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Dix conseils pour réussir des vins rouges fruités

La vigne - n°156 - juillet 2004 - page 0

Acheteurs et consommateurs souhaitent des rouges fruités. Pour satisfaire cette demande, des précautions sont à prendre depuis la culture de la vigne jusqu'à la conservation des vins. Voici dix conseils issus de l'expérience de vignerons et d'oenologues.

Le raisin renferme plus ou moins d'arômes selon le cépage, le sol, le climat et les pratiques viticoles. Ces arômes variétaux jouent un rôle déterminant dans la qualité et la typicité des vins. Tout ce qui peut les renforcer permettra d'obtenir des vins plus fruités. ' Il faut d'abord des rendements parcellaires ou par pied corrects ', prévient François-Thomas Bon, vigneron dans l'Entre-deux-Mers (Gironde) et président de la Commission technique des bordeaux et bordeaux supérieurs. Il faut également du feuillage en quantité suffisante pour faire mûrir les raisins. Un mètre carré de surface foliaire exposée par kilogramme de vendange est un minimum.
Ensuite, il faut amener le raisin à maturité. Cela suppose une lutte efficace contre la pourriture grise, prophylactique, mais aussi chimique si le terroir l'exige. Enfin, pour décider de la date de récolte, on ne peut pas se baser uniquement sur le degré alcoolique potentiel ou le niveau d'acidité. En effet, on recherche la maturité aromatique, c'est-à-dire un minimum de notes végétales et un maximum de fruité. Inutile d'attendre trop longtemps, car les arômes variétaux évoluent, passant de notes de fruits frais à fruits mûrs, puis confiturés. On cherchera plutôt à éviter la surmaturité. ' Il faut goûter ses raisins matin et soir. On observe la couleur des pépins et on vérifie qu'il n'y a plus de goûts herbacés dans la peau ', insiste le vigneron.
Le choix de la date de récolte est donc primordial. ' Toute la technique mise à la cave ne comblera pas un défaut de maturité . ' Lors de ces dégustations, on s'attachera aussi à suivre l'évolution de la maturité phénolique, c'est-à-dire celle des tanins. Sur certains cépages, comme le cabernet-sauvignon, elle est souvent tardive.

' Pour faire des vins fruités, la priorité est d'éviter les tanins durs, secs ou verts ', recommande Alain Kaneko, directeur de la cave Cécilia (Vaucluse). Il faut donc qu'il y ait le moins possible de composés végétaux dans la vendange. Les trieurs embarqués sur les machines à vendanger sont efficaces. En leur absence, attention au sulfitage sur raisins : l'action dissolvante du SO 2 risque d'extraire des goûts végétaux des rafles. Dès l'arrivée au chai, l'oenologue conseille d'égrapper en totalité.
Ainsi, les rafles ne risquent pas de transmettre au jus leur âpreté, ni leur amertume. Pour la même raison, il ne faut pas les dilacérer. La précaution est d'érafler avant de fouler. Il faut aussi ' bien fouler avec un fouloir bien réglé pour ne pas triturer la vendange, et provoquer de mauvais goûts ', rappelle Daniel Granès, directeur de l'ICV de Narbonne.

Cette technique entraîne l'expression du potentiel d'arôme variétal sous forme de précurseurs non odorants. La macération permet aux enzymes naturelles de les hydrolyser, et de libérer les fractions odorantes. Cette étape permet aussi d'extraire de la couleur avant le début de la fermentation alcoolique, donc de raccourcir la durée de cuvaison en phase alcoolique. On décuve dès la fin de la fermentation. Cela évite de macérer lorsque le degré alcoolique élevé facilite l'extraction des tanins. ' La vendange récoltée tôt le matin, égrappée et foulée, est placée entre 8 et 14°C pendant une semaine. On fait deux délestages, et on obtient des jus noirs. Là, le vin est presque fait, en ce qu'il a acquis d'arômes, de couleur et de tanins ', indique François-Thomas Bon. ' Attention, car le froid peut extraire des tanins agressifs ' signale Daniel Granès.

Les durées de cuvaison sont courtes, une semaine au maximum, car on cherche à extraire un minimum de tanins. ' En général, on ne dépasse pas six à huit jours car, après cela, on risque de dépasser le pic d'intensité tannique, variable selon les millésimes, au-delà duquel on bascule tout de suite sur un autre profil de vin ', remarque Daniel Granès. Ici, le levurage est utile pour maîtriser la durée de fermentation et pour obtenir des vins expressifs. On choisira sa souche en fonction de son aptitude à révéler l'arôme du cépage, ou selon sa capacité à produire des esters éthyliques et d'acétates d'alcools supérieurs, responsables de notes fleuries et fruitées. L'acétate d'isoamyle, par exemple, rappelle la banane. La levure 71 B est célèbre pour son aptitude à en produire. On augmente la concentration en ces molécules en maintenant la température de fermentation en dessous de 25°C. Au-dessus, on favorise la formation d'alcools supérieurs, responsables d'odeurs lourdes, de solvants ou de réduction.

