Les vignerons et leurs ouvriers doivent attendre six, vingt-quatre ou quarante-huit heures avant de travailler à la main, dans la parcelle qui vient d'être traitée. Le délai dépend des phrases de risque des produits appliqués.
Les risques encourus, lors des traitements phytosanitaires, sont bien connus des vignerons. Ceux liés aux travaux dans les vignes, après une application le sont beaucoup moins. ' Il s'agit d'une exposition indirecte aux produits phytosanitaires, dont souvent les gens n'ont pas conscience ', constate Jean-Pierre Grillet, médecin du travail à la MSA (Mutualité sociale agricole).
Cette exposition est loin d'être anodine. De 1997 à 2002, la MSA a enregistré 600 troubles imputables aux phytos utilisés en agriculture (toutes production confondues). 81 de ces incidents étaient consécutifs à l'entrée dans une parcelle après un traitement. 40 ont eu lieu dans des vignes. Pour la plupart, il s'agissait de troubles locaux, notamment des allergies ou des irritations, mais la MSA a aussi noté des troubles hépato-digestifs, comme les nausées ou les vomissements. Sur les 81 cas recensés, 10 étaient graves et ont engendré une hospitalisation. 4 cas concernaient des personnes qui ont travaillé dans des vignes.
De ce réseau de toxicovigilance, la MSA tire plusieurs enseignements : une forte proportion de femmes est exposée du fait de la féminisation des emplois, qui amènent à intervenir dans les vignes après un traitement. Les femmes doivent donc se montrer vigilantes, d'autant plus que certains produits sont toxiques pour la reproduction. La MSA a également remarqué que le port de gants était peu fréquent, puisque seulement un intervenant sur cinq déclare en mettre. Or, sachant que la majorité des incidents observés étaient des troubles cutanés des membres supérieurs, il est fortement conseillé de bien se protéger les mains, les bras et le torse.
Après un traitement, mieux vaut laisser passer un peu de temps avant de retravailler dans une parcelle. C'est une question de bon sens. D'ailleurs, selon une enquête réalisée en 1998 par le GDV de la Marne, 72 % des vignerons interrogés prennent cette précaution. Mais, dans quatre cas sur cinq, ils ne le font que pour les traitements insecticides ou acaricides. Il n'y a qu'un vigneron sur soixante et un qui a déclaré respecter un délai de réentrée en fonction de la toxicité du produit phytosanitaire mentionnée sur l'emballage.
D'autres exploitations font les choses sérieusement. C'est le cas par exemple des vignobles Veuve-Clicquot-Ponsardin, en Champagne, qui comptent 350 ha et une centaine de salariés. Depuis quinze ans, ils appliquent un délai de quarante-huit heures pour les produits classés T et T +, de vingt-quatre heures pour ceux classés Xi et Xn, et de quelques heures pour ceux non classés.
Tous les ans, les salariés en sont informés. Pendant la campagne, ils ont à leur disposition des tableaux sur lesquels figure un code couleur, correspondant aux différents délais. Depuis sa mise en place, ce système fonctionne correctement et les salariés n'ont pas rencontré de soucis de santé. Cela résulte d'une bonne coordination entre l'équipe des tractoristes et celle des travailleurs manuels. Fin 2003, la commission des toxiques a voulu clarifier les choses. Après examen des données d'exposition de la MSA et du réseau de toxicovigilance, elle a proposé un délai d'attente minimum de six heures (huit heures en local clos) pour travailler manuellement dans une parcelle qui vient d'être traitée.
Ce délai correspond au temps nécessaire pour que le végétal sèche après un traitement. Si le produit est classé irritant (phrases de risque R36, R41, R38, R34, R35 (1)), le délai est de vingt-quatre heures, et si le produit est allergisant (phrases de risque R42, R43), il passe à quarante-huit heures. Les produits toxiques, quant à eux, font l'objet d'une évaluation au cas par cas au terme de laquelle l'un de ces délais leur est attribué. ' Nous souhaitions définir plusieurs délais, mais pas une infinité ', explique-t-on à la Commission des toxiques. Désormais, le comité d'homologation indique un délai de réentrée lorsqu'il évalue les nouveaux produits, et demande aux industriels de les mentionner sur les étiquettes. L'UIPP (Union des industries de protection des plantes) n'y voit pas d'inconvénients : ' Cette mesure existe déjà dans certains pays comme les Etats-Unis. Elle s'intègre parfaitement dans la logique de réduction des risques au maximum ', estime Jean-Charles Bocquet, directeur général de l'UIPP.