Les méfaits de la pourriture grise sur la qualité de la récolte sont bien connus. Pourtant, la lutte chimique ne concerne qu'un quart du vignoble, où l'on applique en moyenne 1,7 traitement par an. Les produits haut de gamme sont les plus utilisés.
L'année dernière, la sécheresse a permis de sauver la vendange de la pourriture grise, ce qui n'était pas le cas en 2002. Du coup, entre les deux campagnes, le marché accuse une baisse de 8 à 10 %. En 2003, 210 000 ha de vignes ont reçu des antibotrytis, soit seulement un quart du vignoble. Dans ces parcelles, 1,7 traitement, en moyenne, sont réalisés par an. Ce n'est pas suffisant. Selon les préconisations de la Protection des végétaux, si l'on décide de traiter, il faut faire au moins deux interventions pour que cela soit efficace (excepté pour les vins moelleux). En Champagne, trois traitements sont systématiquement effectués. Dans le Bordelais, cela varie entre 0 et 3. Certaines caves coopératives et négoces en imposent au minimum 2 dans leurs cahiers des charges. Pourtant, on observe depuis plusieurs années une stagnation, voire une régression de ce marché, ce qui est contradictoire avec les souhaits bien souvent affichés d'une meilleure qualité de récolte. Une lutte prophylactique est également incontournable. Tous les moyens permettant de diminuer la vigueur et d'aérer les grappes doivent être mis en place.
Les spécialités à base de benzimidazoles seuls, de dithiocarbamates et de leurs associations ne sont plus utilisées depuis longtemps, en raison de leur faible efficacité de base, ou liées à des phénomènes de résistance. Actuellement, les produits haut de gamme sont privilégiés au détriment des imides cycliques en perte de vitesse. Le positionnement des produits varie en fonction de leur efficacité, selon le stade d'application, mais également en fonction de leur délai d'emploi avant récolte (DAR). Le fenhexamid (Teldor, Lazulie) est la molécule la plus utilisée, puisqu'elle représente plus du quart du marché. Elle est majoritairement positionnée lors des deux premiers traitements (90 % de son utilisation), bien qu'elle puisse l'être également au troisième. Seul représentant de la famille des hydroxyanilides, le fenhexamid n'est, pour l'instant, pas concerné par des problèmes de résistance. En raison de leur DAR plus long, Géoxe (fludioxonil) et Switch (fludioxonil + cyprodinil) sont également utilisés préférentiellement en A ou en B. Ils représentent, à eux deux, plus de 20 % du marché global.
Quelques phénomènes de résistance existent vis-à-vis de ces produits, mais ceux-ci n'affectent pas, en pratique, leur efficacité. Par contre, l'association diéthofencarbe + carbendazime (Jonk, Sumico) a entraîné depuis plusieurs années, la sélection de souches doublement résistantes aux deux matières actives. Ainsi, leur utilisation n'est conseillée qu'une année sur deux et, du fait de leur forte rémanence, uniquement au stade A.
Le pyriméthanil (Scala) représente 18 % du marché et peut être utilisé à tous les stades, grâce à son action sur la production de laccases du botrytis. Malgré cela et à cause du choix restreint en C, il est plutôt positionné sur le dernier traitement, où il couvre un tiers des hectares. Jusqu'à présent, seul représentant de la famille des anilinopyrimidines, Scala va voir arriver cette année deux nouveaux membres : Cockpit et Japica. Ces deux concurrents sont à base de mépanipyrim. Ils seront préconisés aux stades A et B. Bien qu'ayant peu de problèmes de résistance, l'alternance obligatoire des familles chimiques devrait donc toucher Scala en terme de parts de marché. Le fluazinam (Sekoya) est également préférentiellement placé en C, où il couvre plus du quart des hectares. Le produit vient d'obtenir une tolérance d'importation aux Etats-Unis, ce qui favorise ce positionnement tardif. Cependant, il peut être appliqué à tous les stades. Par ailleurs, aucun problème de résistance pratique n'a été décelé jusqu'à présent. Comme Scala et Sekoya, tous les imides cycliques sont utilisés majoritairement en C. Ils représentent 40 % des surfaces traitées à ce stade. Les phénomènes de résistance observés pour cette famille chimique ne sont pas permanents.
En effet, les souches ayant acquis de la résistance ne restent compétitives par rapport aux souches sauvages (sensibles), que si des traitements sont régulièrement effectués. Dès qu'on diminue leur fréquence, la part des souches sensibles réaugmente. Ainsi, la limitation à un traitement par campagne et par parcelle permet de maintenir leur efficacité.
Alors que le retrait du bénomyl (Benlate) passe relativement inaperçu, l'arrivée du boscalid commence à faire parler d'elle. Cette matière active de BASF est issue d'une nouvelle famille chimique. Elle devrait être homologuée en 2004 sur pourriture grise, où elle pourra être appliquée aux trois stades, grâce à son activité antilaccases. Elle est homologuée aux Etats-Unis, au Japon et au Canada. Malgré cela, la firme préconisera une application en A ou en B, afin de profiter de son effet secondaire contre l'oïdium.
En plus des produits nouveaux, une modification des stratégies pourrait s'opérer dans les années à venir. Une équipe, de l'Inra de Bordeaux travaille depuis quatre ans sur la mise au point d'indicateurs de risque. Ceux-ci visent à expliquer le développement épidémique de la maladie en fonction des conditions météorologiques, et à mieux gérer la lutte chimique. Sans remettre en cause le bien- fondé de la stratégie actuelle, les traitements pourraient, grâce à cet outil, être mieux placés ou annulés en fonction du risque. ' Les repères A, B, C et D sont liés à des stades physiologiques de la vigne, ils ne permettent pas de savoir l'état de développement du champignon ', commente Marc Fermaud, de l'Inra de Bordeaux. Opérationnel dans trois ans, l'outil d'aide à la décision sera, au début, développé dans le Sud-Ouest et le Sud-Est.