Pour aboutir à une gestion technique plus fine du vignoble, il est nécessaire de connaître les variations de la vigueur et de la constitution du raisin au sein des parcelles. Pour y parvenir, deux outils semblent incontournables : la télédétection à haute résolution et les systèmes d'information géographique.
Le comportement de la vigne et son potentiel qualitatif varient fortement d'une parcelle à une autre. La gestion parcellaire consiste à adapter l'itinéraire technique à chacune d'entre elles pour les exploiter au mieux. Sur les parcelles sensibles à la pour- riture grise, on appliquera un traitement antibotrytis. Sur d'autres, on mettra en place un enherbement concurrentiel pour maîtriser une vigueur trop forte. Ailleurs, encore, on apportera de la potasse pour juguler un début de carence.
La sélection parcellaire est le prolongement naturel de la gestion parcellaire. Les raisins des différentes parcelles sont vinifiés à part et orientés vers le premier ou le deuxième vin d'une propriété, vers une cuvée d'entrée de gamme ou haut de gamme en cave coopérative.
Dans l'optique d'une conduite raisonnée du vignoble, la gestion parcellaire est indispensable. La majorité des viticulteurs l'ont adoptée.
Malheureusement, les parcelles elles-mêmes ne sont pas toutes homogènes. Le sol est le facteur qui influence le plus fortement leur comportement et leur potentiel qualitatif. En fonction de sa profondeur, il fournit plus ou moins d'eau et d'éléments minéraux à la vigne, ce qui se traduit par une vigueur et une production variables. Les variations de sol ne coïncident pas forcément avec les limites des parcelles. Les viticulteurs savent qu'il peut exister des zones de vigueur très variable au sein d'une même parcelle. Ce qui est moins connu, c'est que la qualité du raisin peut également y varier très fortement. Dans les Graves de Pessac-Léognan, sur une parcelle de 25 ares, nous avons mesuré des variations de la teneur en sucres des raisins de 30 g /l. Cela correspond à 1°7 potentiel, soit presque autant que les écarts enregistrés entre les valeurs moyennes de différentes parcelles d'une exploitation. De tels écarts ne paraissent pas exceptionnels.
En culture céréalière, les variations à l'intérieur d'une même parcelle sont connues. Pour essayer d'en tenir compte, le concept d'agriculture de précision a été développé. Il consiste à adapter l'itinéraire technique à l'intérieur de la parcelle en fonction du comportement de la culture. Concrètement, les doses de fertilisation et de bouillie phytosanitaire sont constamment modulées pour appliquer ce dont la culture a réellement besoin à chaque endroit. Au moment de l'épandage de l'engrais ou lors des traitements, le tracteur est localisé par GPS. L'épandeur ou l'appareil de traitement est programmé en fonction des caractéristiques de la culture acquises par analyse de photographies satellitaires, et rendues sous forme de cartes par un système d'information géographique (SIG).
Cela est déjà une réalité dans de nombreuses fermes aux Etats-Unis et commence à se développer en France.
Par analogie avec l'agriculture de précision, on peut penser que la viticulture de précision sera une réponse à la gestion de la variabilité qui existe à l'intérieur des parcelles de vigne. Cependant, on ne peut pas simplement transposer ce qui existe en grande culture. Un premier frein au développement de ces techniques est le niveau relativement faible de mécanisation en viticulture. Des prototypes de capteurs de rendement existent sur des machines à vendanger, mais les grands crus qui ont, à priori, les moyens pour adopter en premier de nouvelles technologies, vendangent encore largement à la main, par souci du respect des raisins. Un autre problème est posé par la conduite de la vigne en rang. Une parcelle de vigne, vue du ciel, est composée d'une alternance de feuillage (les rangs) et de sol (l'interrang). Cette disposition limite fortement les possibilités d'utilisation de photos satellitaires. Sur une image prise par un satellite, un pixel représente à peu près 1 m² au sol. Or, un rang de vigne dépasse rarement 60 cm de largeur. Par conséquent, un pixel d'une image satellite est difficilement interprétable, car il contient à la fois de l'information sur la vigne et sur le sol, qui peut lui-même être enherbé.
Pour acquérir de l'information sur la variabilité au sein des parcelles de vigne, il faut disposer de photos aériennes, car elles sont dotées d'une meilleure résolution que les photos satellitaires.
Ces photos aériennes permettront, à l'avenir, de cartographier certaines caractéristiques comme la vigueur, l'état hydrique, ou le niveau de nutrition minérale, notamment azotée. Il deviendra alors possible d'adapter l'itinéraire technique (fertilisation, gestion de l'enherbement, traitements phytos) à chaque situation et d'arriver à un niveau de gestion technique intraparcellaire. On peut penser qu'il sera également nécessaire d'opérer parfois des sélections de raisins intraparcellaires, pour valoriser au mieux chacun des lots de vendange de qualité différente sur la propriété.