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Le diméthomorphe

La vigne - n°155 - juin 2004 - page 0

Cet antimildiou est doté de propriétés préventives, curatives et antisporulantes. Il est diffusant et possède une longue persistance d'action. Mais son mode d'action reste un mystère.

Le diméthomorphe (DMM) a été découvert en 1983, à la suite de l'observation, en 1981, des propriétés antifongiques de l'acide cinnamique, une molécule apparentée au DMM. En 1993, deux produits, Forum (DMM seul) et Acrobat (DMM + mancozèbe), arrivent sur les marchés vigne et pomme de terre. A l'époque, ils sont fabriqués par Cyanamid Agro. Par la suite, d'autres produits seront lancés : Panthéos (DMM + folpel) et un pack associant le Forum au Polyram DF.
Le diméthomorphe se compose de deux isomères, mais seul l'isomère Z est actif in vitro, en absence de lumière. Il est soluble dans l'eau, se dégrade rapidement, migre peu dans le sol et n'a pas de phase vapeur.

Sa solubilité dans l'eau participe à sa mobilité dans la plante. Pour l'étudier, les chercheurs de Cyanamid, puis de BASF ont réalisé plusieurs expériences. Ils ont d'abord mesuré l'absorption racinaire. Pour cela, ils ont appliqué au sol une solution de diméthomorphe. Sept jours après, ils ont inoculé la plante avec du mildiou. Au bout de six jours, ils ont mesuré une efficacité de 40 % avec une solution de 25 ppm, et de 100 % avec une solution de 100 ppm. Ils en ont déduit que le DMM pénètre et migre dans la plante.
Dans un deuxième temps, ils ont réalisé des tests avec du DMM marqué au carbone 14. Ils ont déposé du produit, sous forme de microgouttelettes, à une dose équivalente à 300 g/ha (dose d'homologation du Forum), sur une bande horizontale à la base d'une feuille. Une fois les gouttelettes sèches, les chercheurs ont isolé la plante, puis ont effectué des radiographies afin de visualiser le produit. Ils se sont aperçus que le diméthomorphe avait diffusé vers les extrémités de la feuille, c'est-à-dire de manière acropétale. Selon le même principe, les chercheurs ont appliqué du DMM sur la tige et le pétiole. Trois jours après, le DMM avait diffusé dans les feuilles du niveau supérieur.
Les scientifiques ont ensuite inoculé le mildiou. A 300 g/ha, l'efficacité est de 100 % sur la feuille traitée, de 13 % sur la feuille de l'étage supérieur, et de 15 % sur la feuille située deux étages plus haut. A 750 g/ha, l'efficacité sur la feuille de l'étage supérieur est passée à 89 %. Cette mobilité reste insuffisante pour protéger efficacement les parties nées après un traitement ou qui n'ont pas été touchées par le traitement. Autre propriété du diméthomorphe mise en évidence par Biotransfert (laboratoire de Seine-Saint-Denis) : sa translaminarité, c'est-à-dire sa capacité à passer de la face supérieure à la face inférieure d'une feuille.

L'Inra de Bordeaux a étudié la résistance au lessivage du DMM. Après une pluie de 30 mm en 20 min, qui survient 15 min après le traitement, les chercheurs ont mesuré une efficacité d'un peu plus de 50 %. Lorsque cette même pluie intervient 30 min après le traitement, l'efficacité passe à 95 %. Au bout d'une heure, elle est de 100 %. Huit heures après, elle est toujours de 100 %. ' Le diméthomorphe est à l'abri du lessivage au bout d'une heure. Au-delà, les pluies successives ne seront pas pénalisantes ', explique Yves Sénéchal, responsable développement-projets, chez BASF Agro.
La persistance d'action du DMM a été mesurée par les chercheurs de Biotransfert. Ils ont prélevé des feuilles 2, 3, 7, 14 et 21 jours après un traitement, puis dosé la quantité de DMM restante. Sept jours après, ils ont détecté 85 % de la quantité initialement déposée. 21 jours après, il en restait 70 %. Les tests biologiques sur des feuilles traitées à 300 g/ha, puis inoculées, confirment la longue persistance d'action du DMM, puisqu'après trois semaines, le traitement est toujours efficace. ' Attention, il ne faut pas en déduire que sur le terrain, le DMM a une persistance d'action de trois semaines. En effet, les essais ont été effectués en laboratoire, avec une pulvérisation optimale. Sur le terrain, nous conseillons des intervalles entre deux traitements de 10 à 12 jours jusqu'à la floraison, et de 12 à 14 jours dès la pleine floraison ', expose Pierre-Antoine Lardier, chef de marché vigne chez BASF Agro.
Le mode d'action du DMM reste un mystère. Il n'agit ni sur la respiration, ni sur la biosynthèse des lipides, ni sur la biosynthèse de l'ADN et de l'ARN, ni sur la composition en acides aminés, ni sur la production d'énergie, ni sur la biosynthèse des protéines. Par contre, les chercheurs ont observé une déformation des hyphes mycéliens et des parois. Selon eux, le DMM agirait au niveau des parois. S'agit-il d'une cible primaire ou d'une cible secondaire, conséquence de perturbations biochimiques engendrées par une autre cible ? La question demeure.
Du fait de son action sur les parois, le DMM est efficace à tous les stades du développement du mildiou, sauf sur la libération des zoospores et sur leur mobilité. Du coup, il est préventif, curatif et antisporulant. Appliqué en préventif, la spore de mildiou ne germe pas ou alors elle éclate. Appliqué en curatif à 300 g/ha, un jour et deux jours après inoculation du mildiou, il bloque la pénétration. Appliqué trois jours après l'infection, sur tache d'huile, il bloque la sporulation. La tache d'huile reste présente, mais elle n'évolue pas. Appliqué 5 jours après l'infection, au moment de la sporulation, il bloque la formation des sporanges.

Ces propriétés font que le DMM est souvent utilisé comme ' produit pompier '. Cette usage risque d'engendrer des problèmes de résistante. Pour l'éviter, mieux vaut l'utiliser en préventif.
La résistance au DMM est suivie depuis 1995. Dès 1996-1997, des isolats moins sensibles ont été détectés. Depuis, la situation reste stable et il n'y a pas eu de perte d'efficacité des traitements. En 2003, les suivis des services officiels ont mis en évidence des souches à la fois résistantes au DMM et à l'iprovalicarb. Du coup, les officiels ont recommandé en 2004, de ne pas dépasser trois traitements avec l'ensemble des produits contenant l'une ou l'autre de ces deux matières actives. Des essais sont en cours à l'Inra de Versailles, afin de voir s'il y a effectivement une résistance croisée positive entre ces deux molécules.




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