qualitatif de la vigne, de la qualité du vin et de sa quantité ', rappelle Yves Heinzle, de l'ITV de Mâcon. En effet, les évaluations de rendements et les pesées de bois de taille de vignes désherbées chimiquement ou mécaniquement avaient donné des résultats similaires. De même, au niveau du vin, rien de concluant n'avait été trouvé : des vinifications séparées ayant été réalisées, le degré, le degré d'acidité, le potassium et les différents types d'acides avaient été analysés. Ensuite, chaque type de vin avait été dégusté. Et aucune répercussion n'avait été constatée...