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IRTF, des performances discutées

La vigne - n°151 - février 2004 - page 0

Avec l'IRTF, on mesure rapidement multiples constituants de la vendange. Cette méthode donne satisfaction pour les paramètres classiques de la maturité. Elle permet aussi d'apprécier le potentiel phénolique, mais au prix de longues extractions. En revanche, son aptitude à évaluer l'état sanitaire reste très discutée.

En 2000, un nouvel outil fait son apparition dans les chais, le GrapeScan, de Foss. Fondé sur l'infrarouge à transformée de Fourier (IRTF), il est dédié à l'analyse des raisins et des moûts. Depuis, des concurrents ont suivi. En 2001, Cetim lance le Bacchus et, en 2002, la société Séres propose le Vinytis.
L'IRTF permet d'analyser en trente secondes plus de vingt paramètres. A partir d'une base de données, mémorisée après avoir analysé des moûts de composition connue, les appareils établissent une relation entre un spectre d'absorption et une concentration en un élément donné. La composition des moûts étant variable, plus la base de données est variée, plus la technique est fiable.
L'IRTF est une technique pointue. Il faut prendre connaissance de la précision et des bornes de mesure, fournies par le constructeur, pour chaque paramètre. Il est indispensable d'ajuster la calibration (pente et biais) à chaque début de campagne. Bien préparé, le moût doit être représentatif de la parcelle ou de la benne. Il faut définir des protocoles de prélèvement, d'extraction et de filtration, et les respecter.

La mesure par l'IRTF des sucres, du pH et de l'acidité totale est fiable, ' à condition de vérifier régulièrement le biais ', précise Jacques Rousseau, de l'ICV (Institut coopératif du vin). Les mesures d'acide tartrique, d'acide malique et d'azote assimilable semblent également bien fonctionner.
Les composés phénoliques doivent être extraits suivant le protocole défini par le constructeur. Foss conseille une extraction mécanique à l'aide d'une centrifugeuse industrielle. La cave de Rauzan (Gironde), équipée d'un GrapeScan depuis les vendanges 2000, réalise cinq à six contrôles de maturité chaque année sur quatre-vingts parcelles. Elle confronte la maturité phénolique déterminée par l'IRTF à celle obtenue par les méthodes de Glories, de l'ICV et de la chambre d'agriculture de Gironde. Elle obtient autant de courbes parallèles d'évolution en anthocyanes. Et ce critère sert à la sélection : ' Les vendanges à fort potentiel se retrouvent dans les cuvées à fort potentiel ', constate Robert Offredo, de la cave de Rauzan.
L'ICV observe également une assez bonne corrélation entre ses propres indices d'anthocyanes et de polyphénols, et les indices de couleur et la DO 280 du GrapeScan. La société Cetim, quant à elle, commercialise le Multispec, qui ajoute un module UV/Visible au Bacchus, pour mesurer l'intensité colorante, la teinte ainsi que la DO 280 : ' L'IRTF ne sera jamais aussi précis que l'UV/Visible pour ces paramètres ', affirme Thomas Ricour, de Cetim.
Les appareils évaluent également l'état sanitaire. Le GrapeScan donne un indice de pourriture grise, fondé sur l'étude de plusieurs métabolites du botrytis. Le Bacchus s'attache au dosage de l'acide gluconique. En revanche, le Vinytis ne détermine pas l'état sanitaire par IRTF : il se couple au Raisytis, qui dose l'activité laccase.

La chambre d'agriculture de la Gironde a étudié ces méthodes, en les comparant avec l'estimation visuelle de l'intensité d'attaque. ' L'acide gluconique rend compte uniquement du pourri âgé qui peut donner des mauvais goûts aux vins. L'activité laccase reste le meilleur marqueur, même s'il ne restitue que du pourri jeune et actif , conclut Jean-Christophe Crachereau. En situation bordelaise, l'analyseur IRTF donne une tendance pour certains millésimes. Mais, souvent, il ne permet pas de discriminer les lots. Les raisins apparemment sains peuvent être qualifiés de très pourris. A l'inverse, quand 90 % des baies sont atteintes, le raisin peut être très bien noté. '
' Il est possible d'isoler les apports fortement contaminés avec la technique de l'IRTF, mais on prend un risque important si on veut une segmentation plus fine ', précise Jacques Rousseau. Pour Matthieu Dubernet, du laboratoire du même nom à Narbonne (Aude), les performances de GrapeScan ne sont pas remises en cause : ' On n'a pas de méthode de référence. Des raisins apparemment sains peuvent être altérés. Sur une sélection de vendange à trois niveaux, le résultat est probant : la méthode est validée à postériori ', déclare-t-il.
Dans certaines coopératives, l'IRTF permet de contrôler la notation visuelle de pourriture. Dans d'autres, il est l'outil de base. ' Avec le GrapeScan, nous définissons trois classes pour les pourritures grises et acides. Parfois, il n'y a aucune corrélation entre le classement de l'appareil et l'appréciation visuelle. Malgré cela, le résultat est marqué en cuve ', témoigne André Serret, de la cave des vignerons de Baixas. A Rauzan, Robert Offredo ne se fie pas totalement à l'indice de pourriture grise : ' On manque encore de recul. '

Aux domaines Listel, les sucres, le bilan malique tartrique, les acidités totale et volatile, et les indices sanitaires du GrapeScan servent à définir quatre classes de qualité. ' Nous sommes équipés depuis 1999, et l'effet sur la qualité des vins est évident ', soutient Denis Sintès, responsable qualité.
A l'heure actuelle, peu de caves mesurent les paramètres phénoliques, car cela nécessite un prélèvement et une extraction plus lourds que pour les paramètres classiques. L'IRTF est encore récente en oenologie, mais elle évolue peu à peu. Ainsi, pour la pourriture grise, Jean-Christophe Crachereau souligne : ' L'idée ne doit pas être abandonnée. Après avoir déterminé le type de pourriture correspondant à une famille de spectres, on pourra mesurer son intensité d'attaque et adapter au mieux la vinification. '



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