' L'extraction doit être douce et précoce pour ne retirer que les éléments mûrs de la pellicule ', estime Daniel Granès. Il privilégie les délestages, ou les cuves rotatives type Vinimatic, ou le pigeage traditionnel, plutôt que les remontages et turbopigeages, trop violents et qui ne renouvellent qu'une partie du jus. Au château Lugagnac, François-Thomas Bon fait des remontages quotidiens sur une vendange mûre et éraflée, en réduisant leur fréquence au fur et à mesure que la teneur en éthanol augmente. Il arrête à la densité de 1 040. ' On déguste beaucoup pour vérifier l'absence de mauvais goûts. '

Certains pratiquent la micro-oxygénation à un stade précoce, sous marc, en fin de fermentation alcoolique, pour différentes raisons : stabiliser la couleur, ' poncer les angles des tanins ', remarque François-Thomas Bon, et obtenir un vin plus gras. Mais tous ne sont pas convaincus du procédé. ' Attention, tant que le vin n'est pas propre, on peut développer des mauvais goûts ', prévient Gérard Vidal, directeur de la cave Saint-Marcel (Aude), qui élabore des vins de pays d'Oc. Il a choisi de centrifuger ses vins avant micro-oxygénation. Il fermente autour de 25°C, écoule entre 1 020 et 1 000 de densité pour ne pas trop extraire. La fermentation s'achève en phase liquide. Après assemblage des vins de goutte et de presse, Gérard Vidal les centrifuge. Ainsi, il peut commencer à micro-oxygéner précocement. ' Le fruit ressort plus, les vins sont plus gras et on évite tout ce qui est H 2S. '
Pour Daniel Granès, le pilotage de l'oxygène est primordial. La dose et la durée se règlent à la dégustation, car ' l'oxygène brûle le végétal et le soufré, mais un excès apporte des notes épicées et des tanins secs '.

Plutôt qu'opérer classiquement avec une phase de cuvaison, certains optent pour la vinification en phase liquide. ' On a investi dans des systèmes de flash-détente et de clarification des jus (flottation et filtre rotatif sous vide) pour ensuite fermenter un jus clair. On limite ainsi les déviations organoleptiques de type végétal ou fermentaire ', explique Bernard Roustan, directeur des caves Costes-Rousses et Costebelle, à Tulette (Drôme).

Un soutirage et un sulfitage précoces permettent de conserver toute la fraîcheur aromatique. Ils empêchent que les fragiles notes fruitées soient détruites par l'oxydation en l'absence de SO 2, ou par des attaques microbiennes. Pour réaliser cette mise au propre tôt, l'idéal est d'inoculer en bactéries lactiques. On s'assure ainsi d'une malo rapide. L'inoculation présente un autre avantage : les bactéries lactiques occupent le terrain, prévenant tout développement microbien ( Brettanomyces ou pédiocoques) qui conduirait à des déviations aromatiques. Il faut de près suivre la dégradation de l'acide malique.

Le dioxyde de soufre joue un rôle antioxydant et antiseptique. On veille à ce qu'un taux d'au moins 25 mg/l de SO 2 libre soit maintenu en cours d'élevage et de conservation, pour prévenir toute déviation organoleptique ou montée d'acidité volatile. Cela suppose de procéder à des analyses et des dégustations régulières. Les esters aromatiques formés par la fermentation sont des arômes fragiles qui s'hydrolysent vite. Une couverture en SO 2 permet de les protéger jusque dans la bouteille.

La conservation à température régulée, idéalement à moins de 15°C, est aussi une condition importante lorsque l'on souhaite préserver les arômes acquis en cours de vinification. L'hydrolyse des esters aromatiques, inéluctable, se fait en un an ou deux maximum. Si le vin est stocké à température variable, ce phénomène s'accélère et peut réduire la durée de vie des arômes fruités à quelques semaines. L'alternance entre refroidissement et réchauffement favorise aussi l'oxydation, donne de la sécheresse et risque d'augmenter les accidents microbiens. Enfin, il faut maintenir les vins totalement à l'abri de l'air et les protéger lors de chaque traitement ou pompage. La teneur en oxygène dissous doit rester très basse.

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