Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2004

En finir avec une pollution microbienne

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

Lorsqu'une cuve est touchée par un accident microbien, la contamination peut atteindre toute la cave pour des années. Il faut agir vite, avec des moyens radicaux pour éviter le désastre.

Différents accidents microbiens peuvent altérer gravement les vins. La piqûre acétique menace notamment ceux élevés sous bois. Dès qu'un fût est piqué, il faut s'en débarrasser. En effet, le bois est un nid à microbes.
Or, les bactéries acétiques se développent rapidement au contact de l'air, malgré des taux élevés de SO 2. Le mieux est d'éviter leur apparition par un ouillage régulier, le maintien du chai à basse température et un bon niveau d'hygiène.

' Il ne faut pas se limiter à l'hygiène facile ', prévient Alain Narjoux, oenologue et maître de chai dans le Vaucluse. Il conseille une grande rigueur de nettoyage du matériel dans lequel le vin circule (pompe, tuyaux, raccords...) : ' Une pompe, d'aspect extérieur propre, est en fait contaminée huit fois sur dix ! ' Lors de son achat, on veillera donc à sa facilité de nettoyage.
L'entretien du bois est essentiel. ' Plus qu'une désinfection chimique qui risque de laisser des résidus dans le bois, je préfère un rabotage minutieux sur 1 mm d'épaisseur ', assure Alain Narjoux qui a mis au point une machine, puis fondé une société qui réalise ce rabotage. On élimine ainsi la couche de tartre et une fine pellicule de bois. ' J'ai travaillé sur plus de 1 000 barriques. Nos essais montrent qu'on peut réduire jusqu'à 80 % de la population microbienne du bois. ' Mais si l'altération est trop forte, il vaut mieux détruire le fût. Car un rabotage profond risque de mettre à nu le bois non chauffé aux tannins agressifs.
Les bactéries lactiques causent aussi des piqûres. Le vin contaminé doit être vite soutiré et sulfité, puis stérilisé par une filtration serrée ou un traitement à la chaleur. ' La flash-pasteurisation est efficace et elle n'altère pas les vins ', témoigne Nicolas Piffre, oenologue conseil à Saint-Servin (Gironde). Elle convient dans d'autres cas. Un vigneron du Blayais l'emploie sur ses vins de pH élevé et issus d'une longue macération. ' On fait des analyses systématiques depuis qu'on a eu des problèmes de Brettanomyces en 1999. Dès que l'on dépasse 1 000 levures/ml, on applique la flash-pasteurisation. '
En 1999, ce viticulteur a trouvé 1 million de levures/ml dans un vin dont la malo tardait à s'enclencher. Des prélèvements ont été réalisés pour savoir d'où venait la contamination. Il s'agissait d'une cuve souterraine, dont la trappe supérieure retenait les eaux de lavage. ' Les Brettanomyces se multiplient très vite dans l'eau stagnante ', remarque Marie-Laure Lataur de la chambre d'agriculture de Gironde. Des tuyaux lavés et désinfectés étaient suspendus à proximité. Ils ont sans doute été contaminés après coup, puis ont propagé les levures à d'autres cuves.

Mais l'origine du problème, parfois à la vigne, peut être difficile à trouver. ' On ne peut pas l'éradiquer, estime un autre vigneron du Val de Loire. On ne peut que l'empêcher de se propager. ' Depuis qu'il a subi des attaques de Brettanomyces, il a augmenté le sulfitage à la récolte, passant de 3 à 7 g/hl. Il maintient au moins 30 mg/l de SO 2 libre toute l'année et filtre serré à la mise, avec des cartouches de 1,2 mm.
Lorsqu'on soupçonne un développement de Brettanomyces, il faut immédiatement apporter un échantillon au laboratoire. Leur dénombrement est devenu courant et certains proposent l'analyse à 15 euros.
' A plus de 1 000 Brettanomyces par bouteille, on peut considérer que la cave est sérieusement contaminée ', estime Laurent Vuillaume, du laboratoire Vect'oeur en Côte-d'Or. Toutefois, ' le risque dépend non seulement du taux de levures, mais aussi de leur viabilité ', précise Jean-François Gillis, d'Oenodev. Pour l'estimer, on procède à des dénombrements successifs, à plusieurs jours d'intervalle. S'il s'agit d'une petite population qui ne se développe pas, un simple sulfitage suffira. En revanche, si les levures sont en croissance rapide, on n'hésitera pas à faire un traitement radical, comme une flash-pasteurisation.
Après traitement, on stocke le vin en dehors de la cave, le temps de procéder à un grand nettoyage des locaux, des contenants et du matériel. Puis on peut le réintroduire dans la cave saine.
Pour le chai, on conseille d'appliquer une méthode précise de nettoyage et désinfection. ' Le but n'est pas de faire une salle blanche, mais de ramener la population à un niveau correct , précise Laurent Vuillaume. Et il ne faut pas oublier de nettoyer ce qui est moins visible : les joints d'étanchéité, les recoins du sol et des murs... ', car ce sont des foyers de contamination en puissance.

' Plus que le type de produit, c'est la manière de l'utiliser qui importe, assure Jean-François Gillis. Il faut presque nettoyer à la brosse à dent, et ne laisser aucune trace de tartre ! ' En général, on nettoie à la soude, on rince et on désinfecte au peroxyde. Le mieux est d'élaborer un plan d'hygiène.
Dans les caves où il y a déjà eu des problèmes, on conseille de faire des dénombrements de Brettanomyces systématiques, dès la fin de la fermentation. ' Dès que l'on passe en dessous de 1 000 de densité, puis tous les dix jours ', estime Jean-François Gillis. Car cette période juste avant la malo est critique. L'analyse des sucres résiduels permet de préciser le risque. ' Il suffit qu'il reste 2 à 3 g/l pour que le vin atteigne des concentrations énormes en éthyls-phénols ', constate Jean-François Gillis. Le raisonnement est exactement le même avec les bactéries lactiques.

Lorsque la malo est finie et le vin sulfité, l'idéal est de faire une analyse microbienne une fois par mois, tout en apportant une bonne protection en SO 2. Attention, il faut raisonner en SO 2 actif, une fraction de SO2 libre, d'autant plus faible que le pH est élevé. Selon la dose ajoutée, les levures sont simplement inhibées ou détruites.
' Dès la fin de la malo, il faut réduire la population microbienne par un collage bien fait. Et en cours de conservation, surveiller la température des locaux. Beaucoup de caves ne sont pas isolées. Or, si la température monte, les dégâts peuvent apparaître très vite, même en bouteille ', remarque Robert Dejean, oenologue à Narbonne. Il conseille aussi une analyse de levures d'altération après la mise.
Enfin, il faut être vigilant sur certains vins, comme ceux de presse qui ont un pH élevé et contiennent des sucres.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :