ImprimerLes viticulteurs cherchent les tonneaux correspondant le mieux à leur style. D'abord, ils sélectionnent leurs fournisseurs sur leur réputation. Ensuite, ils les essaient de façon plus méthodique, en comparant leurs commentaires de dégustations sur plusieurs millésimes.
Choisir un tonnelier et, chez lui, une barrique relève du casse-tête. Difficile de trouver le type de fût qui correspond le mieux au style de vin que l'on veut produire. En effet, les techniques de vinification et de tonnellerie sont artisanales et peu reproductibles. Pour pallier cette difficulté, des vinificateurs mettent en place de véritables essais comparatifs pour sélectionner leurs fournisseurs et leurs tonneaux en connaissance de cause.
A la cave coopérative de Tain-l'Hermitage (Drôme), les essais de barriques remontent aux années 1980. ' Au départ, les achats de fûts se faisaient à droite, à gauche, sur le critère du prix et en fonction de l'argent dont on disposait, donc selon le marché du vin , relate Alain Bourgeois, responsable technique et qualité de la cave de Tain. Aujourd'hui, nous disposons d'un budget fixe et nous procédons de façon plus structurée. ' Avec un chai de 2 000 unités, dont 900 tonneaux de 400 l, Alain Bourgeois continue la recherche du fût idéal. ' Un tonnelier fournit 55 % de notre parc. Nous l'avons sélectionné pour sa réputation et sa capacité à nous garantir l'origine des bois, détaille-t-il. Deux autres fournisseurs représentent chacun environ 15 % du parc. Chaque année, nous gardons ainsi la possibilité de réaliser un essai sur les 15 % restants. ' L'essai est mené sur six à neuf pièces, deux à trois années de suite. Le responsable technique peut ainsi suivre, sur plusieurs millésimes, le comportement des barriques neuves, de un vin, puis de deux vins, et vérifier leur adéquation avec ses vins. Pendant l'essai, il envoie, tous les ans, à ses fournisseurs des échantillons des vins élevés dans leurs barriques. A cette occasion, il leur fait part de ses remarques et discute d'éventuels ajustements de chauffe, par exemple. En fonction de ses propres dégustations et de la réactivité du tonnelier, il décidera, ou non, de le retenir. Mais l'adéquation du type de boisage ne suffit pas. ' Il est essentiel d'instaurer une relation de confiance, fondée sur l'échange ', explique-t-on à la cave de Tain.
Alain Reynaud, gérant du château Quinault, à Libourne (Gironde), confirme l'importance de cette confiance mutuelle. ' Compte tenu qu'ils ont du mal à reproduire le même résultat d'une année sur l'autre, nous préférons avoir plusieurs fournisseurs pour diminuer les risques ', argumente-t-il. Il leur a fixé un cahier des charges, précisant ses exigences en matière de finesse de grain, de temps de séchage des bois et de chauffe, et mène des comparaisons depuis 1998. Une fois par an, Alain Reynaud convie tous ses tonneliers à déguster à l'aveugle les vins en cours d'élevage. ' Cela crée une saine émulation ', se félicite-t-il. Les commentaires de ces dégustations font l'objet d'une véritable exploitation statistique. Cela permet de repérer les défauts des fûts, comme les goûts de planche, dûs à des séchages insuffisants, ou les notes de torréfaction, trop marquées en raison de chauffes excessives. ' Nous pouvons ainsi alerter les tonneliers sur les paramètres qui ne nous conviennent pas, poursuit Alain Reynaud. Cela doit leur permettre de corriger le tir. ' Si trois années consécutives, les dégustations révèlent les mêmes défauts, le tonnelier est éliminé. Deux de ses fournisseurs ont connu ce sort en cinq ans d'essais. Aujourd'hui, le château Quinault travaille avec dix tonneliers pour 280 barriques.
A Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse), le négociant-éleveur Ogier Caves des papes achète ses fûts auprès de sept tonneliers. Ici aussi, le responsable de chai, Jacques Desvernois, préfère disposer d'une palette large de fournisseurs, pour apporter de la complexité aux vins. Il ne s'agit pas de sélectionner un seul fournisseur, mais plusieurs. Cette recherche est d'autant plus importante que le parc à barriques s'agrandit rapidement. Jacques Desvernois reconnaît que leur sélection était jusqu'ici peu méthodique : ' Nous avons travaillé 'par ressenti'. Nous notions les bois au cours des dégustations pour les assemblages. ' Cela a tout de même permis de juger certains tonneliers ou certaines chauffes. ' Nous avons déjà éliminé des barriques que nous avions achetées en 2002 ', argumente le responsable du chai. Mais il souhaite introduire de la méthode dans la sélection pour fiabiliser les choix : ' Cette année, nous disposons d'un volume de vin homogène suffisant pour mettre en place de véritables essais, avec des dégustations plus formelles et enregistrées, nous permettant de suivre les comportements des barriques. '
André Romero, viticulteur à Rasteau (Vaucluse), a amorcé le même travail depuis trois ans. Pour lui, il s'agissait de sélectionner un ou deux tonneliers correspondant le mieux à la typicité de ses vins.
' Je veux travailler dans la finesse, ne pas marquer trop mes vins par le boisé, résume-t-il. En observant les domaines voisins, j'ai eu une idée de ce qui pouvait correspondre à la typicité des vins du domaine. Je n'ai travaillé que sur des chauffes moyennes et longues . '
Il a ainsi présélectionné cinq tonneliers et les a comparés pendant trois ans. Le même vin était entonné dans des fûts différents. Pour gommer l'effet contenant, André Roméro achète dix barriques de chaque type (mêmes fournisseur, bois, grain et chauffe) qu'il souhaite essayer. ' Nous avons dégusté entre nous, au domaine ' se souvient-il, parfois avec les oenologues conseil. Ces essais lui ont permis de réduire à deux le nombre de ses fournisseurs, pour un parc de 220 fûts de 225 l et 10 demi-muids. Grâce à ces comparaisons, il s'est aussi aperçu que le chêne américain convenait mieux que les autres à ses vins doux naturels.
