ImprimerAvec la Spir (spectrométrie proche infrarouge), on peut mesurer la richesse en sucre d'une grappe directement et en quelques instants, sans presser le jus. On peut aussi l'utiliser pour analyser le moût à la réception de vendange.
La Spir est une technologie développée dans de nombreux secteurs industriels. Elle est utilisée en agroalimentaire pour le tri en ligne des fruits ou pour des contrôles de produits. En viticulture, grâce à un transfert de technologie, elle arrive seulement à maturité. En Australie, elle est employée en routine depuis trois ans dans certaines wineries. Par exemple, BRL Hardy s'en sert pour mesurer la couleur et rémunérer les vignerons en conséquence. En Allemagne, lors du salon Intervitis, la société Scharfenberger a présenté l'Euroscreen, un appareil qui évalue le degré, l'acidité, l'azote assimilable, la pourriture...
En France, la Spir est encore au stade expérimental. Depuis 2001, l'ITV, le Cemagref, l'Inra et le Ctifl (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes) travaillent à la mise au point d'un appareil utilisable à la parcelle. Ils souhaitent adapter au raisin un gant instrumenté pour mesurer la qualité des fruits. Ce gant, mis au point dans le cadre d'un projet européen Glove, est équipé de nombreux capteurs qui évaluent la teneur en sucre, la maturité, la fermeté, la couleur interne, la taille... Toutefois, sur raisin, il ne permet pas des mesures fiables, car il nécessite de prendre la grappe, ce qui l'écrase. Du coup, les chercheurs ont imaginé deux autres types de capteurs.
Le premier est un capteur ' pince ' adapté à la taille des baies. L'utilisateur coince la baie entre les deux machoires de la pince. Ce capteur fonctionne par transmittance, c'est-à-dire que la lumière traverse la baie de part en part. Il est plutôt adapté au laboratoire. Le deuxième est un capteur ' tromblon ' adapté à la taille des grappes. C'est une sorte de tube qui s'applique contre la grappe. Il fonctionne par réflexion diffuse, au contact de la grappe. Il est plutôt réservé au terrain. Les chercheurs ont comparé les mesures effectuées par ces capteurs aux analyses de référence. ' Les résultats sont intéressants pour la mesure du taux de sucre. Ils le sont aussi pour celle de l'acidité et des anthocyanes, mais ils doivent être approfondis ', explique Jean-Michel Desseigne, de l'ITV de Nîmes.
Dans un avenir proche, cet outil doit permettre d'optimiser la sélection parcellaire en améliorant les contrôles de maturation et d'effectuer de nombreuses mesures, non destructives avec un temps de réponse rapide. Mais, selon Michel Crochon, du Cemagref, ' les conditions d'utilisation de ces méthodes sont à préciser '.
En 2003, l'ICV a travaillé dans une autre optique. Il a testé la Spir lors de la réception de vendange à la cave des vignerons de Chusclan (Gard), pour évaluer le potentiel couleur de la vendange. Pour cela, il a utilisé un Corona 45 VIS-NIR, un appareil de la société allemande Zeiss. Ce matériel effectue des mesures sur des échantillons de raisins broyés. ' Le problème est qu'en 2003, nous n'avons pas pu travailler dans de bonnes conditions, du fait de la précocité des vendanges et d'un problème de logiciel informatique. Nous n'avons pas pu exploiter correctement les résultats ', déplore Jacques Rousseau, de l'ICV.
L'institut a quand même tiré quelques enseignements. Il a d'abord observé une influence de la teneur en bourbes, d'où l'importance de la préparation de l'échantillon. En effet, les mesures sur échantillons troubles, puis après 10 min de décantation ne donnent pas les mêmes résultats. Une filtration est donc indispensable pour éliminer les bourbes grossières et standardiser l'échantillon. Autre paramètre qui a joué sur la mesure de la couleur : la température de l'échantillon. Par contre, au niveau constance des résultats, la Spir offre des possibilités intéressantes.
' La Spir mesure la teneur en sucre, la couleur et le pH, soit une gamme de paramètres plus faibles que l'IRTF. Elle nécessite la constitution d'une base de données de calibration importante pour chaque paramètre, soit un temps de mise en oeuvre plus important que pour l'IRTF. Par contre, elle est trois fois moins cher et plus robuste. Elle permet de travailler sur moûts grossiers, voire sur raisins entiers. Il n'y a pas besoin d'extraction poussée ', explique Jacques Rousseau.
Il n'empêche que la cave des vignerons de Chusclan n'a pas trouvé la technique très concluante. Elle s'oriente désormais vers une autre solution : la vision numérique couleur.
