Un bouchon en liège et trois synthétiques, Nomacorc, Intégra et Nukorc, sortent en tête d'un essai comparatif mené par la chambre d'agriculture de Gironde. Ces quatre bouchons ont permis la bonne conservation de deux bordeaux pendant deux ans.
En décembre 2001, la chambre d'agriculture de Bordeaux embouteille un rosé du millésime 2001 et un rouge 2000. Elle utilise treize bouchons différents : quatre en liège, sept en synthétique et deux techniques. Pour compléter la comparaison, elle couvre de cire un lot de bouteilles fermées avec un bouchon en liège, obtenant ainsi une fermeture étanche, soit la quatorzième modalité de son essai. Par la suite, elle conserve le rouge en position couchée, une partie du rosé également, et l'autre debout. La chambre se retrouve ainsi avec trois séries de bouteilles, chaque série contenant quatorze bouchages. Elle fera déguster ses vins tous les six mois, demandant à un jury de noter l'intensité de l'oxydation, de la réduction et du caractère ' bouchonné '.
La première dégustation, immédiatement après embouteillage, ne révèle aucun défaut. Il en va autrement six mois plus tard, lors de la suivante. Dès ce moment-là, Neutrocork, d'Amorim, décroche. Il confère un net caractère bouchonné aux vins. La déviation est marquée sur deux des trois séries de bouteilles. Lors des deux dégustations suivantes, elle devient systématique. Après dix-huit mois, toutes les bouteilles fermées par ce bouchon sont retirées de l'essai. Il est inutile de les conserver plus longtemps.
Un an après la mise, c'est au tour d'Altec, de Sabaté, de conférer un caractère bouchonné marqué. Lors de la dégustation suivante (dix-huit mois), le défaut semble atténué. Mais il devient systématique après deux ans de conservation. L'Institut australien de recherches sur le vin (Awri) avait déjà pointé le mauvais comportement d'Altec lors de sa comparaison de quatorze bouchons, démarrée en mai 1999 ( La Vigne n° 124, septembre 2001). Cet organisme avait embouteillé un sémillon. C'est avec le bouchon de Sabaté qu'il avait constaté les goûts de moisi les plus nets. Ils étaient apparus dès six mois après la mise.
Outre Neutrocork et Altec, trois autres bouchons ont marqué les vins : le liège qui a servi au bouchage hermétique, le Colmaté et le Twin Top 1 + 1 d'Amorim, un aggloméré doté d'une rondelle en liège naturel à chaque extrémité. Avec les deux premiers, le défaut est rare et stable. ' Ces résultats semblent montrer une hétérogénéité des lots ', note la chambre d'agriculture.
En revanche, le Twin Top marque systématiquement les vins au bout de deux ans, alors qu'il avait permis leur parfaite conservation jusque-là. Il était prévisible que ce défaut se révèle : avant l'essai, la chambre avait mesuré 15 ng de trichloranisole (TCA) par gramme de Twin Top, sur le lot qu'elle s'apprêtait à utiliser. Elle avait aussi mesuré 22 ng/g de TCA dans le Neutrocork, 9 ng/g dans le Colmaté, mais rien dans l'Altec. Dans ce dernier cas, ' le lot n'était peut-être pas homogène. Nous n'avons pas prélevé les bouchons qui posent particulièrement des problèmes ', suppose Catherine Chassagnou, responsable de l'essai.
Le lot de bouchons en liège naturel (bouchons de 3 e catégorie 45/24) ne comprenait pas non plus de TCA. Mais à la différence de l'Altec, il n'a pas apporté de mauvaise surprise : les dégustateurs n'ont pas noté de faux goût, même deux ans après la mise. A dix-huit mois, ils ont perçu des traces de réduction qui ont disparu par la suite. C'est tout. Ce faisant, le bouchon en liège naturel se classe dans le groupe de tête pour ce qui concerne la conservation des vins. ' Nous l'avons commandé, comme l'aurait fait un viticulteur ', assure Catherine Chassagnou. C'est la preuve qu'il existe des lots parfaitement sains.
Le groupe sorti en tête de l'essai comprend également trois synthétiques : Nomacorc, Intégra et Nukorc. Pas un seul lot bouché avec Nomacorc n'a présenté de caractère oxydé, réduit ou bouchonné au cours de l'une ou l'autre des cinq dégustations (après mise, six mois, douze mois, dix-huit mois et vingt-quatre mois). Ce bouchon avait déjà fait preuve d'un bon comportement lors de l'essai australien. Il comptait parmi ceux qui avaient permis une parfaite conservation du vin jusqu'à dix-huit mois après la mise.
Nukorc était lui aussi du nombre. En Gironde, il confirme sa bonne tenue. Cependant, ses résultats ne sont pas parfaits : à deux reprises, au douzième et au vingt-quatrième mois, les dégustateurs ont perçu un soupçon d'oxydation sur quelques bouteilles qu'il obturait. Avec Intégra, ils n'ont perçu qu'une fois une pointe d'oxydation. En Australie, ce bouchon n'avait pas permis de conserver le vin au-delà de dix-huit mois après la mise. Il obtient donc de meilleurs résultats en France : peut-être sa fabrication a-t-elle progressé.
A l'inverse, Cortex compte parmi les mauvaises surprises. Il s'agit d'un bouchon en liège qui présente un disque en silicone, sur sa face en contact avec le vin, destiné à empêcher toute pollution par les TCA. Sur ce plan-là, c'est réussi : aucun caractère bouchonné n'apparaît dans les bouteilles fermées avec Cortex. Malheureusement, l'oxydation se manifeste de manière brutale et très marquée au douzième mois.
Avec le Tage, un bouchon synthétique, elle apparaît progressivement. Elle pointe au bout d'un an, puis ne cesse de progresser à chaque dégustation. Les vins bouchés par Néocork, un autre synthétique, connaissent une évolution similaire qui les mène à une oxydation systématique au bout de deux ans de conservation.
Ces évolutions s'expliquent par l'aptitude des bouchons à préserver le SO 2 libre. Le rosé en renfermait initialement 35 mg/l et le rouge 31 mg/l. Au bout de vingt-quatre mois, il n'en restait que 3 à 6 mg/l dans les lots franchement oxydés. ' Nous observons un lien direct entre la perte de SO 2 libre et l'oxydation des vins, signale Catherine Chassagnou. Le seuil critique, en dessous duquel ce défaut apparaît, se situe autour de 10 mg/l. ' Ce résultat concorde également avec celui que les Australiens avaient déjà obtenu.
Enfin, on remarque une tendance des bouchons synthétiques à mieux préserver le SO 2 libre lorsque les bouteilles sont conservées plutôt debout que couchées. C'est une surprise. Elle devrait arranger les circuits de distribution modernes, où les bouteilles sont présentées debout dans les linéaires. Avec le liège, le SO 2 libre résiste mieux dans les bouteilles couchées. Voilà pourquoi les vins se conservent mieux ainsi, comme on le sait depuis des lustres !