Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2004

Défense d'une marque : tout ce qu'il faut savoir

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

L'utilisation d'une marque est précieuse et répond à quelques règles juridiques. Il est important de la déposer auprès de l'Inpi, puis de veiller à ce que personne n'en dépose une similaire.

'Si vous portez le nom Cartier, il est délicat de pouvoir déposer une marque, sauf à ajouter son prénom ', témoigne Emmanuel Olivari, conseiller juridique au Syndicat général des Côtes du Rhône. Le temps où l'on pouvait créer sa petite marque dans son coin, sans rien demander à personne, est bien révolu.

' Dans de nombreux pays, dont la France, le simple usage d'une marque ne confère aucun droit, sauf en cas de marque notoire. Seul le dépôt à l'Inpi (Institut national de la propriété industrielle) permet d'acquérir des droits sur la marque ', rappelle Stéphanie Picard, du cabinet Plasseraud, conseil en propriété industrielle à Lyon. Si le monde industriel est très vigilant sur ce point, force est de constater que de nombreux vignerons négligent la protection de leur marque par méconnaissance des risques encourus. Pourtant, les démarches sont simples et peu coûteuses.
Avant le dépôt d'une marque auprès de l'Inpi, il faut s'assurer que le nom est disponible, c'est-à-dire qu'il n'a pas déjà été approprié par un concurrent ou qu'il ne porte pas atteinte à d'autres droits appartenant ou utilisés par des tiers. ' Il est important de savoir que c'est au déposant d'effectuer cette recherche d'antériorité, car l'Inpi ne refusera pas un dépôt au motif qu'une autre marque, ressemblante ou identique, a déjà été déposée ', met en garde Isabelle Pfenninger, consultant formateur chez Applicom, à Muizon (Marne). Pour éviter tout risque juridique, il est préférable de se faire aider d'un avocat ou d'un cabinet de conseil en propriété.
Le vigneron doit définir s'il souhaite protéger sa marque sur l'ensemble des vins (classe 33) ou, de façon plus restrictive, seulement sur les vins tranquilles par exemple. Il choisit aussi s'il veut déposer sa marque en France, ou dans d'autres pays.
Concrètement, un vigneron qui souhaite déposer la marque ' Clos de l'hirondelle ' devra examiner toutes les marques ayant le mot clos et hirondelle dans la classe 33. Pour effectuer cette recherche, les juristes s'adressent à des organismes spécialisés disposant de bases de données.

Il est aussi possible de s'adresser directement à l'Inpi ou de commander la recherche sur son site internet (38 euros par classe de produit). Même si l'antériorité est importante dans la protection d'une marque, il n'est pas pour autant permis de tout faire.
Pour déposer un nom de domaine issu du cadastre, il est impératif qu'une grande partie de l'exploitation soit sur cette désignation cadastrale. La cohérence sera alors respectée et personne ne pourra soupçonner ce vigneron d'avoir voulu s'accaparer le nom d'un autre. Par ailleurs, les noms communs répandus comme pigeonnier, tour ou encore moulin, ne peuvent pas être déposés, car ils appartiennent en quelque sorte au domaine public.
Quand plusieurs vignerons portent le même nom, chacun d'entre eux peut bien sûr l'utiliser.
Mais si l'un des homonymes a déposé le domaine Emile-Lucas, les autres devront éviter le mot domaine et utiliser mas Emile-Lucas ou bastide Emile-Lucas. La similitude des noms peut parfois entraîner un professionnel dans une spirale judiciaire imprévisible : un vigneron, dont le nom et le prénom présentent des similitudes phonétiques avec une marque de cognac, s'est trouvé inquiété lors du dépôt de sa marque sur internet, auprès de l'Afnic (Association française pour le nommage internet en coopération).

Après avoir vérifié que la marque est disponible, la demande d'enregistrement s'effectue auprès de l'Inpi, accompagnée d'un chèque de 215 euros. Dès sa publication au Bopi (Bulletin officiel de la propriété industrielle), les tiers disposent d'un délai de deux mois pour s'opposer à l'enregistrement. Ces derniers devront alors démontrer que leur marque est similaire à celle qui est en cours d'enregistrement. A la lecture des arguments, l'Inpi statuera sur une éventuelle opposition au dépôt de la nouvelle marque. Sa décision pourra ensuite être contestée auprès de la cour d'appel de Paris, ce qui est assez fréquent étant donné l'importance de l'enjeu.
Une marque est déposée pour dix années renouvelables indéfiniment de dix ans en dix ans. La durée de la protection peut toutefois être écourtée s'il s'avère que la marque n'est pas utilisée pendant cinq ans. Cette procédure permet d'éviter que certains professionnels déposent de nombreuses marques sans les utiliser, pour limiter le champ d'action de leurs concurrents.
La vigilance s'impose quant au délai des dix ans, sous peine de s'exposer à de graves problèmes. ' Nous avons vu des cas où les vignerons avaient oublié de renouveler leur marque , témoigne Emmanuel Olivari. Ils n'ont plus été en mesure de l'utiliser, car d'autres personnes l'avaient déposée entre temps . ' De fait, dans de grandes entreprises ou chez des conseillers, on surveille la date d'échéance des marques qui pourraient être intéressantes. Il est également important de préciser que l'édition d'étiquettes ou de tout autre document commercial doit avoir lieu après l'enregistrement de la marque. Car si le dépôt est refusé, le concurrent conforté dans l'usage de sa marque sera en droit de demander des astreintes, qui seront calculées au prorata du nombre d'articles contrevenants.

S'il est essentiel de déposer sa marque ou son logo pour pouvoir les utiliser sans souci, il faut aussi penser à les surveiller. Le but est de pouvoir réagir dans les délais impartis (deux mois en France, trois mois pour la Communauté européenne) si une autre personne souhaite déposer une marque présentant des risques de confusion ou d'usurpation. Cette veille doit être confiée à un organisme spécialisé qui dispose des outils nécessaires.
Le Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône met en place, dès le mois de septembre, un contrat de surveillance avec un cabinet de conseil pour 3 euros HT par marque et par mois. Soixante marques viticoles seront ainsi surveillées.

EN SAVOIR PLUS :

www.inpi.fr

www.afnic.fr


Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :