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Shandong : le rendement avant tout

La vigne - n°153 - avril 2004 - page 0

Sur les terres fertiles de cette province chinoise, les rendements sont élevés et la maturité du raisin laisse souvent à désirer. Ni les paysans, ni les industriels ne s'en émeuvent. La vigne assure leur prospérité.

'Notre situation géographique ressemble beaucoup à celle de Bordeaux ', affirme Zhang Da Sen, fondateur d'une winerie près de Qingdao, la capitale du Shandong. En effet, le climat y est tempéré et maritime, mais la comparaison s'arrête là. Dans cette province grande comme le tiers de la France et peuplée de 90 millions d'habitants, tout est bon pour valoriser chaque mètre carré. Cultivée par des paysans ingénieux, la terre fertile donne plusieurs récoltes par an. Blé, pommes de terre, soja, colza, pêchers ou arachides poussent parfois entre les rangs des vignes fortement fertilisées et irriguées, car la pluviométrie annuelle ne dépasse pas 570 mm.
Les récoltes sont abondantes et peuvent atteindre 20 à 30 t/ha de raisin. Brian Freeman, professeur de viticulture en Australie, témoigne de rendements de 15 t/ha obtenus dix-huit mois après la plantation ! Dans ces conditions, concentration et sucres laissent à désirer. La province du Shandong cultive 30 000 ha de raisin de cuve, soit la moitié de la surface totale chinoise estimée à 60 000 ha. Pour cette raison, Qingdao est considérée comme la capitale du vin en Chine.

La culture de la vigne rencontre cependant plusieurs difficultés. A l'ouest de la province, vers l'intérieur du continent, le climat hivernal est rude. Les paysans recouvrent la vigne de paille, afin qu'elle ne gèle pas en hiver. Les plants de merlot, de cabernet-sauvignon ou de chardonnay, bouturés par les paysans eux-mêmes et non greffés, sont à la merci du phylloxéra. Pour prévenir l'arrivée du ravageur, les services douaniers exterminent tout matériel végétal entrant en Chine s'il est souillé de terre. Malgré cela, le risque demeure. La fertilisation minérale s'élève, en moyenne, à 300 kg/ha d'un engrais de qualité variable, parfois simple contrefaçon de marques occidentales.
Les pluies de juillet et d'août provoquent de nombreuses maladies (pourriture, mildiou, oïdium). Les paysans traitent lourdement, avec des produits Bayer contrefaits, comme en témoigne Nicolas Billot-Grima, de France-Tech China, conseiller de plusieurs caves chinoises : ' Heureusement, nous savons où obtenir les vrais produits Bayer... ' Impossible de savoir ce que contiennent ces contrefaçons locales d'engrais et de phytos.

Les paysans ne vinifient pas leur récolte, mais la vendent à des wineries industrielles. Le domaine Ping Yin Greenany, dans le centre du Shandong, vend son raisin entre 0,10 euros et 0,30 euros/kg, alors que le raisin de table vaut jusqu'à 0,80 euros/kg. Ce dernier est plus difficile à produire. Son esthétique doit être parfaite et les paysans enveloppent chaque grappe à l'aide d'un sac plastique pour la protéger des insectes et des pesticides.
En revanche, à Da Ze Shan, cité du vin comme en témoignent les bannières à l'entrée de la ville, le raisin de cuve vaut plus cher que celui de table. L'industrie vinicole y est développée et la demande forte. Le paysan veut produire le plus possible, l'industriel payer le moins cher possible. Pour éviter ce bras de fer fatal à la qualité, les caves Chang Yu modulent leur tarif : ' Nous payons de 0,20 à 0,40 euros/kg en fonction du cépage et du taux en sucre ', affirme Wang Hui, directeur technique. Chang Yu est le premier producteur de vin en Asie, avec 22 % du marché chinois, estimé à 3 Mhl. Devise de la maison : ' Qualité magique, histoire de cent ans '. La société possède 100 ha et collecte le raisin sur 2 500 ha. Dans son musée de la vigne et du vin, la bouteille de dry red se vend 6 euros et celle de dry white 5 euros. En grande distribution, on peut se les procurer à partir de 1,20 euros. Ce vin est parmi les moins cher de Chine.

Zhang Da Sen possède une entreprise aux dimensions bien plus modestes. Cet homme d'affaires a fondé sa winerie en 1996 à Ping Du, à 80 km de Qingdao. Il cultive 100 ha de vignes et achète 2 000 t de raisin par an, entre 0,25 et 0,30 euros/kg suivant son taux de sucre. ' Nous produisons 50 000 hl par an, dont 80 % de vin sec (avec uniquement du raisin), et 20 % de vin sucré (80 % raisin, 20 % pomme) dont je souhaite réduire la production. ' Dès la vendange 2004, ce produit ne pourra plus s'appeler ' vin '. Pourtant, il semble adapté au goût et au pouvoir d'achat chinois.

Pour améliorer la qualité, Zhang Da Sen envisage de s'équiper en matériel italien et cherche des partenariats avec des Français. Son service commercial vend le vin lors des grands salons des alcools du printemps et de l'automne, aux restaurants et à des négociants, pour un chiffre d'affaires de 2,4 Meuros. Comme Chang Yu, il produit surtout du vin rouge, couleur de la prospérité, et diffuse de la publicité sur plusieurs des mille chaînes que compte la télévision chinoise.
Autre domaine célèbre, proche de la ville touristique de Qingdao, Huadong produit l'intégralité de son raisin. Les rendements sont faibles pour la Chine (15 t/ha) et le chai, très propre, est ouvert au public. Le drapeau britannique flotte toujours sur la cave, créée par un Anglais aujourd'hui décédé. Huadong a reçu plusieurs médailles dans les concours internationaux et produit 180 000 hl par an, uniquement en bouteilles, dont un vin de glace en partenariat avec le Canada réputé leader dans ce secteur. En Chine, les collaborations sont bienvenues !

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