ImprimerPour les liquoreux, comme pour les blancs secs, la tendance est au fruité. En dehors de l'Alsace, les vins botrytisés rencontrent des problèmes de commercialisation ou dégagent de faibles marges.
Patrick Baudouin, à Chaudefonds-sur-Layon (Maine-et-Loire), produit des coteaux-du-layon naturellement concentrés, c'est-à-dire botrytisés, sur son domaine. Mais il a du mal à les commercialiser. ' Mes vins sont plus colorés que des liquoreux habituels, ils n'ont pas le même goût, explique Patrick Baudouin. Du coup, leur vente nécessite des explications. ' De plus, il cherche à ce que son vin atteigne naturellement un équilibre entre le sucre et l'acidité, puis avec l'alcool. Cet équilibre variant chaque année, cela donne des vins différents, encore plus difficiles à commercialiser.
Patrick Baudouin soigne attentivement sa vigne pour que le botrytis puisse s'y établir, et effectue quatre ou cinq tris lors des vendanges. Tout ce travail a un coût élevé, qui se répercute sur le prix de la bouteille : les 50 cl sont à 33 euros. ' Je dois trouver des niches pour mon vin, poursuit-il. Il faut fournir beaucoup d'outils aux professionnels pour qu'ils défendent ce produit. Du coup, je ne fais pas que du layon car, financièrement, l'avenir des beaux layons est dans les beaux secs. ' Pourtant, l'appellation Coteaux du Layon ne se porte pas trop mal.
' Les layons bien travaillés et commercialisés environ 10 euros/bouteille se vendent bien , analyse Stéphane Branchereau, président du Syndicat des Coteaux du Layon-Villages. Par contre, les vins plus lourds ont des problèmes. La plupart du temps, ils sont vendus en vrac, à un cours moyen de 1,80 euros/l. De même, les liquoreux naturellement concentrés rencontrent des difficultés, car leurs prix sont souvent trop élevés. Ces produits se retrouvent donc en concurrence avec des sauternes et des vins étrangers. Ils ont d'autant plus de mal à faire leur place. Peut-être est-on allé trop loin avec la concentration naturelle. Le client ne recherche pas forcément ce type de produit. '
Xavier Planty, viticulteur au château Guiraud, grand cru à Sauternes (Gironde), travaille lui aussi en concentration naturelle. Il explique son choix : ' Pour faire un bon liquoreux, il faut amener le raisin à une maturité précoce, dans les meilleures conditions possibles, et favoriser l'installation du botrytis . ' La vendange est ramassée en quatre étapes, ce qui donne un rendement moyen de 15 hl/ha. Au final, le vin a un degré d'alcool acquis de 14, et 115 à 120 g de sucres résiduels, ce qui équivaut à un degré potentiel de 20 à 21. L'acidité totale varie entre 3,8 et 5, selon les années.
Selon Xavier Planty, la production de tels vins lui revient à 20 euros/bouteille. Il les vend ensuite au négoce, à un prix moyen de 22-23 euros HT par bouteille, ce qui ne lui laisse qu'une faible marge. Même si ses vins sont particuliers, il souligne que sa clientèle progresse régulièrement : ' En quinze ans, nous avons doublé nos ventes. Mes vins ne déçoivent pas. ' Ses consommateurs sont généralement des initiés, des hédonistes et des curieux. En moyenne, Xavier Planty vend toute sa production, même si, certaines années, il rencontre des problèmes de commercialisation.
Au niveau de l'AOC, les ventes sont assez stables, comme en témoigne Pierre Guinabert, président du syndicat : ' Les stocks à la propriété n'augmentent pas. '
Cela est peut-être dû au fait que l'appellation essaie de casser l'image qui lui colle à la peau : ' Le sauternes n'est pas un liquoreux très sucré. La plupart des vins de l'appellation sont fins, légers, équilibrés et fruités. Ils plaisent aux consommateurs. De moins en moins de vins donnent une impression de lourdeur , insiste le président. D'ailleurs, nous mettons en place un plan de communication à ce sujet. '
Les appellations de Cadillac et de Loupiac se maintiennent elles aussi d'un point de vue commercial. Cela provient sûrement du fait que ' de plus en plus de viticulteurs de notre appellation font des vins modernes, c'est-à-dire frais et fruités , remarque Jean Médeville, viticulteur au château de Fayau, à Cadillac (Gironde). Les liquoreux issus du passerillage sont en pleine progression. Ce type de vin correspond mieux au goût des consommateurs que des vins botrytisés, très concentrés, qui, eux, sont difficiles à boire, et donc à commercialiser. '
En Alsace, la situation est un peu différente, puisque tous les liquoreux sont issus d'une botrytisation et se vendent bien : ' Il y a un marché pour ces vins. Ce sont des produits d'exception qui servent de vitrines aux domaines ', explique Jean-Paul Goulby, directeur de l'Association des viticulteurs d'Alsace.
Ce que confirme André Ostertag, du domaine Ostertag à Epfig (Bas-Rhin), qui réalise des vendanges tardives et des sélections grains nobles : ' Nos vins sont naturellement modernes et fruités. Ils correspondent à ce que recherchent les consommateurs . ' Malgré des prix assez élevés, 25-30 euros la bouteille de vendanges tardives et 25-30 euros/50 cl de sélection grains nobles, André Ostertag commercialise toute sa production.
A part dans les appellations particulièrement prestigieuses, il vaut donc mieux jouer la carte des liquoreux fruités que celle des naturellement concentrés...
