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L'acide ascorbique

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

Ce produit préserve la fraîcheur des blancs fruités. Il doit toujours être employé avec du SO. Après ajout, il faut éviter toute aération, car elle le transforme en redoutable oxydant.

L'acide ascorbique, également connu sous le nom de vitamine C, est naturellement présent dans les raisins comme dans d'autres fruits, à des concentrations de l'ordre de 50 mg/l de jus. Il se dégrade très vite au cours de la fermentation et à l'occasion des aérations. On n'en retrouve généralement pas dans les vins.
Utilisé en oenologie comme antioxydant, il ne peut être ajouté que dans le vin en Europe. La quantité maximale autorisée de 150 mg/l a été relevée à 250 mg/l en août 2003. Les pays du Nouveau Monde l'utilisent également pour protéger la vendange, notamment celle issue d'une récolte mécanique. Très soluble dans l'eau (330 g/l), mais très oxydable, il doit être préparé juste avant son incorporation, avec le minimum de contact avec l'oxygène.
L'acide ascorbique est surtout employé lors de la mise en bouteilles, car il contribue à préserver la fraîcheur. Il permet aussi de diminuer la durée de la ' maladie de la bouteille ', cette phase qui suit l'embouteillage, pendant laquelle le vin se referme. Son effet est plus ou moins marqué. Il est très positif sur des vins frais et fruités, aux arômes très sensibles à l'oxydation (comme les thiols volatils) et qui ont été préalablement très protégés. Il les préservera des petites entrées d'oxygène liées au conditionnement. En revanche, les vins ayant subi un élevage oxydatif (liquoreux, vins rouges fins...) ne retireront aucun bénéfice de l'ajout de ce produit.
L'acide ascorbique doit être additionné à la liqueur d'expédition des effervescents, conjointement au SO 2, afin d'obtenir une teneur dans les vins de 30 à 50 mg/l du premier et de 20 à 30 mg/l du second. Outre son effet antioxydant, il est doté d'un pouvoir tampon. Il maintient pendant plusieurs années le potentiel Redox du vin mousseux en bouteille, protégeant ce dernier de l'évolution.

L'action antioxydante de l'acide ascorbique est liée à son oxydation très rapide, en acide déhydroascorbique au pH du vin. De ce fait, il est plus efficace, lors des petites entrées d'oxygène, que le SO 2, qui agit à plus long terme. ' L'acide ascorbique est un moyen simple d'élimination quasi instantanée de l'oxygène dissous et de prévention des défauts correspondants ', assure Pascal Ribéreau-Gayon dans son Traité d'oenologie. C'est le seul moyen préventif de l'apparition du rosissement des vins blancs : ni la PVPP, ni le collage à la caséine ne sont efficaces sur ce phénomène, qui ne dépend pas non plus du pH ou de l'ajout de SO 2.
En revanche, l'effet protecteur de l'acide ascorbique, s'il est rapide, n'est pas durable. Ce produit n'a donc aucun intérêt pour la conservation des vins en cuve. De plus, en présence d'oxygène dissous, l'oxydation de l'acide ascorbique libère de l'eau oxygénée (ou peroxyde d'hydrogène). Or, cette dernière peut oxyder des composés que l'oxygène dissous n'aurait pas atteints. L'acide ascorbique engendre alors une oxydation qui n'aurait pas eu lieu en son absence. C'est pourquoi le SO 2 est un allié précieux, car il réduit l'eau oxygénée avant qu'elle ne s'attaque aux autres composés. L'emploi d'acide ascorbique ne permet donc pas de diminuer les doses de SO 2, dans la plupart des cas.
Pour ces raisons, l'acide ascorbique est souvent considéré comme le ' docteur Jeckyll et mister Hyde ' de la protection des vins blancs. Les Australiens, gros utilisateurs, notamment sur vendange, remettent aujourd'hui en cause son emploi trop systématique.
Alors qu'il est censé protéger les vins blancs, il provoque leur brunissement. C'est ce qu'a démontré Mark Bradshaw, chercheur au NWGIC (Centre de recherche de la filière vitivinicole australienne), en ajoutant de l'acide ascorbique à une solution de catéchine concentrée, afin de rendre le phénomène plus visible.

Il a observé une augmentation de l'absorbance à 440 nm, caractéristique d'un brunissement, après un temps de latence d'environ 48 heures, alors que la même solution de catéchine, sans acide ascorbique, n'a pas bruni. Ce temps de latence démontre que ce n'est pas l'acide ascorbique lui-même qui agit, mais le produit de son oxydation. Il dépend de l'exposition à l'oxygène ou de la hauteur de dégarni de la bouteille. La présence de SO 2 retarde mais ne supprime pas le phénomène.
De plus, le SO 2 disparaît plus rapidement en présence d'acide ascorbique, selon les observations australiennes. ' L'addition d'acide ascorbique est complètement contre-productive pour maintenir un niveau convenable de SO 2 et empêcher les déviations dans le vin, particulièrement si de l'oxygène rentre en jeu ', conclut Mark Bradshaw. Les effets négatifs n'interviennent qu'une fois que l'acide ascorbique a été complètement oxydé. Si bien que le chercheur australien indique que l'emploi de ce produit doit se faire dans des proportions suffisantes pour qu'il ne disparaisse jamais complètement au cours de la vie du vin. Inutile de vouloir forcer les ajouts pour éviter ce problème : aux doses limites autorisées, l'acide ascorbique confère une saveur acerbe au vin. En fait, ce produit est à réserver aux vins de consommation rapide.

L'acide ascorbique peut aussi être utile pour le traitement d'une casse ferrique. La réaction d'oxydation de l'acide ascorbique en acide déhydroascorbique réduit l'ion ferrique (Fe3+), responsable de la casse, en ion ferreux (Fe2+). Selon les ouvrages d'oenologie, une addition de 5 à 10 g/hl (50 à 100 mg/l) est suffisante pour cet usage. L'acide ascorbique est donc utile lorsque les tests de tenue à l'air, avant mise en bouteilles, révèlent un risque et qu'il est trop tard pour appliquer un autre traitement.
De plus, il n'a pas seulement un rôle préventif : il peut faire rétrograder le début d'une casse ferrique et faire disparaître le trouble associé. En revanche, là non plus l'effet n'est pas durable. Le traitement doit être réalisé juste avant la mise. S'il est suivi d'une autre aération, la casse ferrique se produit à nouveau.



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