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Le Berlot de la taille

La vigne - n°153 - avril 2004 - page 0

Tous les ans, les Tourangeaux célèbrent la fin de la taille, un événement appelé le Berlot. On y parle des faits marquants de la saison, de l'histoire ancienne et des nouveautés en matière de taille.

En Touraine, la vigne est enfin taillée ! Commencée après le 11 novembre, la longue et fatigante épreuve s'est achevée à la veille des Rameaux, après cinq mois passés à affronter les rigueurs de l'hiver. Et c'est ce dimanche 4 avril que les vignerons de Meusnes (Loir-et-Cher) et de Lye (Indre), deux communes voisines, ont choisi cette année : ' Le Berlot, c'est la fête qui marque la fin des travaux, explique Jacky Preys, qui a battu le rappel des vignerons pour l'organiser. La plus grande fête, c'est bien sûr le Berlot des vendanges. Autrefois, il y avait aussi le Berlot des moissons et, ici, nous perpétuons celui de la taille. '
Pas question toutefois de déroger à une règle stricte : le Berlot ne peut pas avoir lieu avant l'achèvement complet des travaux, donc jamais à date fixe. ' Cette année, nous avons commencé la taille un peu plus tôt que d'habitude, en raison de l'avance du millésime 2003. Mais le dicton des anciens nous incite à faire l'essentiel en mars : 'taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars'. '
Les vignerons et leurs amis se sont donc retrouvés au milieu du plateau viticole de Lye, autour d'une loge de vigne restaurée. Cette année, la fête a eu une dimension particulière.

Hubert Sinson et Francis Jourdain, ancien et nouveau président du Syndicat de Valençay, souriaient en évoquant l'arrêté paru au JO dix jours plus tôt : il transforme l'AOVDQS Valencay en AOC. Sur la table, les fromages de chèvre en pyramide tronquée, aussi classés en AOC, témoignent de la spécificité de Valençay, qui est la seule AOC en France à désigner deux produits.
Pendant que quelques vieux ceps arrachés se consument doucement sous le boudin et les andouillettes, Sébastien Proust, le jeune boulanger du village, apporte les pâtés de Pâques et les grosses boules de pain. Le Berlot peut commencer. Chacun a apporté le vin de l'année (AOC Touraine et Valencay). On commente en dégustant les difficultés d'un 2003 hors du commun... : finalement, les rouges d'assemblage de gamay, pinot, cot et cabernet franc ont apprécié la canicule, les blancs issus de sauvignon et chardonnay n'en ont pas trop souffert.
Et les vignerons évoquent aussi la taille, en Guyot simple pour certaines parcelles, à coursons, courte ou en Y dans d'autres prétaillées : ' C'est de plus en plus une nécessité de prétailler, explique Francis Jourdain. Il y a vingt ans, les exploitations n'avaient que 5 ou 6 ha et la taille se faisait en famille. Aujourd'hui, avec 15 ou 20 ha, il faut toute une organisation. La taille à courson avec prétaillage réduit le travail à 40 ou 60 h/ha, au lieu de 100. '

On évoque le terroir et cet incroyable gisement de pierres à fusil sur lequel s'épanouit la vigne. ' Pendant la canicule, l'argile s'est sans doute craquelée, créant des fissures dans lesquelles se glisseront les racines des ceps jusqu'à atteindre le silex. Les vins du millésime 2004 auront une minéralité plus affirmée ', estime Francis Jourdain.
Meusnes était le principal fournisseur de pierres à fusil, à l'époque des guerres napoléoniennes. Jean-Jacques Dutrieux, conservateur du musée de la pierre à fusil de Meusnes et dernier ' caillouteux ' (tailleur de pierres à fusil) d'Europe continentale, connaît toute l'histoire de cette industrie.
Vin, fromage de chèvre, pierres à fusil et rencontres autour des loges de vigne... ce sont toutes les traditions de ce pays, situé entre la Touraine et le Berry, qui sont ici préservées.

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