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L'ochratoxine A

La vigne - n°156 - juillet 2004 - page 0

Cette toxine, potentiellement cancérigène, produite par une moisissure, se retrouve dans les vins rouges, rosés et blancs. On limite sa teneur par des traitements fongicides.

L'ochratoxine A, ou OTA, est une mycotoxine qui pourrait entraîner chez l'homme des cancers des voies urinaires. L'Union européenne projette donc d'en fixer la limite maximale dans les vins. L'Office international de la vigne et du vin (OIV) préconise un plafond de 2 µg/l de vin. Les représentants du négoce et de la production souhaitent relever ce taux à 3 µg/l, niveau déjà fixé pour les dérivés des céréales, qui sont la principale source de contamination alimentaire. D'ores et déjà, de plus en plus de pays ou d'acheteurs imposent leurs propres seuils.
L'OTA est répandue sur tous les continents et sur diverses cultures. Elle contamine les céréales, le cacao, le café, les fruits secs, les épices et la bière. En 1996, une équipe suisse mentionne sa présence dans le vin et le jus de raisin. Depuis, les enquêtes montrent que la majorité des vins français contient moins de 1 µg/l et qu'on en trouve davantage en zone méditerranéenne. Le taux de contamination répond à un effet terroir. Il est plus élevé en zones chaudes avec entrées maritimes. En revanche, il diminue avec l'altitude. Il y a également un effet millésime. Les contaminations seraient fréquentes les années où les pluies d'août et de septembre sont fortes.

Le grand responsable de la présence d'ochratoxine dans les vins est Aspergillus carbonarius. En 2001, l'université de Toulouse a prélevé 373 grappes. Les moisissures produisant de l'OTA étaient dans 95 % des cas de cette espèce. Aspergillus niger et des pénicilliums n'intervenaient qu'ensuite. A. carbonarius est hébergé sur l'écorce des ceps et dans le sol. La moisissure se développe à des hygrométries comprises entre 72 et 90 % et des températures de 12 à 39°C (optimum 28°C). Dès que les conditions lui sont favorables, elle s'installe sur les raisins. Elle les colonise dès la fermeture de la grappe, puis progressivement tout au long de la maturation. Le champignon est incapable de perforer la pellicule. Il ne pénètre dans les baies que par des blessures déjà faites (baies éclatées, morsures de vers de la grappe). Une fois en contact avec le jus de raisin, il peut produire de l'OTA. La contamination augmente avec la maturation et la surmaturation. La date des vendanges a donc une grande influence sur les teneurs rencontrées dans le moût. Les analyses effectuées indiquent une excellente corrélation entre la concentration en OTA des vins et le degré de contamination des baies par A. carbonarius. Il faut donc agir préventivement. Les seuls moyens sur lesquels on peut compter pour réduire l'OTA sont au vignoble.

La première façon de lutter est d'empêcher l'accès du champignon au jus de raisin, en limitant les blessures des baies. Les vers de la grappe de deuxième et troisième générations perforent les grains de raisin. Ils représentent la principale cause de dégradation des baies en Languedoc-Roussillon. De plus, ils transportent des spores de champignon, propageant l'infestation. Voilà pourquoi la lutte contre ces ravageurs est efficace. Les régulateurs de croissance, tels le Fuoro (lufénuron), l'Inségar (fénoxycarbe) ou le Cascade (flufénoxuron), donnent de très bons résultats. Ils peuvent entraîner une baisse de 80 % de la contamination des vins.
La seconde solution consiste à empêcher le développement du champignon. Certains fongicides antibotrytis, comme le Sekoya (fluazinam), le Scala (pyriméthanil) ou le Switch (cyprodinil + fludioxinil), sont efficaces contre A. carbonarius.
Des essais de l'ITV en grandes parcelles en 2002, en Languedoc-Roussillon, ont indiqué une chute d'OTA d'un facteur 2 à 5 dans les moûts. Une application tardive (stade D) donne les meilleurs résultats, mais n'est pas toujours compatible avec les délais d'emploi avant récolte.
L'ITV a également montré l'efficacité de l'Héliocuivre (hydroxyde de cuivre) et du Mikal (fosétyl Al + folpel) appliqués trois fois entre début fermeture et mi-véraison. De son côté, l'ICV indique que le fosétyl Al diminue de 50 à 80 % la contamination en OTA, lorsque les applications sont faites entre nouaison et fermeture de la grappe. Il n'est pas conseillé de l'employer spécifiquement pour lutter contre cette toxine, mais dans le cadre d'une stratégie antimildiou, son effet secondaire est intéressant.
N'oublions pas ici que la qualité de la pulvérisation est très importante. Le viticulteur a donc intérêt à prêter attention au matériel employé et aux conditions météorologiques.

Au moment de la récolte, le tri est difficile, car les foyers de contamination sont souvent à l'intérieur des grappes, donc peu visibles. Malgré cela, trier les grappes en mauvais état sanitaire s'avère utile. Des essais ont montré qu'on réduit la teneur en OTA de moitié !
L'ochratoxine passe dans les vins, dès le début de la cuvaison. Aussitôt après foulage, sa teneur augmente et atteint en quatre jours un niveau proche de celui mesuré à la mise en bouteilles. Le maximum est en fin de fermentation malolactique. La teneur diminue ensuite. Ce phénomène peut être dû à l'adsorption de la toxine sur les parois de levures, car l'ICV a montré qu'un élevage sur lies de six mois réduit les teneurs en OTA de 12 %. Une autre hypothèse veut que les bactéries lactiques encore actives dégradent l'ochratoxine.
Cette molécule est assez stable dans le temps et à la chaleur. Elle est surtout présente dans les rouges. Des essais de traitements curatifs ont été faits. Les collages sont peu performants. La filtration ne permet pas de réduire de plus de 20 % l'OTA. Seuls les charbons oenologiques adsorbants sont efficaces. Mais ils sont interdits sur rouges et affectent la qualité organoleptique. La prévention, au vignoble, reste donc la solution n°1.



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